Le Groupe de Solidarité pour Haïti lance un appel urgent à la communauté haïtienne de la diaspora canadienne, aux forces progressistes du Canada en général et du Québec en particulier à se solidariser à la lutte du peuple haïtien.
Haïti est déchirée par une crise aiguë qui touche toutes les strates de la société depuis le grand soulèvement contre la montée du prix de l’essence les 6 et 7 juillet 2018. En effet, les autorités haïtiennes avaient annoncé le vendredi 6 juillet une augmentation des prix de l’essence de 38 %, du diesel de 47 % et de kérosène de 51 % à compter du samedi 7 juillet à minuit alors que le prix du baril chutait. La mesure découle du nouveau cadre de référence entre le Fonds monétaire international (FMI) et Haïti. Par ailleurs, depuis deux ans le dossier PetroCaribe s’inscrivait dans l’espace public à travers des textes d’intellectuels, des rapports du Sénat, des demandes de partis politiques. Gilbert Mirambeau Jr synthétisa cette grogne contre la corruption en lançant le 14 août 2018 sur la toile le #KotkobPetwoKaribea qui a été suivi par des dizaines d’influenceurs et repris par des milliers de personnes sur la twittosphère et la blogosphère.
Le 17 octobre 2018, une nouvelle dynamique est impulsée dans la lutte par la présence des milliers de personnes dans les rues à travers le pays réclamant la lumière sur l’utilisation des Fonds de Pétrocaribe. Il s’agit d’un accord stipulant que le Venezuela vend son pétrole au gouvernement haïtien à 40% de sa valeur alors que les 60% restants se transforment en dettes à faible taux d’intérêt. Les fonds résultant de ces conditions avantageuses devaient servir à financer des projets d’infrastructure et de développement socio-économique en Haïti. Or, plusieurs rapports ont démontré que ces fonds ont été dilapidés par les gouvernements haïtiens dans le cadre d’une vaste entreprise de corruption, mettant à nu les privilèges inouïs des élus et des grands commis de l’État face à une population démunie.
La mobilisation populaire s’est intensifiée depuis, pour culminer avec les manifestations monstres du 7 février 2019 où la population reprend la rue, pour cette fois ne plus la quitter que sporadiquement. En marge des manifestations monstres relayées par les médias étrangers, il y a toutes sortes de marches pacifiques organisées par les universitaires, les professeurs pour réclamer justice et réparation pour les jeunes fauché.e.s par les balles assassines de la police1, des lycéen.ne.s pour exiger les moyens et les conditions constitutifs d’une éducation de qualité, des professeur.e.s pour réclamer leurs arriérés de salaire, des ouvrier.ère.s pour un salaire minimum décent, etc. Entretemps, le pouvoir en place, tel un pyromane, ne fait qu’amplifier les brasiers à chaque tentative maladroite de juguler la crise par l’instauration de «démarche de dialogue» d’une main et la répression de l’autre[1].
Cette crise conjoncturelle exacerbée, dont le gouvernement en place semble être incapable de résorber, n’est objectivement que l’expression phénoménale d’une crise structurelle, remise en question profonde d’un système inapte à répondre aux besoins, même les plus immédiats, des masses populaires et de la société d’une manière générale.
En effet, les méthodes de pillages des ressources d’Haïti depuis l’époque coloniale se sont certes transformées, mais elles se sont poursuivies par les différentes interventions impérialistes tout au long du XXème siècle à nos jours à travers des réformes néolibérales qui ont accéléré la dépendance économique et culturelle du pays. La corruption et le népotisme des gouvernements successifs, valets des pays dits « amis » d’Haïti et assujettis à leurs diktats, s’assurent du maintien du statu quo au service de l’oligarchie. Aujourd’hui, les masses haïtiennes n’ont pas accès aux services les plus élémentaires : le système d’éducation est caduc, le système judiciaire est défaillant, le système de santé est quasi inexistant, l’accès à l’eau potable est très précaire, la sécurité des vies et des biens n’est pas assurée, le coût de la vie est excessivement élevé avec une inflation dépassant plus de 15% sur les différents produits.
C’est dans ce contexte que les masses haïtiennes prennent leur destin en main et sont déterminées à faire entendre leur voix à travers ces différentes mobilisations.
Considérant :
- que l’état de délabrement et de corruption de l’État haïtien, qui n’est plus fonctionnel, a des effets dévastateurs sur la population et sur le pays;
- que le président de la République, M. Jovenel Moise, est dans l’incapacité de gérer la crise actuelle;
- que la répression sauvage est utilisée pour bâillonner la population et l’empêcher d’exercer ses droits démocratiques;
- que le Canada, à travers le Core Group, contribue à maintenir le statu quo et à soutenir ce gouvernement décrié et répudié par la population haïtienne;
Nous du Groupe de Solidarité pour Haïti de Montréal (GSHM)
- Appuyons la lutte du peuple haïtien et les revendications qu’elle charrie;
- Dénonçons la vague de répression actuelle;
- Demandons la démission du président Jovenel Moïse;
- Exigeons le procès pour la dilapidation des fonds de Pétrocaribe;
- Proposons la mise en place en Haïti d’un mécanisme de discussion pour la refondation de la nation;
- Proposons la mise en place immédiate de mesures pour soulager la misère que subit la population haïtienne;
- Demandons au gouvernement canadien de maintenir la suspension de renvoi des demandeurs d’asile déboutés vers Haïti et de l’inclure dans la liste des pays sous moratoire le plus rapidement possible;
- Demandons au gouvernement canadien de dénoncer les violations des droits humains exercées par le gouvernement haïtien;
- Demandons au gouvernement canadien de ne plus soutenir ce gouvernement répressif et corrompu;
- Demandons au gouvernement canadien de soutenir la population haïtienne dans sa juste demande de comptes des fonds PétroCaribe dans le cadre d’un procès transparent;
- Demandons au gouvernement canadien de réviser sa politique par rapport à Haïti.
GROUPE DE SOLIDARITÉ AVEC HAITI DE MONTRÉAL
Premiers signataires : Frantz André, Pierre Beaudet, Monique Dauphin, Ricardo Gustave, Jean-Claude Icart, Chantal Ismé, Alain Philoctète, Edenne Roc, Alain Saint-Victor, Marjorie Villefranche, Frantz Voltaire
- Pour prendre contact avec le Groupe de solidarité avec Haiti, écrire à haitigroupsolidarite@gmail.com
- Pour appuyer l’appel, cliquez ici
- Informations: Marjorie Villefranche, 514-754-6734
[1] Plus d’une dizaine de personnes auraient trouvé la mort du 7 au 11 février 2019 (Alterpresse 22/02/2019).