Laurent Delcourt, extrait d’un texte publié par le CETRI, mai 2020
L’arrivée de Bolsonaro à la présidence du Brésil n’est pas le résultat d’un simple concours de circonstances. Elle traduit aussi l’offensive des élites brésiliennes contre les avancées sociales et démocratiques réalisées par le pays depuis le début du 21e siècle. Face à cette entreprise de destruction de l’héritage « luliste », la gauche, divisée, peine à trouver la parade. Tandis que la gestion bolsonariste de la pandémie Covid-19 assombrit plus encore les perspectives.
Le 28 octobre 2018, en soirée, une foule en délire envahit l’artère qui longe la plage de Barra da Tijuca, quartier huppé de la zone Ouest de Rio de Janeiro. Parée des couleurs nationales, elle est venue célébrer la victoire de son champion, Jair Messias Bolsonaro, qu’elle acclame aux cris de « Mito », le mythe. Tranchant avec l’euphorie de cette marée jaune-vert, pour la majorité des observateurs internationaux, c’est la stupeur. Figure de proue de l’extrême droite, l’ex-militaire est connu pour ses violentes charges contre les minorités (communauté LGBT, indigènes, afrodescendants, etc.), son mépris pour les droits humains et son dédain pour les questions environnementales.
À la tête d’une coalition hétéroclite de représentants du secteur industriel et financier, de propriétaires terriens, de pasteurs évangéliques, de patrons de médias, de militaires et d’une fraction du pouvoir judiciaire, il promet de « nettoyer » le Brésil de ses « bandits rouges ». Et il entend bien mettre en œuvre son agenda rétrograde et autoritaire. Le séisme politique est d’une ampleur inédite dans ce pays de 210 millions d’habitants. Malmenée depuis des années et en crise, la démocratie brésilienne, tant vantée comme un modèle de réussite durant la première décennie du 21e siècle, vient d’accoucher d’une présidence qui en est sa négation même.
« Chaque jour, écrit le philosophe brésilien Vladimir Safatle, le monde est consterné de voir le Brésil – l’une des dix plus grandes économies du monde – sous la coupe d’un gouvernement dont le militarisme, la brutalité, la violence contre des groupes vulnérables, le mépris pour l’environnement nous rappellent certaines caractéristiques majeures des régimes fascistes. Nous connaissons tous le poids d’un tel qualificatif et il ne s’agit pas de l’utiliser de manière irresponsable. S’il est de plus en plus présent dans l’esprit d’une partie importante de la population brésilienne, ce n’est pas par laisser-aller rhétorique […]. C’est parce que ce mot désigne l’horizon possible d’un processus qui ne fait que commencer. Bien sûr, personne ne s’attend au retour exact des modèles totalitaires des années trente. Mais quelque chose de fondamental dans leur logique est bel et bien en cours d’adaptation aux réalités politico-économiques actuelles ».
Comment en est-on arrivé là ? Comment et pourquoi, un médiocre parlementaire d’extrême droite, nostalgique de la dictature militaire, ouvertement raciste, misogyne et homophobe a-t-il pu se hisser à la tête du plus grand pays d’Amérique latine? Qu’exprime ce choix politique ? Et quelles sont les implications pour le Brésil de ce virage à droite ?
L’ENLISEMENT
Début 2011. Après un cycle ininterrompu de croissance économique et de développement social, le Brésil paraissait avoir enfin surmonté son « héritage maudit » (Ibid.). Pour la première fois depuis vingt-cinq ans, la croissance avait franchi la barre des 7,5%. Le taux de chômage avait atteint un niveau historiquement bas (5,3%). La participation du travail au revenu national avait augmenté de 14% par rapport à 2004. Trente millions de personnes étaient sorties de la pauvreté entre 2003 et 2010. Dix millions de plus avaient rejoint les classes moyennes. Et l’immense majorité des travailleurs avait désormais accès à des prérogatives (biens et services) autrefois vécues comme des privilèges réservés à l’élite: traitements dentaires, accès au crédit et à l’université, voyages en avion, etc.
D’aucuns pensaient alors que Lula avait résolu la quadrature du cercle : il avait réussi à intégrer les masses, en évitant la confrontation directe avec les secteurs dominants. Son héritière, Dilma Rousseff, elle aussi en était convaincue. Dans son discours inaugural devant le Congrès, la première femme à prendre les commandes du pays ne cachait pas son optimisme.
« Nous vivons une des meilleures périodes de la vie nationale : des millions d’emplois ont été créés ; notre indice de croissance a plus que doublé, nous avons mis fin à une longue période de dépendance vis-à-vis du Fonds monétaire international, et nous avons surmonté notre dette externe. Surtout, nous avons réduit notre dette sociale historique, en faisant sortir des millions de Brésiliens de la tragédie de la misère et aidé d’autres millions à entrer dans la classe moyenne (…). Nous pouvons être une des nations les plus développées et les moins inégalitaires du monde – un pays de classe moyenne solide et entreprenante. Une démocratie vibrante et moderne, pleine de compromis sociaux, de liberté politique et de créativité ». Pour elle comme pour de nombreux observateurs de la vie politique brésilienne, l’avenir du pays s’annonçait des plus radieux.
