Le sociologue russe, Boris Kagarlitsky, qui s'est prononcé contre la guerre en Ukraine et qui fut arrêté en juillet 2023 et qui fut libéré sous caution le 12 décembre dernier, a vu sa peine alourdie à cinq ans le 12 février 2024. @Nataliya Kazakovtseva/TASS

Ronald Cameron, à partir des informations du Réseau de solidarité internationale avec Boris Kagarlitsky

En juillet dernier, nous avions fait écho de l’arrestation de Boris Kagarlitsky en Russie pour avoir dénoncé la guerre en Ukraine un peu plus tôt cette année. Il a été libéré hier le 12 décembre sous caution. Lev Skoryakin, militant libertaire, kydnappé au Kirghizistan et ramené en Russie pour être emprisonné, a été aussi libéré aujourd’hui.

Malgré les questionnements sur sa position initiale sur le conflit (voir Faire campagne pour  Boris Kagarlitsky pourquoi et comment ?), Boris Kagarlitsky a été l’objet de campagnes internationales pour demander sa libération, notamment celle initiée par le site Rabkor, fondé notamment par M. Kagarlitsky et celle diffusée sur la plateforme Change.

L’issue de ces procès peut surprendre dans un contexte où la répression des voix pacifistes s’intensifie. Il y a encore des centaines de prisonnier.ères politiques en Russie, dont le plus connu, Alexeï Navalny, dont les ami.es sont sans nouvelle.

Selon le militant pacifiste suédois Tord Björk, les décisions de l’administration Poutine s’expliqueraient par plusieurs facteurs. D’abord, Kagarlitsky est un symbole important de la résistance à la guerre. Une large coalition s’st constitué lors de son arrestation pour demander sa libération ainsi que celle des prisonnier.ères politiques en Russie. Kagarlitsky est l’intellectuel russe de gauche le plus connu au monde et a été emprisonné aussi pendant l’ère soviétique. Poutine a possiblement décidé de le mettre en avant comme un symbole.

Un autre facteur est celui de ses liens avec les universitaires avec qui il a coopéré, sans être aussi critiques que lui à l’égard des politiques actuelles de la Russie. « C’est le cas de Radika Desai, qui a soulevé la question de Kagarlitsky lors d’une conversation avec Poutine au cours d’une réunion à Valdai ».

Un autre facteur est l’approche qu’a développé le mouvement pacifiste et écologiste. Celui-ci a défendu Kagarlitsky et les objecteurs de conscience en Russie, mais aussi au Bélarus et en Ukraine, une façon de se défendre plus facilement.

Nous présentons ici les informations entourant cet événement de dernière heure, diffusées par le site Arguments Pour la Lutte Sociale.


Son « procès » vient de se tenir dans le grand Nord russe (République de Komi), à Syktivkar. Des informations nous sont parvenues hier : le procureur a requis une peine d’emprisonnement de 5 ans et 6 mois dans une colonie à régime général et une interdiction d’administrer un site pendant deux ans. Après une heure et demi de délibération, B. Kagarlitsky a été reconnu coupable et condamné à une amende de 800 000 roubles et à la privation du droit d’administrer des sites web et d’utiliser des réseaux sociaux pendant deux ans. L’amende a été réduite à 600 000 roubles (9 000 $CAN NDLR).

L’ensemble des poursuites reposait sur deux mots du titre d’une vidéo sur l’explosion du pont de Kertch : « félicitations explosives ». C’était réellement de l’humour, car les positions de B. Kagarlitsky qui ont certes évolué après le 24 février 2022, ne peuvent être qualifiées de défaitistes. Ce sont soi-disant des habitants de la République de Komi qui auraient porté plainte car cette vidéo les auraient blessés : humour policier involontaire !

L’humour coûte donc 600 000 roubles en Russie, comme l’a relevé Pavel Kudyukin, témoin de la défense et président du syndicat (KTR) Solidarité universitaire, qui a ajouté que le verdict n’est pas juste mais est quand même une victoire.

Les opposants russes se réjouissent de ce qui apparaît comme un verdict clément, bien que tout aussi inique et grotesque que dans tout autre procès politique, actant l’embarras et les contradictions du pouvoir. Notons qu’au même moment, les ami.es d’Alexeï Navalny alertent : on est sans nouvelle du plus connu des prisonniers politiques russes depuis plus d’une semaine.