L'Amazonie en feu en 2019 @ Ibama - Brésil CC BY-SA 2.0 via Wikicommons
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Par Mariam Jama-Pelletier, correspondante en stage

En novembre prochain, le Brésil sera au centre de l’attention mondiale en accueillant la COP30. À quelques rues des négociations officielles, le Sommet des peuples réunira, en parallèle, la société civile, des groupes écologistes et des délégations des Premiers Peuples, venus des quatre coins du monde pour réfléchir aux défis environnementaux. Mais loin des caméras et des tribunes internationales, au cœur de l’Amazonie, des communautés autochtones luttent déjà, souvent au péril de leur vie, pour protéger ce que plusieurs surnomment le «poumon de la Terre».

« Protéger la forêt n’est pas un choix pour les communautés autochtones, c’est une question de survie », explique la chercheuse Marie-José Béliveau, qui a traversé l’Amazonie pour aller à la rencontre de plusieurs de ces premières nations.

Marie-Josée Béliveau sera à Bélem en novembre prochaIn avec une délégation de jeunes du cégep Ahuntsic à la COP 30 et au Sommet des peuples.

Madame Béliveau a notamment réalisé, en collaboration avec le cinéaste Santiago Bertolino, un film intitulé L’Amazonie, à la rencontre des gardiens et des gardiennes de la forêt. L’œuvre met en lumière une réalité trop souvent ignorée : celle des «gardiens de la forêt» ; ces femmes et ces hommes qui consacrent leur vie à défendre leur territoire.

« On observe que les territoires occupés par les communautés autochtones en Amazonie sont souvent les mieux préservés », précise la chercheuse. 

Elle y a observé des communautés entières mobilisées à travers des organisations locales très structurées, certaines appelées guardias. Ces groupes patrouillent, installent des campements dans les zones menacées, relèvent des échantillons, capturent des images et surveillent les intrusions extérieures, souvent liées à des industries polluantes et destructrices.

« Ce rôle est crucial, car leur présence physique envoie un message clair : ce territoire est habité et défendu », souligne madame Béliveau.

Mais cette vigilance a un prix. « Les gardiens de la forêt reçoivent régulièrement des menaces de mort, et certains ont même été tués par des tueurs à gages. En ce moment, l’un d’eux, qui est aussi un ami, vit sous une menace grave », confie l’ethnographe. Il s’agit d’Itahu Ka’apor, l’un des chefs de la communauté Ka’apor au Brésil, qui doit présentement se cacher dans la forêt pour survivre.

Malgré ces risques, le silence n’est plus une option pour la chercheuse. « Il faut en parler. Tant qu’il y aura de l’impunité, les crimes contre les protecteurs de l’environnement continueront. C’est aussi pour cette raison qu’ils ont accepté de participer au film : pour témoigner, pour que leurs voix soient entendues et que la violence cesse », affirme-t-elle.

Résister à la déforestation, du Brésil à l’Équateur

Au Brésil, le peuple Ka’apor subit une pression grandissante de l’industrie agroalimentaire. L’élevage bovin et la culture du soja grugent une grande partie de la forêt amazonienne  et souvent de façon illégale. « Les forestiers brûlent des pans entiers pour créer des pâturages », raconte Marie-José Béliveau.

Privés du soutien des autorités, qui ferment souvent les yeux — notamment sous l’administration Bolsonaro —, les Ka’apors se retrouvent seuls à défendre leur territoire. Leur guardia, désormais affaiblie après l’assassinat de plusieurs de ses membres, dont l’un empoisonné l’an dernier, s’efforce de tenir bon et de rester un rempart contre la déforestation et la destruction industrielle.

Mais au-delà de cette réalité sombre, madame Béliveau tient à rappeler qu’il existe aussi des victoires. De l’autre côté de la frontière, en Équateur, la communauté des A’i Cofáns lutte depuis 2016 contre les concessions minières autorisées par l’État. L’exploitation aurifère, qui utilise du mercure et du cyanure, a contaminé les rivières et rend l’eau impropre à la consommation. « Les gens ne pouvaient plus boire ni pêcher. Leur mode de vie était directement empoisonné », explique-t-elle.

Face à cette menace et armée de téléphones, de caméras et de GPS, la communauté A’i Cofán a documenté les dommages et rassemblé des preuves pour porter leur cause devant les tribunaux. 

Leur persévérance a porté fruit : en 2019, un tribunal équatorien a rendu un jugement en leur faveur et a ordonné l’arrêt de plusieurs concessions minières. 

« Ils ne savaient pas encore, au moment du tournage, qu’ils allaient gagner quelques mois plus tard. Mais déjà, ils avaient compris que s’unir, c’était leur plus grande force », souligne madame Béliveau.

La déforestation de l’Amazonie repart à la hausse

Entre août 2024 et mai 2025, la destruction forestière au Brésil a bondi de 9,1 % par rapport à la même période l’an dernier, selon l’Institut national de recherches spatiales (INPE). En mai seulement, la déforestation a bondi de 92 %, un chiffre alarmant.

À l’échelle mondiale, c’est 6,7 millions d’hectares de forêts primaires qui ont disparu l’an dernier, un triste record depuis plus de vingt ans, d’après les données de Global Forest Watch, en partenariat avec l’Université du Maryland.

Les spécialistes estiment que cette hécatombe résulte de la combinaison du changement climatique et des incendies qu’il provoque, affaiblissant encore davantage des écosystèmes essentiels à la régulation du climat mondial.

COP30 sous le feu des critiques

Depuis quelques années, les COP font l’objet de critiques récurrentes face à un manque d’actions concrètes et leurs promesses non tenues, notamment en matière de réduction des gaz à effet de serre et de protection de l’environnement. 

Face à ces constats, le Sommet des peuples se veut une alternative portée par la société civile, afin de proposer des solutions durables, aborder le sujet de justice climatique et valoriser des savoirs souvent écartés, notamment ceux des communautés autochtones.

« Oui, je crois en la COP30, mais seulement si la société civile est présente pour la challenger », affirme la militante écologiste. 

Un autre enjeu majeur de cette édition tient au manque d’espace pour accueillir tous les participants. Belém, située dans le nord du Brésil, demeure bien plus petite que les grandes métropoles comme Rio de Janeiro ou Brasília, la capitale.

Cette contrainte logistique et géographique touche particulièrement les peuples autochtones d’Amérique du Sud, déplore Fany Kuiru Castro, directrice du Comité de coordination des organisations autochtones du bassin du fleuve Amazonien (COICA). « Plus de 5 000 Autochtones souhaitent participer à la COP30, mais très peu d’accréditations ont été accordées aux communautés, et les places sont limitées en raison de la capacité d’accueil », explique celle qui est issue de la Nation Uitoto, un peuple vivant au cœur de la forêt amazonienne, dans le sud-est de la Colombie, près de la frontière péruvienne.

Sur son compte Facebook, Marie-Josée Béliveau mène présentement une levée de fonds pour permettre au peuple Ka’apor d’être présent au Sommet des peuples.

La COP30 se tiendra du 10 au 21 novembre, tandis que le Sommet des peuples aura lieu du 12 au 16 novembre.

Contribuer à la levée de fonds pour permettre au peuple Ka’apor d’être présent au Sommet des peuples en cliquant ici