Laura Avalos et Susan Spronk, extrait d’un texte paru dans Socialist Project, 11 février 2019
Ce petit guide a pour but de fournir quelques points de discussion pour les progressistes qui ne sont peut-être pas prêts à commenter ce qui se passe au Venezuela, mais qui critiquent la position interventionniste du gouvernement canadien.
- Le Canada ne devrait pas suivre la position de la politique étrangère des États-Unis à l’égard du Venezuela, en particulier à cause de son histoire d’ingérence intéressée dans la région. Trump a nommé le diplomate américain controversé Elliott Abramscomme envoyé spécial pour le Venezuela. Abrams a été condamné pour avoir induit le Congrès en erreur dans l’affaire Iran-Contra. Il était lié au coup d’État manqué contre Chavez en 2002. Il est également impliqué dans le blanchiment du massacre d’un millier d’hommes, de femmes et d’enfants par des escadrons de la mort financés par les États-Unis au Salvador, lorsqu’il était secrétaire d’État adjoint aux droits de l’homme en 1981. Les interventions dirigées par les États-Unis n’apportent ni la paix ni la justice, ni la promotion des droits de l’homme, bien au contraire. Rien ne garantit qu’une intervention soutenue par les États-Unis (par exemple des sanctions pétrolières et une invasion militaire) apportera la paix et « restaurera la démocratie » au Venezuela. Selon Alfred de Zayas, ancien expert des Nations Unies et ex représentant des Nations Unies au Venezuela, les États-Unis violent le droit international. Il note que les médias sont complices de cette tentative de coup d’État, comme ils l’avaient été durant la période qui a précédé l’invasion de l’Irak en 2003.
- La position du Canada compromet le bon déroulement des procédures et la démocratie dans la région. Les sondagesvénézuéliens montrent qu’une forte majorité des Vénézuéliens ne sont pas satisfaits de Maduro et souhaitent le voir destitué de ses fonctions par le biais d’une solution négociée, mais non pas par une intervention étrangère. Les du Canada reconnaissant Juan Guaidó, président de l’Assemblée nationale, en tant que président par intérim du Venezuela sapent la légitimité d’une procédure régulière au Venezuela. Selon le Conseil des experts électoraux de l’Amérique latine (CEELA), l’élection présidentielle vénézuélienne de mai 2018 a été conforme aux normes internationales et à la législation nationale, en particulier dans les domaines de la vérification et de l’administration électorale.
- La réputation du Canada (méritée ou non) en tant que champion de la démocratie et des droits de la personne est une nouvelle fois remise en question. Dans de nombreux cas, l’incapacité d’un pays à respecter les normes démocratiques n’a pas dérangé le gouvernement canadien comme dans le cas de la Chine, des Émirats arabes unis, de l’Égypte, du Honduras, du Brésil. Pourquoi le Canada saute-t-il à bord du bateau du groupe de Lima, qui n’a été créé que parce que les gouvernements précédents ont échoué dans leurs tentatives précédentes pour obtenir un vote à la majorité à l’Organisation des États américains (OEA) ? En appuyant l’opposition au Venezuela, qui avance rapidement encore plus vers la droite, le Canada contribue à aggraver le conflit, ce qui pourrait éventuellement conduire à une escalade de la violence et à une guerre civile.
- Le Canada devrait appuyer une solution pacifique négociée à la crise au Venezuela et favoriser le dialogue entre le gouvernement élu et l’opposition, sous les auspices d’États de la région (et non du Canada et des États-Unis). Le Canada devrait appuyer le Mexique et l’Uruguay, ainsi que par la Communauté des Caraïbes (CARICOM), pour appuyer le dialogue. Il peut aussi s’inspirer du secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, qui appelle à la compassionet non à des sanctions contre le Venezuela. Le Canada a joué un rôle de leader dans le passé en faveur de la paix, de la démocratie et des droits de la personne, notamment dans les négociations de paix au Savlador dans les années 1980.