Puis, tout a basculé. Au printemps 2013, le pays est le théâtre d’un mouvement de contestation sans précédent qui fait descendre des centaines de milliers de jeunes Brésiliens dans la rue. Pêle-mêle, les manifestants dénoncent la hausse des tarifs de transport, la flambée du prix du logement, les dépenses excessives consenties par le pays pour organiser la Coupe du monde (2014), réclament de meilleurs services publics et dénoncent la corruption. Fin juin, le mouvement s’essouffle. Mais la popularité de Dilma Rousseff s’effondre passant en quelques semaines de 65% à 30% seulement d’opinion favorable. Puissant révélateur des failles du modèle de développement « luliste » (de Lula), ces journées de juin sont alors aussi annonciatrices d’une débâcle à venir.
Déjà, l’économie brésilienne montre des signes de ralentissement. L’année suivante, elle entre en récession. Les revenus d’exportation chutent brusquement en raison de la baisse des cours internationaux des matières premières, la dette se creuse, la tendance à la désindustrialisation et à la « reprimarisation » de l’économie, observée depuis longtemps déjà, se précise et la croissance plonge. Entre 2013 et 2015, elle passe de 3% à – 1,1%. Dans la foulée, le chômage repart à la hausse pour atteindre, en 2015, 11% de la population. Près de 2,7 millions de Brésiliens retombent dans la misère, et 3,6 millions dans la pauvreté.
Anticipant avec crainte une baisse des taux de profit, les milieux économiques et financiers pressent alors la présidente d’adopter une politique de rigueur, ainsi que des réformes structurelles de fond. Au lendemain de sa réélection (octobre 2014), après avoir mené une campagne plutôt à gauche, elle cède finalement à leurs exigences. Mais ce virage libéral et vers plus d’austérité ne fait qu’aggraver les effets de la crise qui efface les gains économiques engrangés durant la décennie précédente. Loin d’apaiser le monde des affaires, il lui aliène aussi une bonne partie des classes moyennes et des catégories sociales les plus affectées, alimente un fort sentiment de trahison à gauche, y compris au sein du Parti des travailleurs (PT) et mine sa crédibilité (Ibid.). C’est dans ce climat tendu qu’éclate l’affaire dite du « Lava Jato » qui finira par donner le coup de grâce au gouvernement de Dilma Rousseff.
En mars 2014, alors que le Brésil s’enfonce dans l’une des pires crises économiques de son histoire, une banale enquête policière portant sur une affaire de blanchiment d’argent visant une entreprise de carwash (Lava Jato) met au jour un immense schéma de versement de pots-de-vin et de financement illégal des partis. À mesure que l’enquête progresse, la population découvre, abasourdie, l’ampleur des fonds détournés (plusieurs milliards de reais) et la longue liste des personnalités impliquées : cadres dirigeants de l’entreprise publique Petrobras et de la multinationale brésilienne du BTP, Odebrecht, hauts fonctionnaires, parlementaires et sénateurs, etc.
Même si l’affaire touche la plupart des partis politiques, qu’ils fassent partie ou non de la coalition gouvernementale, la presse se déchaîne tout particulièrement sur le PT, Dilma Rousseff et l’ex-président. Et nourrit, non sans dessein, le ressentiment d’une partie toujours plus grande de la population brésilienne vis-à-vis du Parti des travailleurs et de ses figures de proue.
Dans un contexte marqué par une insécurité croissante générée non seulement par la crise économique, mais aussi par l’explosion de la criminalité (63000 homicides par an en 2017), ce ressentiment va être exploité par les élites, une partie du monde judiciaire, l’opposition de droite et les milieux conservateurs pour mettre à bas le gouvernement « pétiste » (du PT). Il va aussi participer à l’émergence, la montée en puissance et l’articulation de nouvelles droites militantes, bien décidées à remettre en question l’héritage du lulisme. Convergeant dans leur commune détestation du projet égalitaire de la gauche, leurs activistes, venus d’horizons différents, formeront, plus tard, le gros des bataillons de la mouvance bolsonariste.
LA « DROITISATION » DE LA RUE
Entre 2014 et 2016, le pays connaît un nouveau cycle de mobilisations. À l’appel d’une série de collectifs récemment formés (Movimento Brasil Livre, Revoltados OnLine, Vem para Rua, etc.), des centaines de milliers de personnes, vêtus de la vareuse jaune-vert de l’équipe nationale de football, défilent dans les rues des grandes villes du Sud-Est du pays contre la corruption et le gouvernement de Dilma Rousseff.
