Yves Engler, extraits d’un texte paru dans Canadian Dimension, 2 mai 2021
Pourquoi les contribuables québécois financent-ils une école faisant la promotion avec enthousiasme d’une armée étrangère engagée dans une occupation brutale de 50 ans?
La Loi sur l’enrôlement à l’étranger vise à interdire aux Canadiens de recruter pour une armée étrangère. Selon cette loi, «toute personne qui, au Canada, recrute ou incite d’une autre manière une personne ou un groupe de personnes à s’enrôler ou à accepter une commission ou un engagement dans les forces armées d’un État étranger ou d’autres forces armées opérant dans cet État est coupable d’un infraction. »
Hebrew Academy, une école juive orthodoxe moderne de Côte Saint-Luc, une banlieue située le long de la périphérie ouest du centre-ville de Montréal, fait activement la promotion de ceux qui se joignent à l’armée israélienne.
Un article d’avril 2020 du site Web de l’école note, «après un clin d’œil aux anciens de HA servant dans l’armée israélienne et une prière pour Chayalei Tzahal [IDF] par le rabbin de l’école Eddie Shostak, directeur de l’école, le Dr Laura Segall a déclaré que ses parents avaient tous deux servi dans Tsahal. » Ce mois-là, l’Académie hébraïque a également publié une vidéo sur sa page Facebook d’anciens élèves qui servent actuellement dans l’armée israélienne. Sous la légende «Une vidéo significative mettant en vedette nos anciens de l’AH qui servent dans les Forces de défense israéliennes», une demi-douzaine d’anciens élèves passent 12 minutes à dire aux étudiants l’importance de servir dans les forces armées de l’État israélien.
L’école considère que rejoindre l’armée israélienne est une réussite particulière. En mars dernier, l’Académie hébraïque a publié une photo de trois jeunes hommes sur sa page Facebook avec la légende: «Mazel tov à la promotion des anciens élèves de 2018 Michael Kuperstok, Nathan Bebuzru et Yehuda Besner qui s’enrôlent dans les Forces de défense israéliennes cette semaine. Nous sommes plus que fiers de vous! »
Un certain nombre d’initiatives peuvent chercher plus directement à inciter les étudiants à rejoindre la FID. D’anciens soldats israéliens visitent des élèves de l’Académie hébraïque qui se préparent à obtenir leur diplôme (11e année au Québec). En 2016, leur site Web rapportait que «seulement une semaine après le début de la nouvelle année scolaire, les élèves de 10e et de 11e année ont eu le privilège de rencontrer trois anciens membres de la FID qui sont à Montréal pour une visite de deux semaines en tant que représentants de Beit Halochem», une organisation qui aide les vétérans blessés d’Israël.
L’Académie hébraïque est reconnue par le gouvernement fédéral comme un centre d’apprentissage communautaire et est inscrite au ministère de l’Éducation du Québec. Les écoles privées du Québec reçoivent 60 pour cent du financement de fonctionnement par élève des écoles publiques et 40 pour cent de leurs fonds totaux proviennent généralement du gouvernement provincial. Mais cette somme n’inclut pas le coût pour le Trésor public des recettes fiscales accordées aux organismes de bienfaisance. Une part importante des frais de scolarité à l’Académie hébraïque peut également être déduite de l’impôt fédéral sur le revenu d’un individu et l’école reçoit un soutien important de la Fédération Combined Jewish Appeal of Montréal et d’autres organismes de bienfaisance enregistrés.
Une activité similaire a lieu dans les écoles de la région de Toronto Heschel, Bialik Hebrew, Netivot HaTorah, Bnei Akiva et Leo Baeck, qui font également la promotion de Tsahal de différentes manières. Ces institutions sont en fait des écoles «nourricières» pour la Anne & Max Tanenbaum Community Hebrew Academy de Toronto, la plus grande école secondaire privée du Canada située à North York, qui organise des collectes de fonds pour les initiatives militaires israéliennes et organise régulièrement des «journées de Tsahal».
Une récente pétition parlementaire met en lumière le recrutement et l’incitation de l’armée israélienne. Soumise par le rabbin David Mivasair et parrainée par le député néo-démocrate Matthew Green, la pétition appelle «le ministre de la Justice à entreprendre une enquête approfondie sur ceux qui ont recruté ou facilité le recrutement pour les Forces de défense israéliennes, et si cela est justifié, porter plainte contre recruter et encourager le recrutement pour Tsahal. » Cette pétition fait partie d’une campagne aux multiples facettes qui a débuté à l’automne avec une lettre ouverte signée par Noam Chomsky, Roger Waters, le cinéaste Ken Loach, l’auteur Yann Martel, l’ancien député Jim Manly, le poète El Jones et plus de 150 autres personnes demandant au gouvernementfédéral d’appliquer des frais en vertu de la loi sur l’enrôlement à l’étranger contre ceux qui recrutent des Canadiens pour l’armée israélienne.
La loi canadienne rend illégal le recrutement de soldats dans le pays pour un État étranger, mais la frontière entre inciter des jeunes impressionnables à envisager de rejoindre l’armée israélienne et le recrutement formel est floue.
Mis à part les questions juridiques, une école montréalaise devrait-elle inciter des jeunes à rejoindre une armée étrangère engagée dans une occupation brutale de 50 ans? Et les contribuables devraient-ils payer la note?