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Charline Caro, correspondante
Les campagnes municipales de Montréal et de New York battent leur plein, et voient émerger des candidatures progressistes venues défier les partis traditionnels. Tandis que Craig Sauvé défend une taxe sur les ultra-riches et une réforme du système électoral montréalais, Zhoran Mamdani promet d’améliorer le pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires new-yorkaises.
Les élections municipales de New York sont marquées par l’ascension inattendue d’un jeune candidat de gauche, venu renverser l’establishment politique. Zhoran Mamdani, 33 ans, ougandais d’origine, est membre de l’Assemblée de l’État de New York depuis trois mandats. Il s’est lancé dans la course à la mairie de New York, après avoir remporté la primaire démocrate, sans que personne n’ait misé sur lui. Il a notamment battu Andrew Cuomo, ténor du parti démocrate et ancien gouverneur de l’État.
« Un coup de tonnerre », titrait le New York Times à l’issue de la primaire, tant le candidat Mamdani détonne avec la « tendance centriste majoritaire au sein du parti démocrate ». Socialiste revendiqué, il centre sa campagne sur le pouvoir d’achat et la vie chère, tout en revendiquant un engagement clair en faveur de la Palestine.
« Il effraie les élites new-yorkaises et les centristes démocrates, qui voient en lui une caricature d’une certaine gauche dont Donald Trump et les républicains se délectent », pouvait-on lire dans La Presse cet été. Ça n’a pas manqué, le président des États-Unis le traitant régulièrement de « petit communiste » sur son réseau social.
Les critiques viennent aussi de certains membres de son propre parti, que le programme socialiste dérangent. La députée démocrate Lauren Gillen déclarait que « le socialiste Zhoran Mamdani est trop extrême pour diriger New York ». Andrew Cuomo, son adversaire durant la primaire démocrate, et désormais candidat indépendant, dénonce quant à lui un programme « dangereux ». Bernie Sanders, un de ses rares soutiens démocrates de poids, a condamné le faible soutien du parti à son candidat new-yorkais.
Un programme d’accessibilité financière
Zhoran Mamdani place la lutte contre la vie chère au cœur de son programme. Il souhaite notamment geler les loyers pour 2 millions de résidants, rendre les autobus gratuits, instaurer un service de garde universel, ouvrir des épiceries municipales avec des produits subventionnés, ou encore augmenter le salaire minimum de 15 à 30 dollars de l’heure d’ici 2030. Le candidat dit vouloir permettre aux classes populaires et moyenne de rester à New York, alors que l’augmentation des loyers, de l’alimentation, et des transports contraint de nombreux ménages à partir.
C’est un programme « résolument de gauche », estime le New York Times, alors que le message sur la vie chère « fait défaut de nombreux démocrates sur la scène nationale », et que le parti démocrate peine à rallier les classes moyennes et populaires depuis l’ère Obama.
Le candidat souhaite financer ces mesures sociales en taxant davantage les plus riches. Le taux d’imposition des entreprises passera de 7,5 à 11,5%, et celui des New-Yorkais gagnant plus de 1 millions de dollars sera augmenté de 2%. Il faut « taxer les 1% [des plus riches] pour les 99% [restants] », soutient-il sur ses réseaux sociaux.
Le rôle de la police remis en cause
Dans un tweet posté en 2020, Zhoran Mamdani déclarait : « Nous n’avons pas besoin d’une enquête pour savoir que le NYPD est raciste, anti-queer et une menace majeure à la sécurité publique. Ce dont nous avons besoin est de définancer le NYPD. » Largement critiqué par ses adversaires pour cette prise de position, le candidat affirme que ces critiques ne correspondent plus à ses opinions actuelles.
Sur le plan de la sécurité, le candidat veut toutefois créer un Département de la sécurité communautaire pour prévenir la violence. Si la police a « un rôle essentiel à jouer, elle ne peut pallier aux défaillance de notre filet de sécurité sociale », défend-il sur sa plateforme électorale. Le nouveau département de sécurité investira ainsi dans des programmes de santé mentale et d’intervention sociale. Il prévoit également de déployer des travailleurs sociaux dans les stations de métro pour garantir la sécurité des plus vulnérables et des passagers.
