Martina Gomes, Esquerda on line (traduit par à l’Encontre), 12 juin 2020
Une vague de mobilisations éclate au milieu du chaos produit par l’incapacité des gouvernants à arrêter le Covid-19. Le plus grand groupe à risque est la population racialisée et, au sein de celle-ci, les femmes et les LGBTI+. Ce «groupe à risque» est constitué chaque jour par un système d’exclusion sociale qui trouve ses fondements dans une logique raciste et misogyne.
La propagation du virus dans le monde entier a entraîné le dévoilement des inégalités dans toute leur complexité, en particulier le facteur qui détermine qui ne peut plus respirer après la contagion : la couleur de la peau ! Plus les idées des dirigeants sont fascistes, moins nous, les Noirs et les gens de couleur, pouvons respirer ou, autrement dit, survivre. La radicalité du projet qui se met en place dans des pays comme le Brésil et les États-Unis a provoqué en réaction la plus grande vague de lutte antiraciste des dernières décennies dans le monde.
Les dangers de l’irruption : le poids de la structure raciste et les privilèges de la blancheur!
Le combat « justice pour George Floyd » est devenu un symbole mondial de la résistance pour la vie au milieu de la pandémie et a fait reculer Trump dans l’utilisation aveugle des forces de sécurité nationales, l’isolant face aux autres institutions du pays. Cela fait déjà plus de 2 semaines de manifestations ininterrompues avec des millions de personnes dans les rues de tous les États-Unis, défiant le couvre-feu et le virus lui-même. Si le meurtre raciste de George Floyd a été la mèche de la survie dans le monde entier, nous ne pouvons pas nous leurrer : seul l’affrontement avec le racisme peut garantir une vie digne à tous : Noirs et Blancs.
Nous devons porter cette déclaration jusqu’à ses conséquences ultimes. Ce n’est pas seulement une lutte pour la prise de parole, ou pour une meilleure image. C’est le combat pour la conscience de ceux et celles qui se proposent courageusement d’affronter ces gouvernements. Par conséquent, la capacité d’agir des Noirs dans les manifestations doit être considérée par les organisations comme une nécessité stratégique pour élargir nos mobilisations.
Il est important de noter qu’une des conséquences de l’affirmation selon laquelle le racisme est quelque chose de structurel, en particulier au Brésil, le pays le plus noir en dehors de l’Afrique, c’est que les structures de la blanchité sont à l’œuvre dans tous les aspects de la vie sociale. Et, malheureusement, la lutte politique, même celle menée par les organisations de gauche, est aussi sous la pression de ces structures. Il n’y a pas de vaccins qui immunisent du racisme, mais il est nécessaire de construire un programme et une pratique radicalement anticapitalistes et antiracistes.
Ainsi, face à toutes les contradictions existantes, nous ne pouvons pas courir le risque d’escamoter la question raciale, une fois reconnu que l’antifascisme, dans le pays du mythe de la démocratie raciale, comprend nécessairement dans son programme la lutte antiraciste. En ce sens, nous ne devons pas hésiter : nous devons accorder l’importance nécessaire et donner la priorité à la lutte contre l’oppression raciale en ce moment historique. Aucune vie n’aura de valeur tant que la valeur de la vie des Noirs sera niée.
#VidasNegrasImportam en premier lieu !
Contrairement à ce que la logique du racisme tente d’inculquer de tout temps aux travailleurs et travailleuses, en intensifiant au maximum la lutte pour la vie des Noirs, nous nous battons pour nous tous. Le capitalisme en crise, qui tente une fois de plus de se réinventer, promet d’être encore plus violent dans sa dynamique raciale de surexploitation et de génocide des couches noires à travers le monde. Mais contrairement à ce que certains peuvent penser, ce problème n’est pas l’apanage des Noirs : ils tuent des Noirs et des gens de couleur à la pointe de leur fusil par milliers chaque mois au Brésil [entre autres par l’action de la police militaire et des milices dans les quartiers déshérités], précisément pour maintenir le reste de la population dans un régime de travail ultra-flexible. La mort de l’homme noir est une menace pour l’homme blanc.
Le cri «A Vida dos Negros Importam» (« La vie des Noirs compte ») s’affirme comme la lutte la plus cohérente pour la vie et la démocratie au Brésil. Cette idée est-elle très puissante et subversive ? Oui ! Au pays du mythe de la démocratie raciale, de l’harmonie fallacieuse entre esclaves et maîtres, voir l’unification des Blancs et des Noirs en faveur de la vie noire, c’est dire que nous ne croyons plus à ce mensonge. Cette conclusion est urgente !
À l’image des actions initiées aux Etats-Unis, des manifestants ont renversé samedi dernier, 6 juin, à Bristol, en Angleterre, la statue d’Edward Colston (1636-1721), largement responsable de la traite des Africains réduits en esclavage et déplacés aux Amériques. Ce fait est emblématique du potentiel de mobilisation des Noirs. Ce sont des manifestants multiraciaux qui se dirigent vers le renversement d’une des bases matérielles du capitalisme dans toutes les parties du monde. Il y a encore beaucoup de statues de cette société raciste à renverser !
L’élimination du racisme est l’une des dimensions fondamentales de l’antifascisme. Dans le pays qui tue le plus de Noirs au monde, donner toute sa place à la lutte antiraciste c’est manifester une intransigeance antifasciste.