Aux antipodes de l’image qui est alors donnée par les médias nationaux et internationaux, à savoir celle du réveil démocratique et citoyen de tout un peuple, unanime dans sa volonté de débarrasser le pays du PT et de la corruption, le mouvement mobilise essentiellement les couches moyennes et hautes de la société brésilienne. Les enquêtes réalisées dans la foulée de ces manifestations sont sur ce point sans équivoque. Le profil type du manifestant est un homme blanc, âgé d’une quarantaine d’années, ayant un niveau de formation supérieur et disposant de revenus bien plus élevés que la moyenne nationale.
Les revendications tranchent aussi avec celles qui s’étaient exprimées durant les journées de juin 2013. Il n’est plus question d’exiger de meilleurs services publics. Les demandes ont une coloration nettement plus conservatrice. Les mots d’ordre contre la corruption, la gestion pétiste et pour l’impeachment de Dilma Rousseff côtoient les banderoles et les calicots qui fustigent les politiques sociales et le poids de l’impôt, blâment les populations pauvres du Nordeste, accusées de former un électorat captif au service du PT, dénoncent les théories du genre et l’influence culturelle du marxisme sur les institutions, voire réclament une intervention militaire pour contrer une supposée menace communiste. À bien des égards, les mobilisations rappellent les « Marches de la famille avec Dieu pour la liberté » qui avaient précédé et précipité le coup d’État de 1964.
Certes, les partisans de l’option militaire ne représentent encore qu’une petite fraction des manifestants anti-corruption et pro-impeachment. Mais, leur présence et les nombreuses références à la lutte contre le communisme n’en témoignent pas moins d’une radicalisation à droite de la protestation. Comme le note en effet Maud Chirio, les « slogans anticommunistes des manifestations de 2015-2016, qui semblent ressuscités d’un autre temps, ne sont ni des excès de langage, ni des associations ponctuelles, mais bien le signe de l’appropriation par une grande partie de la classe moyenne brésilienne d’un discours auparavant cantonné à des franches totalement marginales de la droite intellectuelle et politique : le communisme n’aurait pas quitté les terres latino-américaines à la fin de la guerre froide. Il aurait pris la forme d’un travail de sape idéologique et culturel, par le biais des arts, des médias, des universités, des écoles, dans le sens d’une imprégnation marxiste, communautariste et anti-chrétienne » (2019).
Dans la foulée de ces manifestations, le vieux fond anti-communiste a ainsi été réarmé et réactualisé. Et il se pare désormais des oripeaux de l’anti-pétisme, devenu le principal trait d’union d’un mouvement composite et sans structure apparente. Une sorte de Tea Party tropical, mêlant jeunes hipsters libertariens, entrepreneurs et cadres supérieurs, représentants des forces de l’ordre et partisans du port d’armes, militants de groupuscules d’extrême droite, évangéliques, activistes anti-avortement et anti-impôts, nostalgiques de la dictature militaire, intellectuels conservateurs et figures du show-biz.
Reste que les considérations idéologiques, politiques et religieuses ne motivent pas seules la participation à cette révolte à rebours. Celle-ci exprimait aussi l’indisposition croissante des couches moyennes et de l’élite par rapport aux politiques inclusives et égalitaristes mises en place par le PT et à leurs effets sociétaux. Le système des quotas adopté par le Parti des travailleurs pour favoriser l’accès à l’université des populations afrodescendantes ou indigènes, les droits sociaux accordés par Dilma Rousseff aux employé(e)s domestiques ou encore la présence de plus en plus (re)marquée de la « populace » dans les lieux autrefois réservés à l’élite (centres commerciaux, aéroports, etc.) étaient en effet vécus par elles comme une perte de privilèges associés à leur statut et comme une dissolution des règles implicites de mise à distance sociale. Une distorsion des hiérarchies inacceptables pour une bonne partie des couches aisées de la population mobilisée derrière la bannière de l’antipétisme.
LA RUPTURE DU PACTE DÉMOCRATIQUE
Si Dilma Rousseff remporte de justesse les élections d’octobre 2014, son second mandat débute donc sous de mauvais auspices. Contestée par l’opposition qui revendique la victoire, haïe par la droite politique, les milieux conservateurs et le monde des affaires, attaquée sans relâche par la presse, abandonnée par nombre de ses alliés, critiquée dans son propre camp et même dans le collimateur de la justice, à l’instar de Lula bientôt placé en garde à vue (mars 2016) après une opération spectacle mise en scène par le juge Moro, sa situation est très vite devenue intenable. Pour les élites et les oligarchies brésiliennes, la revanche se trouve désormais à portée de main.
