Le Nouvelliste, 2019-06-19
La presse haïtienne est en deuil suite à l’assassinat du journaliste de Radio Sans Fin (RSF), Pétion Rospide. Les messages de sympathie à l’endroit des journalistes haïtiens viennent de partout. Une très mauvaise note pour notre pays qui est toujours incapable de faire la lumière sur la disparition du photojournaliste Vladjimir Legagneur et tant d’autres. En moins de deux ans, la presse haïtienne pleure encore deux de ses membres.
Comme si cela ne suffisait pas, des journalistes et des médias sont attaqués ces derniers jours par des manifestants, dans le cadre du mouvement anti-Jovenel Moïse. Radio/Télé Ginen, Radio/Télé Caraïbes et Radio/Télé Métropole ont été attaquées par des manifestants en colère. La direction de la Radio Zenith a aussi signalé des tirs d’armes automatiques contre la station cette semaine.
Plusieurs journalistes, accusés d’être proches du pouvoir, ont été agressés pendant la couverture des manifestations ou dans d’autres circonstances. D’autres ont été blessés par balle pendant la couverture de manifestations. Sur les réseaux sociaux, des travailleurs de la presse relatent les menaces qu’ils reçoivent pour leur position dans la crise actuelle. Dans les villes de province où les gangs armés font la loi, des médias et des journalistes se disent menacés.
Ce tableau constitue un recul en matière de liberté d’expression en Haïti. Il explique aussi la longue route que le pays doit parcourir dans la construction d’un véritable État de droit où les opinions contraires sont acceptées. Ce scénario se répète à chaque période de crise politique. C’est la preuve que les protagonistes sont nostalgiques de la période de la dictature où la pensée unique était imposée.
Il n’y a pas que les travailleurs de la presse qui sont attaqués dans le cadre de l’exercice de leur profession. Le secrétaire général du RDNP, Eric Jean-Baptiste, est dans le viseur des manifestants anti-Jovenel Moïse à la suite de ses interventions dans les médias mardi. Plusieurs points de vente de loterie lui appartenant ont été attaqués ce mercredi en représailles. Pourtant, la Constitution et les lois haïtiennes tracent la voie à suivre en cas de diffamation et autres délits de presse.
Ces attaques contre des médias et des journalistes vont certainement avoir des conséquences sur la position d’Haïti dans le prochain classement mondial de la liberté d’expression dans le monde. En dépit des conditions précaires de travail des journalistes haïtiens, Haïti est placée depuis plusieurs années parmi les pays qui font bonne figure dans ledit rapport sur le continent américain, voire dans le monde. Il s’agissait de l’un des rares rapports où le pays figurait parmi les 50 premiers pays à travers le monde.
A côté des attaques physiques contre des journalistes et des médias, il y a aussi l’incitation à la haine et à la violence qui se fait ouvertement contre des groupes sociaux ou des personnalités sur les réseaux sociaux et malheureusement dans certains médias. Le laxisme ambiant laisse le champ libre à ce genre de pratique. Les protagonistes de la crise actuelle, quant à eux, doivent savoir que la liberté d’expression est un bien commun qu’ils doivent protéger.