Craig Sauvé, l’outsider montréalais
À Montréal, un autre candidat inattendu vient déranger la course à la mairie avec des propositions sociales plus radicales, et une remise en cause du statu quo politique. Conseiller municipal dans l’arrondissement du Sud-Ouest depuis 2013, il l’était sous la bannière de Projet Montréal jusqu’en 2021, avant de siéger comme indépendant suite à une allégation d’agression sexuelle. Cet été, il a annoncé sa candidature à la mairie, sous les couleurs de son nouveau parti Transition Montréal.
S’immisçant dans la course traditionnelle entre Projet Montréal et Ensemble Montréal, le candidat souhaite mettre fin à l’alternance entre « deux vieux partis qui nous gouvernent depuis des décennies », est-il écrit sur son site de campagne.

Un programme plus radical ?
Contrairement à Zhoran Mamdani, Craig Sauvé est notamment en concurrence avec un parti, Projet Montréal, qui se dit « progressiste, écologiste et féministe ». Si le candidat propose des mesures marquées à gauche, elles sont moins inédites que dans le paysage politique américain et new-yorkais.
Parmi ses mesures phares, Craig Sauvé propose de taxer les ultra-riches, avec une taxe foncière sur les propriétés de luxe qui valent au-delà de 3,5 M$. Les sommes récoltées, dit-il, seront « entièrement consacrées à la lutte contre l’itinérance et l’inabordabilité des logements à Montréal ». Interrogé par TVA sur la popularité d’une telle mesure, Craig Sauvé prend l’exemple de Zhoran Mamdani : « S’il peut convaincre Manhattan de voter pour lui avec ces mêmes idées, je pense que ça peut marcher à Montréal. »
La sécurité est un autre point sur lequel le candidat Sauvé se distingue de Projet Montréal. Contrairement au parti de Valérie Plante qui a augmenté son budget, Craig Sauvé veut désinvestir du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), afin de « s’attaquer aux causes profondes de la criminalité ». Le candidat veut notamment créer une brigade civile chargée des cas de détresse sociale, qui ne relèvent pas de la police selon lui. L’aspirant-maire souhaite également mettre fin aux « interpellations de rue arbitraires » visant les personnes noires et autochtones.
Pour le reste, si son discours est parfois plus explicite, les solutions envisagées sont semblables à celles proposées par Projet Montréal et son candidat Luc Rabouin. Sur la crise du logement, bien que Craig Sauvé dénonce le « capitalisme effréné » comme cause à la crise, il dit miser sur les logements sociaux, comme Projet Montréal, sans qu’un plan plus étoffé ait été dévoilé pour le moment.
Un changement démocratique plus que politique
Si Craig Sauvé souhaite une rupture, c’est davantage au plan démocratique. Interrogé par TVA sur les différences entre son parti et celui de Projet Montréal, il n’a rien avancé de concret, disant viser la collaboration : « On va prendre les bonnes idées de tous les partis : c’est une nouvelle manière de faire de la politique ».
En créant un nouveau parti, Craig Sauvé semble davantage chercher à élargir le débat municipal plutôt que de s’emparer du pouvoir pour opérer un tournant politique. « Je veux faire dialoguer les partis entre eux et mettre fin à la partisanerie », déclarait-il lors d’un débat entre les candidatures en septembre à l’Institut du Nouveau Monde.
Son programme défend par ailleurs une réforme électorale, avec la mise en place d’un vote proportionnel et préférentiel. L’électorat pourrait ainsi classer les candidatures selon leur ordre de préférence — comme à New York — et obtenir un conseil municipal proportionnel aux scores obtenus. L’idéal visé par Craig Sauvé, c’est « un conseil avec cinq ou six partis, menant des coalitions et des négociations entre eux », avance-t-il sur ses réseaux sociaux.
Le champ des possibles au municipal
Dans des contextes et des répertoires différents, Zhoran Mamdani et Craig Sauvé rebattent les cartes de leurs élections respectives, en profitant de la place du progressisme au municipal, plus importante qu’à l’échelle nationale.
Zhoran Mamdani, crédité de 47 % des intentions de vote, semble jouer un rôle qui sera déterminant sur le plan politique, qui plus est dans un pays dirigé par l’extrême droite. Craig Sauvé, qui affiche 7 % dans les derniers sondages, joue davantage le rôle de l’outsider, assez présent toutefois pour amener les partis traditionnels à s’adapter à sa présence et ses propositions.