Tifenn Marin, Courrier international, 14 avril
A Guayaquil, ville la plus touchée par le virus en Équateur, la misère est dévastatrice dans les bidonvilles de Nigeria. Les personnes y vivent dans des logements de fortune, insalubres, et entassés en nombre. Certains quartiers n’ont même pas d’accès à l’eau potable, pour ses habitants il est impossible de se confiner ni de respecter les « gestes barrières ». La population y vit dans une situation de précarité extrême, elle a perdu le peu de ressources auxquelles elle avait accès à cause de la crise, 60% de la population travaillant dans le secteur informel ; elle se retrouve sans emploi et donc sans aucun moyen de subsister. Cette population est menacée par le gouvernement, dont le vice-président Otto Sonnenholzer déclarait en ciblant les vendeurs ambulants : « S’ils ne coopèrent pas, nous devrons décider de qui vivra ou mourra ».
De plus, quand l’horreur de la pandémie qui, de par la saturation des systèmes de santé et funéraire, laisse les corps morts du Covid-19 joncher les rues et maisons des quartier populaires, la question de la faim prédomine sur l’inquiétude face au virus pour ceux qui n’ont pas possibilité de se confiner. Dans l’article de Courrier International, des habitants du bidonville de Nigeria à Guayaquil témoignent : « Marcial Vernaza, 61 ans, sort furieux sur le pas de sa porte : « Ouvrez le frigo, il n’y a que de la glace. Je n’ai rien » ». Certains ont reçu des « paniers repas » donnés par des entreprises privées « « Du thon, des pâtes, ça ne suffit pas. Il n’y a même pas un peu de viande ou de fromage. La nourriture fraîche n’arrive pas jusqu’ici. C’est dur », ajoute M. Angulo ».
Le gouvernement montre toute son hypocrisie en distribuant des paniers repas ridicules aux habitants des quartiers populaires ou en laissant cette initiative à des entreprises privées, et parallèlement, en continuant à réprimer sa population en incapacité de respecter le confinement. Dans l’article du Courrier international, un homme témoigne de la violence policière : « « Les policiers sont intervenus à coups de matraque, poursuivant les gens, cognant, entrant dans les maisons. Mais comment peut-on dire à un pauvre de rester chez lui quand il n’a pas de quoi manger ? », s’émeut Carlos Valencia, 35 ans ». Les habitants sont réprimés par la police alors même qu’ils essaient de trouver de quoi survivre en continuant à travailler ou en cherchant de quoi se nourrir.
Le gouvernement a même instauré un couvre-feu à 14h, comme solution face à une crise sanitaire d’ampleur alors qu’une grande partie de la population vit dans des conditions désastreuses, qu’elle ne peut pas se confiner, qu’aucune mesure sérieuse n’est mise en place pour assurer les besoins vitaux des habitants et qu’aucun test n’est effectué. A cela s’ajoute, en Équateur comme dans beaucoup d’autres pays en Amérique Latine et ailleurs, la mise à mal du service public par des années de politiques austéritaires et d’économies faites sur le système de santé.
En plus des politiques de démantèlement du service public, le pays est également confronté aux politiques impérialistes qui ponctionnent son économie, lorsque le FMI a imposé un plan d’austérité en échange d’un prêt de 4,2 milliards de dollars pour mettre fin à la récession. En pleine crise sanitaire, le gouvernement équatorien a remboursé une partie de sa dette au FMI. Le mois prochain il devra livrer 1200 millions, une nouvelle fois l’argent n’ira pas dans la santé, lorsque son budget est réduit au strict minimum.
Comme cela se révèle dans les bidonvilles de l’Équateur, les conséquences de la crise sanitaire sont catastrophiques pour les populations les plus précaires et les attaques gouvernementales sont toujours plus violentes. Cette situation révèle aussi les conditions de vie dans lesquelles sont plongés des millions d’habitants des pays dominés par l’impérialisme, qui impose l’austérité et qui demande aujourd’hui à l’Équateur de continuer à rembourser sa dette dans une situation de crise sanitaire et économique. La situation de ce pays dévoile les conséquences démultipliées de l’avancée de la pandémie dans les pays dominés, qui doivent faire face à des mesures d’austérités imposées, des systèmes de santé fragiles et des secteurs entiers de la population qui vivent dans tant bien que mal, notamment via le secteur informel de l’économie.