
Charline Caro, correspondante
Dès les premiers jours de son mandat, Donald Trump a signé une série de décrets restreignant les droits des personnes LGBTQ+. Né.es ou expatrié.es aux États-Unis, des Québécois·es appartenant à la communauté queer témoignent des conséquences de cette LGBTphobie d’État sur leur quotidien, et disent envisager un retour au Canada pour préserver leur liberté et leur sécurité.
Shane a 25 ans et habite en Floride, près de la ville de Tampa. Né aux États-Unis, il est Canadien par sa mère et a immigré depuis Montréal il y a 30 ans. «En ce moment, ça ne va pas super bien», nous glisse-t-il. Étant trans, Shane est particulièrement inquiet dans le contexte politique actuel. Il évoque une «situation effrayante, surtout en Floride, qui est l’un des États les plus à risque pour les personnes trans et LGBT». Sa mère Johanne confie en riant qu’elle a «besoin de tranquillisants». Les derniers événements politiques lui causent beaucoup de stress, notamment en raison de la transidentité de son fils.
Des discours transphobes
Lors de sa campagne, Donald Trump a multiplié les attaques contre la communauté trans, promettant de «mettre fin au délire transgenre» et de ne reconnaître que deux genres. À la suite de son investiture, le nouveau président a adopté une série de décrets visant à limiter les droits des personnes trans, avec la suppression des aides publiques pour les traitements de transition de genre des mineur·es ou l’inscription du sexe assigné à la naissance sur les documents officiels du gouvernement.
Lorsque Shane a entendu parler de ces mesures, il a «couru faire renouveler son passeport», craignant ne pas pouvoir obtenir un document de voyage avec le bon marqueur de genre. Au moment de la demande, il a dû indiquer si son genre était celui qui lui avait été assigné à la naissance, ce à quoi il a répondu non. L’idée de recevoir un passeport avec l’inscription «F» le rend très anxieux, confie-t-il. Au-delà de la négation de son identité, Shane s’inquiète surtout pour sa sécurité, craignant vivre des discriminations si son apparence ne correspond pas à celle sous-entendue par ses papiers d’identité.
François habite dans le Wisconsin. Né à Montréal, le jeune de 15 ans a rejoint l’État du Midwest des États-Unis avec sa famille il y a une dizaine d’années. Aux côtés de sa mère Chantale*, originaire de Laval, le jeune homme trans raconte avec satisfaction avoir récemment obtenu un passeport avec la bonne mention de genre, grâce à une demande faite «juste avant qu’il ne signe les décrets».
Toutes les minorités menacées
Si les personnes trans sont les premières à être visées par ces mesures anti-LGBTQ+, le reste de la communauté l’est aussi. Dans la lancée de ses premières signatures, le président républicain a révoqué des textes adoptés par son prédécesseur Joe Biden, notamment celui combattant les discriminations basées sur le genre et l’orientation sexuelle. Dans le même temps, les programmes de diversité, équité et inclusion (DEI) ont été supprimés dans toutes les sphères du gouvernement fédéral, et les entreprises ont été encouragées à le faire également.
Originaire de Saint-Bruno, Ann a rejoint la Californie en 2002, où elle vit aujourd’hui avec sa compagne. Si en tant que lesbienne elle se sent moins menacée que la communauté trans, elle demeure lucide sur les intentions du nouveau président : «Là, c’est les personnes trans qu’il attaque, mais ça va être nous autres après». Un rappel qu’elle veut également adresser aux «groupes gays qui soutiennent Trump» : «Si on pense que ce sera juste les personnes trans, on se trompe fortement».
Une intolérance au quotidien
Le contexte politique amène les personnes LGBTQ+ rencontrées à se méfier davantage au quotidien. Si elle se considère chanceuse d’habiter en Californie, un État historiquement démocrate, Ann porte toutefois une attention particulière aux États dans lesquels elle voyage. «C’est certain que je n’irais pas dans des États où les lois me sont défavorables», dit-elle en nommant la Floride, fleuron trumpiste, où elle aurait aimé se rendre.
Shane, lui, habite en Floride, qu’il décrit comme l’État «le plus à risque pour les personnes trans et LGBT» avec le Texas. Bien que la population de sa ville et les client·es du café où il travaille soient assez «détendu·es», le jeune homme vit tout de même des moments d’anxiété. Comme lorsqu’il fait face à des personnes qui portent des casquettes avec l’inscription Make America Great Again. «Je ne suis pas en sécurité avec ces personnes, je ne peux pas être moi-même en leur présence», relate-t-il.
De son côté, François estime que l’attitude de ses ami·es et camarades a changé depuis le retour de Trump dans la sphère politique et médiatique. À son école secondaire, François a remarqué «plus de regards bizarres», ainsi que des propos discriminatoires auxquels il n’était pas habitué. Il évoque également un ami «convaincu par Trump», faisant des remarques transphobes alors qu’il était «d’accord avec sa transition» quelques mois auparavant. «Je trouve ça fou de voir à quelle vitesse les gens ont été influencés», rapporte le jeune de 15 ans.
Rentrer au Canada
Touchée par le récit de son fils, Chantale confie avec un sourire triste que «le plan B, c’est de retourner au Canada». Bien qu’un déménagement soit contraignant sur de nombreux plans, la mère de famille «ne risquera pas la vie de [son] enfant pour rester aux États-Unis». François croit que si cette décision devait être prise, il serait probablement triste, car même si le Canada lui manque, il aime beaucoup son école et a grandi ici.
Shane est confronté au même dilemme, se préparant à la possibilité de déménager au Canada, sans le vouloir réellement : «Je ne veux pas avoir à fuir ma maison. Je veux un avenir où je peux prendre mon temps pour déménager, après avoir trouvé un partenaire et l’endroit parfait pour m’installer.» Le canado-américain se considère toutefois privilégié d’avoir la possibilité de quitter le pays en cas de nécessité, contrairement à ses ami·es queer qui n’ont pas la double nationalité.