Maria Kiteme, correspondante en stage
En réponse au soudain départ d’Amazon du Québec, une vaste campagne de boycottage est lancée qui ne se limite pas qu’au territoire québécois. La mobilisation s’étend maintenant aussi au Canada. L’empire tentaculaire de Jeff Bezos s’étend par ailleurs sur toute la planète. Son appétit à détruire tout syndicat sera globalement mis au défi. Désormais, nous vivons dans un monde où la loi du plus fort se confond avec celle des entreprises.
Il existe de nombreux points de résistance à l’international, incluant le Sud global : le Népal, l’Inde, le Bangladesh, la Colombie, le Brésil et l’Afrique du Sud joignent leurs forces dans cette lutte transnationale face à Amazon.
Ici, on boycotte Amazon
Dès aujourd’hui, les sept installations d’Amazon au Québec et le centre de livraison à Montréal ont suspendu toutes leurs activités. Le processus de fermeture s’étendra jusqu’au 22 mars prochain. La décision est survenue peu après la première syndicalisation au Canada. Ensemble, les 250 employé.es de l’entrepôt DXT4 à Laval, la CSN, des groupes de travailleur.euses, des internautes et différents réseaux de la société civile unissent leurs voix pour appeler à un boycottage de la multinationale.
Amazon n’est pas qu’un géant du Web. Il est le cinquième plus grand employeur au monde. Sa réputation dépasse les frontières : conditions de travail éprouvantes, surveillance algorithmique, pressions intenses et salaires insuffisants. Comment une entreprise dont la fortune dépasse 2 000 milliards de dollars peut-elle refuser de payer ses employé.es à un niveau décent ? Ce que l’on sait avant tout c’est que l’exploitation d’une main-d’œuvre bon marché est au cœur de ses tendances impérialistes.
Les luttes dans les pays du Nord
Il est crucial de reconnaître la nature transnationale de cette bataille contre Amazon. En novembre dernier, le mouvement Make Amazon Pay marquait sa cinquième année consécutive. Lancé en 2020 par l’UNI Global Union, ce mouvement dénonce les abus de la multinationale. Aujourd’hui, il compte plus de 80 syndicats, 400 parlementaires, des écologistes et des organisations de la société civile. Ces groupes militents pour la défense de la justice sociale, fiscale et environnementale, ayant des allié.es dans plus de 30 pays.
Aux États-Unis, les travailleur.euses connaissent bien les répressions antisyndicales d’Amazon. Le 19 décembre 2024, le syndicat Teamsters avec des milliers d’employé.es déclenche la plus grande grève contre Amazon de l’histoire américaine. Parmi leurs revendications : de meilleurs salaires et des conditions de travail dignes.
L’Allemagne joue un rôle clé dans la contestation. Le syndicat ver.di mène une campagne depuis plus de dix ans, obligeant Amazon à respecter la négociation collective.
En France, le groupe militant ATTAC organise des grèves dans plus de 30 villes contre l’évasion fiscale de l’entreprise.
Au Royaume-Uni, les travailleur.euses dénoncent l’intimidation antisyndicale et les conditions de travail déplorables. À Coventry, l’adhésion aux syndicats explose de 50 % en raison des surcharges de travail, de la suppression des heures supplémentaires et des sanctions disciplinaires abusives.
Le Sud global se mobilise
On reconnaît souvent la volonté de se soulever face au géant du e-commerce en Europe ou en Amérique du Nord, mais la résistance s’internationalise jusqu’au Sud global. Ces pays, pourtant qualifiés de moins industrialisés, sont au cœur du plan d’innovation de Bezos. Amazon s’impose, dépasse les frontières et fortifie son empire sur les marchés d’ailleurs.
- Au Népal, la campagne Make Amazon Pay Day encourageait les travailleur.euses à rejoindre les piquets de grève lancés par leurs camarades allemands.
- À New Delhi, des centaines d’employé.es dénoncent des conditions de travail dangereuses et faiblement rémunérées. L’été dernier, la canicule a aggravé les risques sur les lieux de travail, exposant les travailleurs à des blessures sans aucun soutien.
- Au Bangladesh, les travailleurs.euses du textile dans huit villes manifestaient dans les rues en demandant un salaire minimum de 207 dollars par mois, une revendication ignorée par Amazon, qui refuse toujours de signer des accords de sécurité.
- À Bogotá, les travailleur.euses syndiqué.es manifestent devant un centre d’appel d’Amazon, dénonçant ses pratiques abusives.
En 2022, l’UNI Global Union décerne son prix Breaking Through au syndicat de Franco da Rocha et Região, au Brésil. Ce syndicat milite pour l’amélioration des conditions de travail dans le e-commerce, marqué par l’adhésion de plus de 600 employé.es.
Le combat trouve un terrain fertile en Afrique du Sud. Dans quatre villes, des militant.es protestent contre Amazon ayant bafoué les droits des communautés autochtones en construisant sur leurs terres sacrées. Les sud-africain.es se rallient derrière cette cause globale, qui rappellent leur histoire coloniale d’exploitation et d’inégalité systémique.
Amazon est partout, la résistance l’est tout autant
Par son geste au Québec, la multinationale tente de fragiliser le mouvement. Est-ce un jeu à sommes nulles comme tente de le faire croire l’élite du high-tech ? Au sein d’un système d’économie globale, Amazon utilise les travers l’oppression pour tirer son profit. Les travailleurs.euses méritent de défendre leur dignité.
« Une entreprise qui ne respecte pas nos lois ne devrait pas être autorisée à faire des affaires ici. »
Caroline Senneville, présidente de la CSN
Dans le contexte politique actuel, marqué par cette soudaine alliance entre les GAFAM et Trump, la mondialisation se complexifie et prend une nouvelle forme : puissante, agressive, mais surtout, imprévisible. Du Québec aux quatre coins du globe, une chose demeure : l’union fait la force. Amazon est partout, mais la résistance l’est tout autant.