Fin 2015, le sort de la présidente est scellé. L’avancée de l’enquête Lava Jato provoque un « sauve-qui-peut » général dans le monde politique. Mis lui aussi sur la sellette, son principal partenaire dans la coalition, le PMDB, rompt derechef l’alliance électorale qui le liait au PT. Motivée par le souci de « mettre fin à l’hémorragie » et d’éviter un « bain de sang » politique, cette rupture permet l’ouverture du procès en destitution de Dilma Rousseff. Accusée opportunément d’avoir dissimulé l’importance des déficits publics, pratique somme toute courante au Brésil, elle doit répondre du « crime de responsabilité » devant le Congrès, sans doute le plus à droite depuis le retour de la démocratie.
Après les élections d’octobre 2014, les trois grands groupes parlementaires conservateurs – propriétaires terriens et défenseurs de l’agrobusiness (bancada do Boi, « bœuf »), évangéliques (bancada da Bíblia, « bible ») et représentants des forces de police, sociétés de gardiennage et du lobby des armes à feu (bancada da Bala, « balle »), connus sous l’appellation générique des « trois B » – y avaient tous renforcé leur présence.
Autant dire que l’issue du procès ne fait aucun doute. La république brésilienne court droit vers son implosion. Le 17 avril 2016, après une séance de dédicaces hallucinante, retransmise en direct par les télévisions du pays, une écrasante majorité de parlementaires se prononce en faveur de l’impeachment de la présidente. Le modèle de compromis qui avait fait le succès du lulisme et consolidé la démocratie dans le pays s’effondre.
Comme le prévoit la Constitution, le vice-président Michel Temer (PMDB) prend les commandes du pays. Et l’engage, sans mandat électoral, dans un train de réformes sans précédent depuis le retour de la démocratie, avec le soutien de l’opposition et des principales composantes conservatrices au sein du Congrès : plafonnement des dépenses publiques pour une durée de vingt ans, révision du code du travail et des retraites, privatisations, coupes budgétaires dans les secteurs de la santé, de l’enseignement et les programmes sociaux, etc. L’addition pour les catégories populaires est salée.
Rapidement, le gouvernement de Michel Temer atteint un niveau d’impopularité record. Rattrapé lui aussi par plusieurs affaires de corruption, il nourrit la rancœur de la population envers les institutions et les partis politiques. En précipitant l’effondrement des droites traditionnelles, il va offrir un boulevard à l’extrême droite brésilienne. Longtemps marginalisée, elle parviendra à capitaliser avec succès la haine anti-institutionnelle et antipolitique qui s’est emparé d’une société épuisée par une crise économique, sécuritaire et politique interminable.
L’ASCENSION DE JAIR BOLSONARO
Jair Messias Bolsonaro n’est ni un outsider ni un novice en politique. En 1990, cet ex-capitaine parachutiste, né dans une famille d’origine germano-italienne appartenant à la classe moyenne inférieure de l’intérieur de l’État de São Paulo, fait son entrée au Congrès national, où il est systématiquement réélu grâce aux votes d’anciens compagnons d’armes. Parlementaire médiocre, piètre orateur, l’homme, alors député fédéral de Rio, n’a rien d’exceptionnel. Représentant typique du « bas clergé », comme l’on nomme au Brésil les députés fantômes, pantouflards et opportunistes, il n’aura été l’auteur que de deux lois insignifiantes en vingt-huit ans de carrière politique.
Personnage grotesque, vulgaire et sans relief, l’ex-capitaine s’illustre surtout par ses sorties à l’emporte-pièce (en faveur de la torture ou de l’élimination physique des délinquants) et ses propos agressifs envers les homosexuels, les indigènes, les femmes, les Afro-Brésiliens ou les « bandits de gauche ». Mais ses outrances répétées et fariboles l’ont longtemps cantonné à un rôle de bouffon ignoble et insignifiant, son seul auditoire se limitant aux franges les plus extrêmes de l’électorat de droite.
L’image du député d’extrême droite va pourtant changer du tout au tout dans la foulée des mobilisations pro-impeachment. Figure jusque-là relativement marginale du mouvement, il acquiert une visibilité et une notoriété soudaine pendant le vote de destitution de Dilma Rousseff, lorsque, devant les caméras, il dédie son vote « à la mémoire du colonel Ustra », tortionnaire de l’ancienne guérillera pendant la dictature militaire (1964-1985). Bénéficiant depuis d’une surexposition médiatique inattendue, il voit sa popularité s’envoler [3]. Et ses idées simplistes et ses propositions radicales, jusque-là marginales et inaudibles pour le plus grand nombre, percolent dans une société traumatisée par la violence, excédée par la multiplication des affaires, plongée dans le marasme économique et, surtout, préparée à les accueillir.
Entré en campagne, pour les élections présidentielles d’octobre 2018, sous la bannière d’un parti fantomatique (le Parti social libéral), Bolsonaro se présente alors comme le candidat de la « rupture », le sauveur d’une « nation » en danger. Ses violentes charges contre le PT, qu’il accuse d’avoir « brisé le pays », ses promesses d’en finir avec la corruption et la criminalité, de débarrasser les institutions, le secteur culturel, les organismes publics ou les universités de l’influence de la gauche, et ses appels à préserver la famille contre les « ravages » de la théorie du genre et du marxisme culturel lui valent bientôt le soutien de très larges secteurs.
