Entretien avec Sandew Hira
Sandew Hira est le coordinateur du réseau décolonial international (DIN) et le directeur de l’International Institute for Scientific Research (IISR) de La Haye (Pays-Bas).
Qu’est-ce que le réseau décolonial international (DIN) ?
Le DIN est un réseau international de militants qui travaillent autour de nouvelles philosophies de la libération, en dehors de la philosophie occidentale des Lumières, comme source d’inspiration de leur militantisme. Au cours des dernières décennies, le terme « décolonial » a été utilisé par diverses écolescritiquant les idéologies issues des Lumières européennes. La chute du bloc soviétique a donné un nouvel élan au développement de nouvelles théories de la libération, qui vont au-delà de la production de savoir occidental.
Pourquoi organiser un Bandung du Nord ?
La conférence du Bandung du Nord, qui se tiendra en France en 2018, s’inspire de la conférence organisée en 1955, dans la ville de Bandung en Indonésie, par les dirigeants de pays qui avaient lutté pour leur indépendance politique et économique. Ces dirigeants ne voulaient pas se retrouver à devoir choisir entre l’Occident et le bloc soviétique. Ils affirmaient qu’il existait une autre voie pour le monde qui devrait prendre en compte les idées qui ont été produites par de grandes civilisations en dehors de l’Occident. Cette démarche s’inscrit parfaitement dans le concept de la conférence du Bandung de 2018, à Paris, où le défi le plus important est de développer de nouvelles théories et pratiques de la libération.
Lors de cet événement, qui se déroulera du 4 au 6 mai prochain, nous avons la chance de recevoir, parmi les intervenants, des personnalités aussi diverses qu’Angela Davis, Fred Hampton Jr., Elie Domota, Muntadhar al-Zaidi, Safa Chebbi, Nordine Saidi, mais également des militants et intellectuels antiracistes français comme Houria Bouteldja, Louisa Yousfi ou encore Norman Ajari (le programme complet est téléchargeable sur le site web de l’événement : http://bandungdunord.webflow.io/#Programme).
Quels thèmes seront abordés lors de cet événement ?
Il y a quatre questions importantes qui guideront cette conférence :
- Déterminer où nous en sommes dans l’imagination d’une nouvelle civilisation mondiale qui puisse enfin se libérer de l’héritage du colonialisme. Quelle est notre analyse de l’état actuel du monde et vers quoi celui-ci se dirige-t-il avec la chute des empires coloniaux et la montée d’une nouvelle génération qui critique l’héritage idéologique des Lumières.
- Comment créer un climat d’unité dans la diversité, une thématique qui était déjà importante de la conférence de 1955. La question d’avoir des opinions différentes et être tout de même capable de travailler ensemble est liée à la critique du concept d’universalisme selon lequel ce qui vaut pour l’occident vaut pour le monde entier.
- Comment développer un concept de solidarité entre les luttes dans le nord global et le sud global qui ne soit pas uniquement basé sur l’intérêt matériel, mais également sur les concepts moraux d’humanité et d’amour et comment lier ces différentes luttes dans ces régions ?
- Comment bâtir une internationale décoloniale.