2 111 candidats autochtones se présentent aux élections de cette année dans tout le pays. En 2016, on comptabilisait 1 175 candidatures.
« Notre voix est entendue, c’est vrai, mais comme on continue à vouloir nous réduire au silence, nous devons revenir à une représentation et à une action de combat. Nous ne voulons plus qu’on parle en notre nom », souligne Bigaira Veloso, un des 124 candidats autochtones du Rio Grande do Sul. Les élections municipales de 2020 ont mis en évidence une hausse de la participation des « minorités » ainsi qu’une augmentation du nombre de candidatures des personnes qui se déclarent autochtones.
Concernant les élections de cette année et d’après le Tribunal Electoral Supérieur (TSE), il y a 2 111 candidats autochtones dans tout le pays (0,39% du total des candidatures), soit une hausse de 88,51% par rapport aux élections de 2016, pour lesquelles on avait enregistré 1175 candidatures. Au niveau national, les candidats autochtones se répartissent en 32 partis, le PT étant celui qui en compte le plus : 263. Viennent ensuite le MDB et le PP, avec 152 candidatures autochtones chacun.
D’après les données du recensement de 2010 fait par l’Institut Brésilien de Géographie et de Statistiques (IBGE), il y a au Brésil près de 817 963 personnes qui se déclarent autochtones, soit 0,47% de la population totale du pays. Il s’agit de 256 peuples avec 150 langues différentes.
La question de la délimitation des terres autochtones (TI), la reconnaissance de leurs droits et de leur existence sont les principales revendications des candidats. Mais pas seulement cela. Pour l’écrivain et professeur Daniel Munduruku, candidat du PCdoB [1] à la mairie de Lorena, dans l’intérieur de l’état de São Paulo, les candidatures autochtones sont importantes parce qu’elles « montrent que nous sommes attentifs aux problèmes communs à toutes les personnes ».
Né à Belém, dans l’état du Pará, le candidat a grandi à Maracanã, un village du peuple Munduruku, avant de s’installer à l’intérieur de l’état de São Paulo. Leader autochtone dans sa région, Daniel Munduruku a 56 ans et est diplômé en philosophie. Il possède également une licence d’histoire et de psychologie, une maîtrise d’anthropologie sociale, un doctorat en sciences de l’éducation de l’Université de São Paulo (USP) et un diplôme de troisième cycle en linguistique de l’université fédérale de São Carlos (UFSC-Car).
« Les candidatures collectives, en collaboration avec d’autres secteurs défavorisés comme les noirs, les LGBTQIA+ et les femmes, peuvent se constituer en tant que lignes directrices rompant avec les stéréotypes et le déni qui existent habituellement à l’égard des peuples autochtones », conclut-il.
- Le Brésil compte une population de 817 963 autochtones, la majorité vivant en zone rurale / Reproduction
Candidatures autochtones dans le Rio Grande do Sul (RS)
Le Rio Grande do Sul est le dixième État ayant la plus grande population autochtone du pays, avec près de 32 989 personnes, ce qui représente 0,3% de la population de tout l’État.
La municipalité de Redentora, au nord-ouest de l’État, possède la plus grande population autochtone gaucha [2] , soit 4 033 personnes. Avec 26 candidats habilités, c’est aussi la ville ayant le plus grand nombre de candidatures autochtones du Rio Grande do Sul, suivie de São Valério do Sul, avec 11 candidats, et Tenente Portela, qui en compte 10. La capitale [3] compte seulement deux candidatures.
Les 124 candidats à s’être autodéclarés autochtones sont répartis dans 39 des 497 municipalités gauchas et représentent 0,38% de l’ensemble des candidatures de l’état ; 2 d’entre eux se présentent à la mairie, 3 sont candidats au poste d’adjoint au maire et 120 au conseil municipal. Dans le Rio Grande do Sul, le PP est le parti regroupant le plus de candidatures autochtones (23 candidatures), suivi du PT (22) et du MDB (17).
Merong Pataxó Hã Hã Hãe Kamakã, 33 ans, est candidat de la UP (Unidade Popular pelo Socialismo) au poste de conseiller municipal à Porto Alegre. Né à Contagem (Minas Gerais), il a passé son enfance à Bahia, où il a vécu entre ville et village. Il est arrivé dans le Rio Grande do Sul il y a 10 ans, vivant d’abord à Erebango et ensuite à Porto Alegre, où il fut l’un des habitants de Ocupação Lanceiros Negros [4] .
Candidat du PP (Partido Progressista), Selirio Vergueiro Lilo, 48 ans, se présente au poste de conseiller municipal à Nonoai (RS), une des municipalités où se trouve la Réserve Indigène Nonoai, composée essentiellement de familles de l’ethnie Kaingang.
Il affirme que son élection pourrait contribuer à résoudre les défis locaux auxquels sa communauté est confrontée et qui concernent le logement, l’éducation, les routes et la santé. « Les promesses viennent de l’extérieur tous les quatre ans. Nous, nous sommes déjà issus d’une organisation sociale interne et maintenant, nous faisons l’expérience d’une recherche extérieure en faveur de notre peuple », souligne-t-il.
- Municipalités gaúchas ayant la plus grande concentration de population autochtone / IBGE/Reproduction
« Selon moi, l’autochtone en a eu assez d’entendre les promesses des blancs et a décidé de représenter lui-même son propre peuple », affirme le candidat.
Le sénateur Luís Carlos Heinze, du parti de Serilo, est un propriétaire foncier qui, lorsqu’il était député fédéral, avait déclaré que les « Indiens », les Quilombolas, les gays et les lesbiennes étaient « tout ce qui craint ».
Pour le candidat autochtone, cette question n’a aucun intérêt : « Chaque communauté a le droit de jouir de ses terres de la façon qu’elle juge meilleure pour son peuple », souligne-t-il.
Il explique que les terres autochtones du sud du pays ont été « celles qui ont le plus souffert des colonisations ». « Notre survie a pâti des impacts de la colonisation et, aujourd’hui, les autochtones doivent cultiver pour leur propre subsistance ».
Concernant le fait que le Rio Grande do Sul a beaucoup de candidatures autochtones liées à des partis de droite à l’intérieur de l’état, Mergong pense « qu’il ne s’agit pas de personnes ayant été confrontées à une véritable lutte pour occuper et obtenir des territoires. Même si elles ont occupé et repris des territoires, elles n’ont pas vraiment participé aux combats et ne connaissent pas les mouvements sociaux ».
Selon lui, si les candidats s’y connaissaient davantage en politique, ils « n’adhèreraient pas à un parti de droite ». « Ce sont des partis de propriétaires fonciers, de gens qui ont voté des projets de loi contre nous », conclut-il.
Dans un entretien à Brasil de Fato RS, Flávia Miranda Falcão, diplômée en droit de la Fundação Escola Superior do Ministério Público et chercheuse en multiculturalisme et interculturalisme, estime que cette question est liée à la présence des partis dans les municipalités et que ceux-ci donnent une indication des priorités locales. « La réalité de la ligne politique des municipalités dont l’économie est principalement agricole et pastorale reflète les priorités locales et le candidat, quelle que soit son ethnie, doit s’adresser à l’électeur local », observe-t-elle.