Évangéliques, catholiques conservateurs, militaires, ruralistes (propriétaires terriens et acteurs de l’agrobusiness), personnel des secteurs de la sécurité appuient sa candidature. Et, une bonne partie des classes moyennes blanches du Sud – et même des couches populaires – finissent par s’identifier à l’ex-capitaine dont elles partagent en grande partie les frustrations.
C’est qu’à la veille des élections présidentielles d’octobre, les jeux sont loin d’être faits pour le candidat d’extrême droite en dépit de la large coalition de forces qui s’est agglutinée derrière lui. En août 2018, les sondages ne lui donnent encore que 19% des intentions de votes, soit deux fois moins que Lula (39%), incarcéré quelques mois plus tôt sur décision du juge Moro. À ce moment, le PT, qui a choisi le populaire ex-président pour le représenter, espère toujours que le Tribunal supérieur électoral (TSE) l’autorise à disputer les élections. Erreur stratégique majeure ! Début septembre, la décision du TSE tombe. Lula doit se retirer de la course, obligeant le PT à lui trouver un remplaçant un mois avant le premier tour. C’est le premier point de bascule. Inévitablement, l’exclusion de Lula et son remplacement par Fernando Hadad, beaucoup moins connu et contraint à une campagne improvisée, se traduit par un report d’une partie du vote populaire en faveur de Bolsonaro.
La tentative d’assassinat par un illuminé dont le candidat d’extrême droite est la cible quelques jours plus tard, le 6 septembre 2018, à un mois du premier tour des élections présidentielles, est le second point de bascule. D’une part, parce que l’événement permet à Bolsonaro, hospitalisé, de se retrancher derrière son état de santé pour échapper aux débats électoraux et éviter ainsi d’exposer son insigne incompétence. D’autre part, parce qu’il contribue à asseoir sa popularité. En particulier chez les évangéliques tentés de voir dans l’événement le signe de la providence divine. Une épreuve imposée à celui que Dieu a désigné pour représenter la nation et préserver son identité chrétienne.
Dans la dernière ligne droite de la campagne présidentielle, la machine de propagande pro-Bolsonaro fonctionnera ensuite à plein régime pour imposer cette image auprès de l’électorat populaire. Des prières en faveur du candidat d’extrême droite sont organisées dans les temples. Record, deuxième média du pays et propriété du fondateur de l’Église universelle du royaume de Dieu, lui donne une couverture exclusive. Les groupes Whatsapp ou Facebook de nombreuses églises évangéliques se transforment en instrument de marketing électoral, tandis que les réseaux d’extrême droite, et la propre équipe de communication de Bolsonaro, organisent une campagne massive de désinformation, en disséminant sur les réseaux sociaux des milliers de « fake news » destinées à diaboliser l’adversaire. Financée en partie par un groupe d’hommes d’affaires bolsonaristes, cette stratégie de diffusion et de mobilisation de l’opinion publique porte ses fruits. Entre les deux tours, Bolsonaro s’envole dans les sondages.
Dans la foulée, l’effondrement des droites traditionnelles, qui ne parviennent pas à imposer leur candidat au second tour, lui permet de s’assurer l’appui des élites industrielles et financières, séduites par les propositions ultralibérales de Paulo Guedes, ex-Chicago boy ayant fait ses armes dans le Chili de Pinochet, choisi par Bolsonaro pour diriger sa future politique économique. À la veille du second tour des élections, toutes les conditions sont réunies pour assurer sa victoire face à Hadad. Le 28 octobre 2018, après une campagne improvisée et sans réelles propositions concrètes de gestion, Bolsonaro remporte haut la main les élections présidentielles: près de 58 millions de Brésiliens (55,13% des suffrages exprimés) l’ont désigné pour présider aux destinées du pays.
L’EXTRÊME DROITE AU POUVOIR
Le gouvernement qui se met en place en janvier 2019 reflète les diverses sensibilités des forces coalisées qui ont appuyé la candidature de Bolsonaro. Ruralistes (ministère de l’Agriculture et de l’Environnement), évangéliques (nouveau ministère de la Femme, de la Famille et des Droits de l’homme) et « olavistes » (Affaires étrangères et Éducation) y sont bien entendu représentés.
