Rozana Ryan

Face à la montée simultanée du capitalisme, du fascisme et de l’impérialisme, il est crucial de comprendre comment ces forces interconnectées perpétuent l’oppression. La conférence «No War but the Class War» s’est penchée sur ces enjeux complexes.

L’intersectionnalité de l’oppression

Un élément crucial ressort de cette conférence, l’intersectionnalité des luttes. Ce concept, développé par Kimberlé Crenshaw, désigne l’étude des interactions entre différentes formes de domination telles que le racisme, le sexisme, le classisme et le colonialisme. Cette approche permet de comprendre comment ces oppressions se renforcent mutuellement et affectent les individus et les groupes de manière complexe et variée.

Pour Kimberlé Crenshaw , «L’intersectionnalité nous aide à voir les nuances et les interconnexions entre les différentes formes de domination, rendant notre résistance plus inclusive et efficace.» Comprendre l’intersectionnalité est essentiel pour saisir comment le colonialisme et le capitalisme sont les racines de l’oppression.

La Palestine et le colonialisme

Un exemple d’intersection est le génocide en Palestine. L’exploitation économique et le contrôle des ressources sont au cœur des objectifs d’Israël, qui utilise des méthodes oppressives et génocidaires pour atteindre ses fins. Lors de la dernière séance, deux des panélistes, Francisco Ramos et Daniel West, ont développés sur l’intelligence artificielle israélienne construit sur le dos des Palestinien.nes ainsi que Ro’im Rachok, une unité de l’Armée de défense Israélienne composée d’adolescents sur le spectre de l’autisme.

Les technologies israéliennes de surveillance, largement utilisées et commercialisées, démontrent l’interconnexion entre impérialisme militaire et profit capitaliste. Tsahal, l’armée d’Israël, utilise un programme basé sur l’intelligence artificielle appelé « Lavender » pour générer leurs cibles. Selon un rapport de Human Rights Watch en 2023, l’utilisation de ces technologies a considérablement augmenté les tensions et les violations des droits humains dans la région. En rationalisant les meurtres à travers une technologie prétendument objective et fondée sur une base de données précises, Israël déshumanise les Palestiniennes et Palestiniens, entraînant de nombreuses victimes collatérales.

Le colonialisme laisse des séquelles profondes, particulièrement chez les enfants. En Amérique du Nord, les pensionnats pour autochtones ont brisé des générations, éradiquant l’identité culturelle et infligeant un traumatisme durable. À Gaza, les jeunes palestinien.nes grandissent dans un contexte de conflit incessant, subissant les effets directs de la violence et de l’instabilité. Selon un rapport de l’UNICEF publié en 2022, 84 % des enfants présentent des symptômes de stress post-traumatique en raison de l’exposition continue à la violence et à l’instabilité dans la région.

Ces parallèles tragiques soulignent non seulement les tactiques de dépossession et de déshumanisation, mais aussi la nécessité pressante d’une solidarité globale pour mettre fin à ces injustices intergénérationnelles.

Solidarité globale : construire des alliances entre luttes

Les peuples autochtones et palestinien partagent non seulement une histoire de dépossession et de déni des droits, mais aussi une détermination commune à combattre le colonialisme sous toutes ses formes. La lutte palestinienne est aussi une lutte de classe. La dépossession de terres, de ressources et de droits fait écho aux luttes de la classe ouvrière mondiale contre le capitalisme.

Comprendre l’intersectionnalité favorise la formation de solidarités et d’alliances entre différents mouvements sociaux. Elle permet de toucher un public plus large en résonnant personnellement avec les individus. C’est ce message que Walda Katz-Fishman a voulu faire passer lors de sa présentation « des États-Unis à la Palestine – le mouvement mondial montant de la classe ouvrière ».

Historiquement, des mouvements comme le Mouvement des droits civiques aux États-Unis et les luttes anticoloniales à travers le monde ont montré comment la solidarité internationale et l’intersectionnalité des luttes peuvent renforcer les mouvements sociaux.

La résistance non violente de la communauté de Bil’in en Cisjordanie, qui lutte contre la construction du mur de séparation israélien, montre comment le peuple palestinien utilise des stratégies de protestation similaires à celles des mouvements des droits civiques.

Unir les forces pour un changement global

Reconnaître l’intersectionnalité des luttes implique de comprendre que la résistance pro-palestinienne est renforcée par la solidarité avec d’autres mouvements sociaux. Cette solidarité transcende les frontières nationales et unit les opprimé.es dans une cause commune.

La lutte contre le capitalisme et le colonialisme devient ainsi un combat partagé, visant à démanteler les systèmes oppressifs qui continuent d’affecter les peuples à travers le monde. La lutte pour la terre, pour la reconnaissance des droits et pour la fin des violences coloniales reste, comme le soulignait Angela Davis, une libération qui doit être universelle.

Notre engagement collectif et notre solidarité globale sont essentiels pour créer un monde où la justice et l’égalité sont accessibles à toutes et tous. L’atelier de la conférence «No War but the Class War» nous rappelle que notre lutte est commune et que notre résistance doit être intersectionnelle pour être véritablement transformative.

Il est temps pour chacun d’entre nous de reconnaître ces interconnexions et de s’unir pour un changement global durable. Rejoignons cette lutte et agissons ensemble pour un avenir plus juste.


Pour en savoir plus sur Israël et son utilisation de l’intelligence artificielle ou encore sur l’unité Ro’im Rachok : https://alter.quebec/comment-israel-utilise-lia-contre-le-peuple-palestinien/.


 

Le présent article reprend notamment les échanges dans les ateliers suivants de la Conférence No War, But Class War qui s’est tenue à l’Université Long Island de Brooklyn du 31 mai au 2 juin.

  • Atelier «Palestine : History, Geography, Solidarity» avec Cam West («Palestine, the Sixties, and Universality»), Walda Katz-Fishman («U.S. to Palestine – the Rising Global Working Class Movement») et Brendan O’Connor («Abolition Geography and the Question of Palestine»).
  • Atelier «Labor, the General Intellect, and the Automation of War» avec Francisco Ramos («Israeli Artificial Intelligence through Palestinian Labor») et Daniel West («Reading Ro’im Rachok: Instrumentalized Neurodiversity in the IDF»).
  • Plénière finale «Palestine Solidarity in the Academy: Repression and Resistance».