Enock Occilien, Haiti Liberté 8 avril 2020
Depuis la découverte de la présence de la pandémie de COVID-19 dans le pays, aucune mesure étatique n’est encore vulgarisée sur la manière dont les autorités de la République vont aborder les problématiques de l’accès à l’eau de qualité non douteuse pour la population.
L’eau, ce liquide vital qui s’avère indispensable à la vie, constituant plus de 60% du poids de notre corps, qui nous sert de régulateur thermique et participe dans le processus de l’équilibre interne de notre organisme, peut aussi contribuer à la détérioration de celui-ci quand elle est impropre à la consommation et devenir ainsi un vecteur de transmission de germes pathogènes pouvant être responsable de maladies hydriques très graves et parfois mortelles. De plus, dans certaines régions du globe terrestre, où la carence de cette substance vitale se fait ressentir en permanence, elle est souvent à l’origine de certains conflits entre les populations, entraînant souvent des luttes sans précédent qui peuvent dans les cas les plus extrêmes, coûter la vie à de nombreux citoyens. On dit que l’eau sera, bien plus que le pétrole, l’enjeu géopolitique majeur du XXIe siècle (Bouquet, 2011).
C’est la lutte pour la survie!
En effet, selon le dernier rapport des responsables de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (2019) sur les inégalités en matière d’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène, plus de la moitié, soit plus de 50%, de la population mondiale ne dispose pas de services d’assainissement sûrs et 1 personne sur 3, soit 2.6 milliards ou encore 33.33% de la population mondiale n’ont pas accès à de l’eau salubre.
Par ailleurs, dans les pays en développement, comme le cas d’Haïti, l’accès à l’eau potable, surtout en milieu rural, est et demeure un défi pour les autorités gouvernementales. Par conséquent, pour répondre à leurs besoins en eau, certains individus ont souvent recours à l’eau de source non améliorée et qui sont souvent à l’origine de maladies (ou des épidémies) hydriques très graves et mêmes mortelles; par exemple, en août 2016, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé que l’épidémie de choléra (maladie généralement hydrique), apparue en Haïti en Octobre 2010, a causé 10 000 morts pour plus de 800 000 cas majoritairement recensés en Haïti et en République dominicaine, mais aussi à Cuba et au Mexique.
Faisant face à des problèmes de pollution, majeures, qui entraînent la contamination des ressources en eaux douces disponibles, dans la première République nègre du monde, en l’occurrence Haïti, l’accès à de l’eau salubre, aux services d’assainissements adéquats et à l’hygiène semblent loin d’être une priorité pour les autorités sanitaires. Selon les statistiques disponibles sur l’accès à l’eau et à l’assainissement de base dans le pays, plus de 30% des haïtiens n’ont toujours pas accès à de l’eau potable et plus de 40% ne dispose pas de services d’assainissements sûrs (Petit, 2019).
Alors que la pandémie du COVID-19 (faisant, déjà, plus de 35 mille morts, pour plus de 150 mille personnes testées positives à travers le monde, dont plus d’une quinzaine d’haïtiens) constitue une menace majeure pour le pays, les autorités se montrent irresponsables face aux besoins des populations en matière de l’eau de consommation, de services d’assainissement et d’hygiène. En effet, depuis la découverte de la présence de la pandémie de COVID-19 dans le pays, aucune mesure étatique n’est encore vulgarisée sur la manière dont les autorités de la République vont aborder les problématiques de l’accès à l’eau de qualité non douteuse, de l’amélioration des services d’assainissement et d’hygiène qui sont devenues prioritaires, plus particulièrement pour les personnes les plus démunies qui n’ont pas les moyens nécessaires pour subvenir à leurs besoins en eau et à l’amélioration de leurs services d’hygiène nécessaires.