Mais ce sont surtout les militaires qui y tiennent le haut du pavé. Ils se voient d’emblée confier la vice-présidence (occupée par l’ex-général Hamilton Mourão) et six des ministères réputés les plus stratégiques : sécurité institutionnelle, secrétariat général de la présidence, infrastructures, défense, mines et énergie, sciences et technologies. Socle d’un gouvernement, très vite travaillé par les forces centrifuges qui le composent, ils assureront sa cohésion. Avec l’ex-juge Moro propulsé à la tête du ministère de la Justice et de Paulo Guedes nommé à la tête du « super-ministère » de l’Économie, ils deviendront aussi les principaux maîtres d’œuvre du projet gouvernemental bolsonariste. Ensemble, ils dessineront les contours d’un nouveau modèle de « néolibéralisme autoritaire », puisant dans la tradition du capitalisme hiérarchique et autoritaire brésilien.
Sous la houlette de Paulo Guedes, le gouvernement poursuit et approfondit les réformes macroéconomiques amorcées par Temer. Au programme, réforme des retraites accordant un statut spécial aux militaires, flexibilisation du code du travail, dérégulation à tout-va, privatisations massives, levée des barrières à l’investissement, diminution d’impôts pour les entreprises, remises de dettes pour le secteur privé, et réduction drastique des dépenses publiques.
Les financements destinés à l’université, à la santé, à la culture et aux politiques sociales sont rabotés. Des programmes sont gelés, supprimés ou vidés de leur substance. Et de nombreux organismes publics sont mis en veilleuse ou privés de leurs moyens d’action. Les aides publiques aux secteurs les plus vulnérables de la société brésilienne sont particulièrement visées par ces coupes… non sans arrière-pensée. Dans le Nordeste, l’une des deux régions les plus pauvres du pays et bastion électoral du PT, des dizaines de milliers de familles perdent leur droit à l’allocation sociale « bolsa família », y compris en pleine pandémie.
Un seul domaine échappe à ces réductions budgétaires : les politiques de sécurité. Entre 2018 et 2019, les dépenses publiques liées aux secteurs de la défense et de la sécurité enregistrent une croissance réelle de 21,1% en un an, contre – 1% pour la santé et – 16% pour l’éducation (Terra, 31 janvier 2020). Avec la libéralisation du port d’arme et le « paquet anti-crime », proposé par le ministre Moro, qui donne implicitement aux forces de l’ordre un « droit de tuer », cette augmentation de près de 4,5 milliards de reais (un milliard d’euros environ) du budget consacré à la défense et à la sécurité manifeste bien le tournant sécuritaire promis par Bolsonaro durant sa campagne et amorcé aussitôt par son gouvernement. Au prétexte de lutter contre la grande criminalité, le renforcement de l’appareil répressif et policier doit concrétiser son projet de militarisation de l’espace public et de gestion autoritaire du risque social.
Mais le gouvernement entend également soumettre les politiques environnementales aux intérêts économiques de l’agro-industrie et géostratégiques des forces armées. Menacé d’extinction durant la campagne, le ministère de l’Environnement est finalement maintenu, mais ses principales prérogatives (lutte contre la déforestation par exemple) sont transférées au ministère de l’Agriculture dirigé par une représentante de l’agrobusiness. Placés sous la tutelle des militaires, les deux organismes publics dédiés à la protection de l’environnement et à la préservation de la biodiversité, l’Ibama et l’ICMBio, se voient privés de leur pouvoir de sanction, tandis qu’une partie de leur direction et de leur personnel est limogée sans autre forme de procès. Quant au département en charge de la lutte contre le changement climatique, il est tout simplement supprimé, en écho aux promesses du président de retirer le Brésil des Accords de Paris.
Parallèlement, les mécanismes légaux de protection de l’environnement et des peuples indigènes sont détricotés. Le processus de démarcation des territoires indigènes est mis à l’arrêt. L’usage de pesticides autrefois prohibés est légalisé. Les restrictions à la chasse aux animaux sauvages sont abolies. Et le gouvernement s’emploie désormais à lever les barrières qui obligent les producteurs à préserver une partie de la végétation native et interdisent les activités agricoles, forestières ou minières dans les aires protégées et les territoires indigènes.
Cynique, il va même jusqu’à encourager l’invasion illégale de ces terres. Sinon, l’usage de la force publique ou privée contre tous ceux qui s’opposent à son projet économique destructeur : défenseurs de l’environnement, représentants des peuples indigènes et des communautés afrodescendantes (quilombos), militants de la réforme agraire, etc., lesquels sont accusés sans relâche par les militaires et les militants bolsonaristes de comploter contre les intérêts du pays, de saboter son développement économique et de mettre à mal son intégrité territoriale en servant les visées des institutions onusiennes, des grandes ONG internationales et de puissances étrangères.
Cette vision paranoïaque du monde oriente également la politique étrangère du pays. L’alignement de la politique extérieure brésilienne sur celle des États-Unis de Trump ou encore son retrait des mécanismes onusiens de lutte contre le changement climatique, sans bénéfice apparent pour le pays, qui ne peut être comprise qu’à travers le prisme de l’offensive lancée par l’extrême droite brésilienne contre l’héritage « progressiste » des Lumières et ses différentes expressions (Nations unies, universalisme, droits humains, etc.) [7].
