Responsabilité des activités humaines indiscutable, trajectoire climatique catastrophique d’ici la fin du 21e siècle si nous n’agissons pas sans attendre, immenses mesures d’atténuation et d’adaptation à mettre en place en parallèle, soutien fortement accru aux communautés vulnérables. Voilà en gros ce que viennent encore une fois de marteler des milliers de scientifiques spécialisé.e.s sur la question des dérèglements climatiques et leurs très graves conséquences pour la vie sur la Terre.

Huit ans après avoir lancé le début de son 6e cycle d’évaluation, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié le lundi 23 mars 2023 une synthèse des connaissances issue de ses trois volets et trois rapports spéciaux. Le document intitulé « AR6 Synthesis Report – Climate Change 2023 » (SYR) inclus, comme toujours, un rapport principal agrémenté d’un « résumé pour les décideurs » de 37 pages qui a pour fonction de faciliter la compréhension de centaines de pages (il s’agit en quelque sorte d’un « résumé du résumé »). Enfin, le GIEC ajoute un document comprenant 18 remarques générales (Headline Statements) qui sont des « conclusions générales du résumé approuvé à l’intention des décideurs politiques qui, prises dans leur ensemble, constituent un récit concis ». Il est très important de rappeler que les solutions proposées tant dans le résumé pour les décideurs que dans les remarques générales sont le résultat d’un consensus puisque certains pays font retirer des passages des rapports scientifiques qui vont à l’encontre de leurs intérêts économiques. C’est ainsi que les idées de la décroissance étaient mentionnées à de nombreuses reprises dans le 3e volet intitulé « Atténuation des changements climatiques » 1 (publié en avril 2022), mais qu’il en était beaucoup moins question dans le résumé pour les décideurs.

Les constats présents et les tendances

Le rapport de synthèse rappelle que la température moyenne globale a augmenté de 1,1 °C sur la décennie 2011-2020 par rapport à l’ère préindustrielle (par rapport à la décennie 1850-1900). Cette très rapide augmentation de la température à l’échelle géologique et à 95 % la responsabilité des activités humaines par leurs émissions de GES et historiquement le fait des pays riches. Le modèle économique basé sur la consommation et la croissance est pointé du doigt, ainsi que les modèles non durables d’utilisation de l’énergie et des terres (agriculture, déforestation, entre autres).

De plus, le rapport insiste sur le fait que les changements ont été et sont d’ores et déjà très rapides dans l’atmosphère, les océans (phénomène de l’acidification par exemple), la cryosphère et la biosphère, affectant de très nombreuses régions du globe et occasionnant donc « des pertes et dommages connexes pour la nature et les populations (degré de confiance élevé) ». Surtout, l’injustice climatique est mentionnée, puisque ce sont les communautés qui ont le moins contribué au phénomène qui sont les plus affectées (confiance élevée, point A.2).

Enfin, malgré certaines avancées sur le plan de l’adaptation et de la planification, des progrès énormes restent à réaliser puisque d’importantes lacunes existent dans de nombreuses régions du monde et qu’elles continueront à se creuser, alimentées par une insuffisance des flux financiers alloués aux politiques d’adaptation, limitant fortement leur mise en œuvre dans les pays en développement (confiance élevée, point A.3). En ce qui concerne les mesures d’atténuation, les contributions déterminées aux niveaux nationaux d’ici 2030 « rendent probable un réchauffement supérieur à 1,5 °C au cours du 21e siècle et rendent plus difficile la limitation du réchauffement en dessous de 2 °C ».

Prospective pour le climat futur, les risques et les réponses sur le long terme

Les prévisions pour le climat font craindre des changements futurs inévitables et/ou irréversibles, toutefois, les scientifiques estiment qu’ils peuvent être « limités par une réduction profonde, rapide et soutenue des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial ». De plus, le GIEC insiste sur l’obsolescence ou les limites des politiques d’adaptation présentes à mesure que le réchauffement climatique s’intensifiera. Il est donc urgent d’éviter une mésadaptation par une « planification et une mise en œuvre flexibles, multisectorielles, inclusives et à long terme […], avec des co-bénéfices pour de nombreux secteurs et systèmes ».

La justice sociale et climatique, clé de voûte de la limitation des impacts

Un soutien accru aux personnes et aux communautés les plus vulnérables est absolument essentiel pour les scientifiques puisqu’il est rappelé au point C.5 qu’il faut « donner la priorité à l’équité, à la justice climatique, à la justice sociale, à l’inclusion et à des processus de transition justes peut permettre une adaptation et des mesures d’atténuation ambitieuses ainsi qu’un développement résilient » aux dérèglements climatiques. L’organisme onusien insiste donc sur l’impossibilité de construire des communautés résilientes à un climat déréglé sans des programmes de protection sociale ambitieux.

Rappelons que, selon la Banque mondiale, les dérèglements climatiques risquent de contraindre près de 220 millions de personnes à migrer à l’intérieur de leur pays 2.

Enfin, pour les scientifiques « nous disposons de plusieurs solutions réalistes et efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour nous adapter au changement climatique d’origine humaine – et ces solutions sont aujourd’hui à portée de main ».


NOTES ET RÉFÉRENCES
  1. https://www.nouvelobs.com/idees/20220430.OBS57849/le-giec-ouvre-la-voie-d-une-decroissance-soutenable-et-conviviale-par-timothee-parrique.html[]
  2. https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2021/09/13/climate-change-could-force-216-million-people-to-migrate-within-their-own-countries-by-2050[]

3 Commentaires

  1. […] Jérémy Bouchez, 20 mars 2023https://alter.quebec/dereglements-climatiques-la-synthese-du-giec-tire-encore-une-fois-la-sonnette-d… […]

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