Les accords de libre-échange bilatéraux ne sont pas souvent au cœur de l’attention du public autour des tempêtes politiques aujourd’hui, mais les accords commerciaux peuvent parler profondément à la fois des priorités inhérentes et de l’orientation à long terme de la politique étrangère du Canada.
En 1997, l’Accord de libre-échange Canada-Israël (ALECI) est entré en vigueur le 1er janvier, marquant le premier pacte de libre-échange du Canada en dehors de l’hémisphère occidental. Cet accord commercial est important sur le fond, mais aussi sur le plan politique, une illustration des liens de longue date entre les gouvernements coloniaux successifs à Ottawa et à Tel-Aviv.
La réalité de l’orientation colonialiste des gouvernements d’Israël et du Canada sous-tend bon nombre des raisons pour lesquelles un accord commercial avec l’État israélien a été priorisé par le gouvernement canadien. Bien que les deux pays aient des histoires très différentes, les deux nations sont toujours fondées sur la dépossession inhérente des populations autochtones. Dans le cas du Canada, aujourd’hui, nous commençons enfin à voir un compte public avec la violence génocidaire qui a façonné la première conquête coloniale britannique et française dans les Amériques, puis la fondation du Québec et du Canada en tant que gouvernements coloniaux concurrents mais finalement codépendants enracinés principalement dans économies fondées sur l’extraction des ressources des territoires des peuples autochtones.
La dépossession, entraînée par un système économique qui pénétrait de plus en plus les territoires des Amériques, a également créé un contexte social et politique violent qui a rendu les communautés autochtones survivantes soumises aux systèmes économiques coloniaux. La dépendance continue du Canada à l’égard des ressources territoriales autochtones équivaut à des confrontations permanentes avec des communautés telles que la nation Wet’suwet’en qui s’opposent et protestent ouvertement contre l’imposition du gazoduc Coastal GasLink sur leurs terres collectives, un gazoduc d’entreprise rendu légitime par les lois coloniales, et non par les communautés autochtones. Tout cela est essentiel pour comprendre la politique étrangère et l’orientation économique du Canada par rapport à l’État israélien et à la Palestine, car c’est exactement l’affinité nationale coloniale entre les deux États, le Canada et Israël,
Par exemple, la CIFTA, remaniée sous le gouvernement libéral en 2019, ne fait pas de distinction claire entre les produits israéliens fabriqués dans les colonies israéliennes de Cisjordanie. De telles colonies sont internationalement reconnues comme une violation de la Quatrième Convention de Genève, qui stipule que « la Puissance occupante ne doit pas déporter ou transférer des parties de sa propre population civile dans le territoire qu’elle occupe ».
Bien que le Canada déclare publiquement que « les implantations israéliennes sont une violation du droit international », il n’y a pas eu beaucoup de gestes au-delà de cela, selon Michael Lynk , le rapporteur spécial des Nations Unies le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé depuis 1967. Lynk souligne que : « Sur le papier, notre politique déclarée n’est pas si mauvaise. Elle a été formulée dans les années 1990 et est restée en grande partie inchangée. À première vue, cela devrait conduire à une critique vigoureuse de l’occupation israélienne qui est devenue impossible à distinguer de l’annexion territoriale et de l’apartheid. »
Concernant la CIFTA, Lynk souligne que le Canada « n’a pas insisté sur les dispositions relatives aux droits de l’homme » lors de la refonte des accords en 2019, soulignant également que les produits israéliens fabriqués dans les colonies en Palestine occupée ne sont pas distingués par les dispositions de la CIFTA.
Sur le site du gouvernement canadien, les vertus économiques de la CIFTA sont renforcées, tandis que le fait qu’Israël soit une puissance occupante n’est mentionné nulle part. Le gouvernement libéral déclare : « Depuis l’entrée en vigueur de l’ALECI il y a plus de vingt ans, le commerce bilatéral de marchandises du Canada entre le Canada et Israël était évalué à plus de 1,6 milliard de dollars en 2020. »
En 2019, le gouvernement libéral a célébré publiquement l’accord remanié, l’ancien ministre du commerce international annonçant que « le Canada et Israël sont des amis et des alliés indéfectibles, et nous avons un nombre impressionnant d’activités de coopération qui se déroulent entre nos deux pays ».
Cette focalisation sur les justifications économiques immédiates et les avantages entourant la politique économique est enracinée dans l’orientation coloniale du Canada. La première priorité est économique, au-delà des droits des peuples autochtones. Bien que la politique canadienne parle officiellement de l’illégalité de l’occupation israélienne de la Cisjordanie, l’accord CIFTA, l’aile économique de la politique canadienne en ce qui concerne Israël et la Palestine, ne met pas l’accent sur la catastrophe des droits humains en Palestine occupée, donc l’argent continue couler. Il ne fait aucun doute que l’État israélien renforce cet accord commercial dans le cadre d’un réseau international d’États occidentaux qui collaborent pour réprimer les mouvements autochtones contre le colonialisme et pour la justice, comme les mouvements de résistance populaire en Palestine occupée.
Alors que l’État canadien commence à faire face à un véritable débat entourant l’histoire du colonialisme, du génocide et des déplacements inhérents à la création de l’État canadien, l’accord de libre-échange avec Israël illustre les priorités coloniales qui guident le gouvernement canadien depuis des générations. Le déballage de la CIFTA et de la complicité du Canada avec les violations des droits humains de l’État israélien doit s’accompagner de la compréhension que de telles politiques ne sont pas une anomalie, mais qu’elles sont intégrées à la genèse de l’État canadien et qu’elles sont également enracinées dans un cadre économique colonial de colons.
Récemment, un réseau d’artistes, d’activistes et d’universitaires a travaillé sur une lettre ouverte pour exprimer une opposition collective à l’accord CIFTA, la lettre publiée par la coalition mondiale du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions déclarait : « La CIFTA agit comme un accord politique visant à normaliser les politiques violentes de l’État israélien envers le peuple palestinien, comme l’incarcération de masse, sans accès à une procédure régulière, de nombreux civils palestiniens détenus dans la prison israélienne, comme documenté par Addameer Prisoner Support and Human Association des droits. »