Au prétexte de lutter contre les idéologies perverses qui auraient plongé le Brésil dans le chaos, cette offensive est aujourd’hui menée sur tous les fronts. Dans le domaine de la culture et de l’enseignement, dans les médias et sur les réseaux sociaux. De nombreuses institutions culturelles sont placées sous la tutelle d’admirateurs du président ou d’évangéliques. Les programmes d’éducation sexuelle et de lutte contre les discriminations liées au genre sont supprimés. Les références aux films progressistes ou LGBT sont bannies du portail de l’organisme chargé de promouvoir le cinéma brésilien. Des hommages et des campagnes qui réhabilitent la mémoire de la dictature sont organisés. Et l’enseignement de la bible dans les écoles publiques est encouragé, tout comme la dénonciation des professeurs « marxistes ».
Servie par une efficace machine de propagande, coordonnée par le propre fils de Jair Bolsonaro, cette guerre culturelle s’appuie aussi sur le vaste maillage de « milices virtuelles » constamment mobilisées pour défendre les postures du président, attaquer et discréditer ses adversaires et légitimer son programme. Leur contribution, on l’a vu, a été essentielle dans le processus de radicalisation à droite d’une partie de l’opinion.
DE SOMBRES PERSPECTIVES
Après un peu plus d’un an de présidence d’extrême droite, le tableau présenté par le Brésil est des plus sombres. Célébrées par les milieux financiers nationaux et internationaux, les réformes néolibérales amorcées par le gouvernement Temer et approfondies ensuite par Paulo Guedes n’ont pas provoqué le « choc » économique escompté. Loin des prévisions optimistes du « super-ministre », l’économie brésilienne n’a pas décollé, affichant un taux de croissance du PIB rachitique d’à peine 1,1% en 2019. La hausse tant espérée des investissements étrangers n’a pas été au rendez-vous. Productions et exportations stagnent. Le taux de chômage demeure élevé, tandis que les réserves financières du pays, accumulées durant les périodes antérieures, fondent à vue d’œil, inaugurant une nouvelle spirale d’endettement.
En revanche, les inégalités ont explosé et la pauvreté a atteint de nouveaux sommets. Conséquence de la réduction drastique des dépenses sociales, en pleine crise économique, les revenus des plus pauvres ont diminué de 39% entre 2014 et 2019. Près de 3,4 millions de Brésiliens ont basculé dans l’extrême pauvreté au cours de la même période, une augmentation de 71,8% en quatre ans. La misère touche aujourd’hui plus de 13,5 millions de personnes au Brésil, soit la taille de la population bolivienne. Et la faim a fait son grand retour dans le pays.
Bolsonaro a certes à son actif une diminution du nombre d’homicides dans le pays. Entre août 2018 et août 2019, leur nombre aurait diminué de 22%, passant de 35400 à 27000. Mais ce bilan souvent mis en avant par son gouvernement d’extrême droite pour justifier ses méthodes sécuritaires expéditives masque une autre réalité. Les bavures policières et les exécutions sommaires sont en hausse dans les périphéries urbaines. Et encouragées par les discours de haine et d’intolérance, tenus par le président lui-même, les attaques contre les communautés LGBT, afro-brésiliennes et indigènes, les écologistes, et les activistes des mouvements sociaux se sont multipliées, faisant du Brésil le quatrième pays le plus dangereux pour les défenseurs des droits de l’homme et de l’environnement.
De fait, l’image internationale du pays n’a cessé de se dégrader. Sa crédibilité s’est effondrée. Sa capacité à peser sur la scène internationale s’est évaporée. Considéré autrefois comme un modèle de réussite socio-économique, une démocratie dynamique, un exemple de bonne gestion environnementale et une puissance en devenir cultivant un soft power apprécié, le Brésil fait aujourd’hui figure de « rogue State », d’État voyou. Le mépris affiché pour les questions environnementales et indigènes, son retrait des principaux mécanismes d’intégration régionale et de lutte contre la déforestation et le changement climatique et ses attaques répétées contre les Nations unies l’ont mis au ban de la communauté internationale. Et, calquées sur les politiques étrangères de Trump, ses prises de position et ses passes d’armes avec de nombreux pays lui ont mis à dos d’anciens alliés historiques. Des postures qui tendent à dilapider le capital de sympathie et les importants gains diplomatiques accumulés sous les gouvernements pétistes, et risquent à terme d’isoler le pays sur la scène internationale.
