Nina Scholz, Der Freitag le 17 septembre 2021 (traduction rédaction A l’Encontre)
La protection du climat et les droits des travailleurs sont souvent mis en opposition. Une manifestation à l’usine Bosch de Munich-Trudering, banlieue de Munich, montre comment on peut faire les choses différemment.
Le climat et la lutte des classes vont de pair. Il s’agit d’une déclaration générale correcte et importante dans le discours de gauche, pour laquelle, cependant, peu d’exemples pratiques peuvent être trouvés jusqu’à présent.
Dans la forêt de Hambach [entre Cologne et Aix-la-Chapelle], le mouvement pour le climat, d’une part, et les travailleurs de RWE [conglomérat du secteur de l’énergie], qui craignaient pour leur emploi, d’autre part, étaient irréconciliablement opposés. A l’époque, la question de savoir pour quel objectif leur syndicat IG BCE [IG Bergbau, Chemie, Energie] pourrait éventuellement se battre, si ce n’est pour la préservation des emplois nuisibles au climat, et si RWE et la politique favorable au capital ne sont pas des adversaires des deux entités [les jeunes pour le climat et les salarié·e·s de RWE], n’a pas été posée publiquement ni collectivement.
C’est peut-être la raison pour laquelle les protestations conjointes de jeunes militants pour le climat et des travailleurs de l’usine Bosch de Munich-Trudering attirent aujourd’hui une attention particulière.
Là, 250 travailleurs se battent contre la fermeture de l’usine et la perte de leurs emplois. «Notre problème est l’interdiction des moteurs à combustion», explique Ferhat Kirmizi, vice-président du comité d’entreprise. «Seules des voitures électriques doivent être construites, mais, ici, nous ne fabriquons rien pour cela.» L’usine en question produit des soupapes d’injection et des pompes à carburant pour les moteurs diesel. Bosch est le plus grand fournisseur automobile au monde. Je lui demande si Bosch utilise les nouvelles réglementations pour déplacer la production vers des pays qui leur sont plus favorables. «Je ne peux pas le dire avec certitude.» Mais ses exigences sont claires: «Nous voulons conserver nos emplois et construire, ici, des produits autres que ceux pour l’industrie automobile nuisibles au climat. Bosch fabrique beaucoup d’appareils électroménagers. Alors pourquoi pas ici?»
Les salarié·e·s de Bosch sont soutenus par leur syndicat IG Metall – et par de jeunes militants pour le climat. «Un jour, ils se sont rassemblés devant notre usine et ont protesté contre les suppressions d’emplois. Ils ont également lancé une pétition en notre faveur. Je suis allé les voir et leur ai demandé s’ils savaient que nous produisions des pièces nuisibles pour le climat. Mais ils le savaient et m’ont dit: “La protection du climat ne doit pas se faire sur votre dos”».
C’est ce que confirme également Mia, une écolière active dans le mouvement pour le climat depuis quelques années. Elle est également plus claire que Fehrat Kirmizi: «La délocalisation de la production des usines en raison du prétendu passage à l’e-mobilité n’est qu’un prétexte. Bosch s’intéresse aux profits, pas au climat. Nous ne serons pas montés les uns contre les autres. Les entreprises aiment faire croire que des emplois sont perdus à cause de la protection du climat. C’est pourquoi nous nous sommes mis en réseau et nous luttons maintenant ensemble pour conserver l’usine et y fabriquer des produits dont la société a vraiment besoin.»
Entre-temps, les travailleurs de Bosch et les activistes climatiques ont chacun lancé une pétition – avec des revendications identiques – et beaucoup l’ont déjà signée. D’autres actions conjointes sont à venir. Les luttes des travailleurs et des travailleuses ainsi que des mouvements sociaux sont toujours particulièrement fortes lorsqu’ils ne se laissent pas diviser et ne tombent pas dans le piège: soit nous, soit vous. Jusqu’à présent, en Allemagne, la jonction entre les mouvements pour le climat et celui des travailleurs ne s’est pas faite. Munich pourrait être le début d’un changement.