Ce mépris des autorités de l’État vis-à-vis – des besoins en eau, des services d’assainissement et à l’hygiène – de la population, s’est matérialisé par l’absence des responsables de la DINEPA et par l’absence de travaux dirigés par cette institution sur le terrain – considérant que les services fournis par cette entité étaient déjà non satisfaisants et même absents dans certaines zones en période normale – en vue d’améliorer les réseaux d’adduction en eau potable qui desservent les habitants afin de fournir un service plus ou moins satisfaisant aux foyers pendant la période de la pandémie. En somme, dans certaines communes hors de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, le cas de la commune de Croix-des-Bouquets par exemple, on peut se demander si l’accès à l’eau et à l’assainissement font partie des services que l’État doit garantir aux citoyens. Car, privé non seulement de l’approvisionnement en eau par la DINEPA, les décharges d’immondices de toute sorte qu’on peut observer partout dans les rues des zones urbaines et rurales, qui dégagent des odeurs nauséabondes, sont préoccupantes parce que ces déchets peuvent accélérer la propagation des agents microbiens dans les agglomérations et aggraver la situation, surtout dans les endroits les plus reculés.
De plus, classée en 4e position – parmi les 25 villes les plus sales au monde selon le magazine américain Forbes (2019), Port-au-Prince est de loin la ville qui détient le meilleur score en matière d’insalubrité sur le continent américain. Cependant, c’est la ville la plus peuplée du pays, avec plus de 20% de la population vivant en grande majorité dans des taudis, en dehors des conditions hygiéniques recommandées et dans une précarité économique très alarmante.
En conséquence, cette population, exposée à tout type de contaminants, risque de vivre les pires moments de son existence pendant la période de la pandémie de COVID-19. Si l’on tient compte de certaines considérations très justifiables telles que :
- la propagation du COVID-19 qui suit une croissance exponentielle dans une matrice aléatoire – une personne contaminée peut contaminer en moyenne 3 autres personnes (Xiaochao Jin et al., 2020);
- les populations de la zone métropolitaine de Port-au-Prince qui sont entassées dans des bidonvilles développées de manière spontanée, ou encore vivant dans les milieux ruraux très reculés où les services d’assainissement et d’hygiène ne sont pas de mise, les services hospitaliers absents – alors que beaucoup parmi ces individus ne respectent surtout pas les stricts règlements sur les principes d’hygiène à suivre pour ne pas contracter le SARS-COV-2 responsable du COVID-19;
- la précarité économique dans laquelle évolue la plus forte proportion des ménages dans lesquels les gens ne disposent pas de grands moyens économiques pour acheter leur eau, surtout en cette période de confinement où la demande journalière, en eau, augmente dans les foyers (car le lavage intensif des mains et les activités de ménage prononcées nécessitent une consommation considérable d’eau), on peut alors imaginer à quoi doit s’attendre la population haïtienne quand la pandémie atteindra son pic.
Pourtant, les autorités de l’État restent indifférentes et ne manifestent, jusqu’à date, aucune volonté de fournir les services nécessaires à ses habitants pourtant vulnérables et qui ont le droit à la vie et doivent être protégées par l’État.
Si l’épidémie de Choléra à tiré la sonnette d’alarme sur l’état délabré de la situation sanitaire en Haïti, depuis le mois d’Octobre 2010, et a fait autant de morts dans le pays, cette situation n’est manifestement pas une priorité pour les responsables, alarmante ou pas. Dans ce petit pays, très vulnérable aux agressions de la nature, les dirigeants ne cessent de se moquer des gens les plus vulnérables et ne cessent de se montrer très cyniques vis-à-vis de la santé des habitants.
Face à ces conditions de survie inquiétantes, qui mettent en périls au jour le jour la survie de ces millions damnés de cette République, la pandémie de la maladie à Coronavirus de 2019 pourrait coûter la vie à des centaines de milliers de ces personnes dans un laps de temps et induire un cataclysme dans le pays.
Pour conclure, il n’y a pas que l’absence de l’accès à l’eau potable dans certaines zones ignorées par les dirigeants, la présence de décharges à ciel ouvert partout dans les différentes rues des zones urbaines et rurales, de l’absence de services d’hygiène, mais il y a aussi l’absence de personnels qualifiés faisant partie de la direction de ces sous-secteurs (eau et assainissement) pouvant aborder les problèmes avec plus d’aisance et de certitudes. Or, ces problématiques mentionnées ci-dessus peuvent servir à l’accélération du processus de la propagation de la maladie dans le pays, puisqu’elle se transmet entre les individus et des surfaces contaminées. D’où la nécessité d’une intervention rapide de l’État de façon très rigoureuse afin de limiter les dégâts que peut causer cette pandémie à travers le pays.