Tous les voyants sont au rouge actuellement au Brésil. Le modèle de croissance privilégié, fondé sur la stimulation des investissements et la relance des exportations, a accéléré la désindustrialisation et renforcé sa dépendance au marché international. Le démontage des protections sociales et environnementales a aggravé la crise socio-économique, la déforestation et les conflits territoriaux dans le pays. Cheval de bataille de Bolsonaro durant sa campagne, la lutte contre la corruption est, dans les faits, suspendue. Les espaces démocratiques se sont considérablement rétrécis avec la disparition des mécanismes de concertation mis en place sous les précédents gouvernements. Et la plupart des institutions et organismes publics se trouvent fragilisés ou désorganisés, y compris le Système universel de santé (SUS).
Dans ce nouveau contexte, la pandémie de coronavirus annonce des lendemains encore plus sinistres pour les couches les plus vulnérables de la société brésilienne. Alors que l’on s’attend à un doublement, en quelques semaines, du taux de chômage, nul doute qu’elles en paieront le plus lourd tribut. Sans programmes sociaux adéquats, prévient la Banque mondiale, cette crise sanitaire risque de précipiter 5,7 millions de Brésiliens en plus dans l’extrême pauvreté.
LA GAUCHE BRÉSILIENNE : ENTRE IMPUISSANCE ET RENDEZ-VOUS MANQUÉS
Ce qui frappe aussi dans ce Brésil passé aux mains de l’extrême droite, c’est l’impuissance de la gauche. Encore sonnée par la défaite, elle peine à convaincre, à capitaliser le mécontentement et à mobiliser. Prisonnière de querelles d’ego et de chapelles, elle n’a pas réussi à surmonter ses divisions. Affaiblie, elle n’est pas parvenue à organiser un front de résistance suffisamment large et solide pour contrer l’offensive massive de l’extrême droite contre la démocratie et les droits humains.
À l’évidence, le PT paie toujours le prix de ses alliances politiques contre nature, de l’abandon de ses visées de transformation sociale au profit d’une gestion technocratique et électoraliste de la chose publique, de sa fuite en avant libérale sous le second gouvernement Rousseff et, bien entendu, de son implication dans le scandale du Lava Jato. Cadenassé par un système de coalition, il n’a pas été capable de proposer les réformes attendues. Alimentant un sentiment de désillusion sinon de trahison, ses nombreux renoncements lui ont aliéné une partie de sa base historique.
Son ancrage social s’est réduit comme peau de chagrin. Ses militants se sont démobilisés. Et les mouvements sociaux qui gravitaient autour de lui ont perdu de leur énergie combative. Exposé ensuite à la vindicte populaire en tant que premier parti de gouvernement, diabolisé comme toujours dans les médias, celui qui se voulait un « exemple d’administration correcte de la chose publique », un « ciment éthique » et le promoteur d’une démocratie étendue en est ainsi venu à être l’objet d’une haine tenace, un parti comme les autres, symbole de toutes les frustrations accumulées par la société brésilienne.
C’est dire combien le PT porte une part de responsabilité dans l’ascension de Bolsonaro. « Lorsque cette frustration a débordé dans les rues, écrit Safatle, l’extrême droite a su utiliser le discours de rupture en reprenant à son compte la haine anti-institutionnelle qui anime une partie de la population. Tandis que la gauche était contrainte de gérer des coalitions qui devenaient l’expression sociale de l’inertie, l’extrême droite était libre de promouvoir sa propre conception de la ‘révolution’. C’est donc avec un discours révolutionnaire que Bolsonaro a remporté les élections. C’est avec un tel discours qu’il règne et s’octroie le droit de casser tous les consensus (…) » (Le Monde, 2 septembre 2019).
Reste que la victoire de Bolsonaro met aussi en lumière la crise qui affecte l’ensemble du camp progressiste au Brésil. À ce stade, aucune de ses composantes ne semble être en mesure de prendre la relève du PT et de susciter, comme le Parti des travailleurs l’a fait en son temps, une large adhésion. En témoigne, entre autres, la faible incidence politique des nombreuses mobilisations antigouvernementales organisées par les secteurs progressistes sous Bolsonaro. En février 2020, un sondage donnait encore, dans tous les cas de figure, le président d’extrême droite gagnant des élections de 2022.
Gageons maintenant que son déni de la pandémie, sa gestion chaotique de la crise sanitaire et la tumultueuse démission, fin avril, de son populaire ministre de la Justice, Sergio Moro, lui soient fatales. Déjà, gronde la rumeur d’une possible destitution. Si tel est le cas, il convient toutefois de ne pas crier trop vite victoire. C’est que les conditions qui ont favorisé son ascension sont toujours réunies. Et que les forces conservatrices qui l’ont propulsé au pouvoir – les militaires en particulier – se tiennent déjà prêtes à prendre leur tour. Qu’on se le dise, Bolsonaro est plus la créature d’un mouvement que son créateur. Sa possible destitution ne lèvera pas l’impérieuse nécessité pour la gauche brésilienne de se reconstruire, de renouer avec ses bases historiques et de proposer un nouveau projet commun, populaire, mobilisateur et porteur d’un horizon progressiste de changement.