Jade Saint-Georges – collaboration
Alors que les humanitaires de la Flotille de la liberté ont été arrêté·e·s dans la nuit du 9 juin, les rapports coloniaux dans les structures de l’aide ne peuvent être plus visibles.
Alors que les voix s’élèvent dès le départ de la Flottille — et de manière d’autant plus active au moment de l’interception du bateau — pour assurer le passage de l’aide et le respect de l’intégrité des humanitaires, le silence dans les « grands » médias depuis le début de la mission est flagrant. Entre les articles sur le « drama » entre les deux milliardaires des États-Unis et la confirmation de l’ADN du nouveau pape, le silence sur les crises humanitaires et climatiques touchant les populations socialement et historiquement opprimées est criant.
Dans ce contexte, la crise de l’aide internationale actuelle ne peut être prise isolément de l’amollissement du respect des normes et lois internationales. Bien que celles-ci ne soient pas nouvelles, elle prend une nouvelle tournure depuis les multiples violations du droit international commises par des États comme Israël qui ciblent intentionnellement des civil·e·s, dont des nombres d’enfants, et des humanitaires. En effet, il est maintenant quotidien de voir des violations des droits internationaux et des droits internationaux humanitaires en toute impunité.
Cet article se veut en soi un regard critique de la situation actuelle et un message de solidarité pour les peuples subissant activement les violences de la colonisation. Il se veut également un message de solidarité pour les humanitaires arrêté·e·s dans la nuit du 9 juin et pour la population de Gaza à qui leur mission donnait espoir. Un espoir que plusieurs d’entre nous ont également porté tout au long de la semaine pendant laquelle leur mission se déroulait. Un espoir qui — loin d’être anodin — représentait l’humanisme et la solidarité portés par plusieurs qui ne savent pas encore comment agir face aux multiples crises de notre temps.
La Flotille de la Liberté, symbole politique de solidarité et de résistance
Ayant vu le jour en 2010, la Coalition pour la flottille de la liberté est « un mouvement de solidarité populaire composé de campagnes et d’initiatives provenant de différentes parties du monde, qui travaillent ensemble pour mettre fin au blocus israélien illégal de la bande de Gaza ». La Coalition met de l’avant quatre objectifs, soit : briser le blocus illégal et inhumain de la bande de Gaza imposé par Israël, sensibiliser les citoyens et citoyennes du monde entier au blocus de Gaza, condamner et rendre publique la complicité d’autres gouvernements et protagonistes mondiaux, et répondre à l’appel de le population palestinienne et de ses organisations de Gaza à la solidarité pour briser le blocus.
Alors que la Coalition pour la flottille de la liberté cumule plusieurs années d’expérience, le cas des deux dernières flottilles a particulièrement retenu l’attention. Rappelons d’abord la « Conscience » qui a été attaquée par des drones le 2 mai 2025 au large de Malte alors qu’il entreprenait son voyage vers Gaza pour délivrer de l’aide humanitaire. Plus récemment, le « Madleen » qui a quitté le port de Catania en Sicile le 1er juin 2025 et qui a été intercepté dans la nuit du 9 juin 2025.
Comme l’ont partagé à plusieurs reprises les humanitaires à bord du « Madleen » et des personnes expertes des Nations Unies, les denrées transportées ne représentaient qu’une goutte dans l’océan relativement aux immenses besoins à Gaza alors que 100 % des personnes habitant la zone sont à risque de famine après un blocus qui dure depuis 17 ans, et un blocus total depuis le 2 mars 2025 qui accélère la crise humanitaire dans l’enclave. Pourtant, leur mission est d’une valeur symbolique humaine cruciale alors que le monde constate les violences documentées à Gaza comme jamais auparavant via les médias sociaux.
Entre impuissance et ouverture vers de nouvelles opportunités d’action de résistance
Alors que le commun des citoyens et citoyennes peuvent se sentir envahi par l’impuissance face aux violences perpétrées à tellement d’endroits dans le monde en 2025, dont des violences génocidaires contre le peuple palestinien à Gaza par Israël, suivre la trajectoire et la mission du « Madleen » a insufflé aux quatre coins du monde, dont Gaza, un sentiment d’espoir et de résistance dont nous avions tous et toutes besoin.
D’abord, il est à souligner l’approche résolument décoloniale portée par la Flotille pour la liberté qui a constamment rappelé que « les personnes à Gaza n’ont pas besoin que personne ne vienne les sauver, ielles ont plutôt besoin que leur lutte pour la justice soit amplifiée et supportée, que nous cessions la complicité, que nous pressions et coupions les liens avec ceux qui commettent des violations des droits humains ». Ce message est crucial alors que la mission du « Madleen » se veut un acte de solidarité avec le peuple palestinien et non une action de sauvetage s’inscrivant dans les rapports coloniaux Nords-Suds persistants. Au contraire, la mission du « Madleen » insuffle la vision d’une résistance solidaire possible grâce à l’alliance de la majorité, cette même majorité qui regarde les violences génocidaires documentées via les médias sociaux quotidiennement.
Les humanitaires du « Madleen » et leurs collègues et partenaires ont d’ailleurs diffusé·e·s multiple actions possibles pour s’engager à notre échelle dans des actions de résistance. Parmi celles-ci, suivre et faire pression pour la sécurité des humanitaires et des personnes de Gaza via les médias sociaux et des campagnes de communication à nos dirigeant·e·s, joindre des coalitions qui partent de partout dans le monde pour se joindre à la Flotille via des contingents terrestres, et continuer à sortir dans la rue pour dénoncer et amplifier les luttes pour la justice des peuples socialement et historiquement opprimés.
Face à l’inaction des institutions, la mission du « Madleen », inscrite dans une coalition soutenue professionnellement, illustre également une autre forme de solidarité internationale active. Entre les actions d’organisations humanitaires professionnalisées et la militance sur les réseaux sociaux ou dans la rue, les convois humanitaires comme celui des Flottilles pour la liberté ou encore de la Marche mondiale vers Gaza montre la force du nombre si les majorités citoyennes s’allient pour se mobiliser activement dans la réponse humanitaire.
Ici, nous agissons hors des cadres institutionnalisées qui peuvent être ralenties par les impératifs bureaucratiques, et en avant des mobilisations qui réagissent dans la rue et sur les réseaux sociaux. Si aucun acte isolé ne peut mettre fin à des injustices, la somme de ces actions s’illustre comme un possible qui redonne espoir en la solidarité internationale qui semble difficilement pouvoir atterrir dans le contexte actuel. Bien que la mission du « Madleen » n’a pris fin dans la tournure que l’espérions en tant que personnes engagées pour la solidarité internationale, elle est néanmoins une réussite pour ce qu’elle a représenté et continu de représenter au lendemain de son interception.