ANTHONY DIMAGGIO, extrait d’un texte paru dans Counterpunch, 11 SEPTEMBRE 2020
La suppression des électeurs et la fraude électorale sont devenues des sujets de discussion dominants dans le cadre des élections de 2020. Dans une tournure orwellienne, l’administration Trump semble appeler à la suppression d’un nombre massif d’électeurs, au nom de la lutte contre la « fraude électorale ». Ce plan se concrétise par le biais d’un assaut contre le service postal et du vote par correspondance, ce qui selon les observateurs devrait réduire considérablement le vote en faveur des candidats démocrates.
Parallèlement, l’offensive de Trump se poursuit pour recruter des militants de droite comme « scrutateurs ». Selon CNN, la campagne de réélection de Trump coordonne une initiative visant à envoyer des dizaines de milliers d’observateurs électoraux dans les États « chauds ». Ces efforts se concentrent sur les villes et les quartiers peuplés où le vote démocrate est le plus fort.
Du côté démocrate, on sent de la réticence à insister sur ces faits indiquant la tendance fasciste qui prend forme dans le contexte actuel. Le discours médiatique minimise les discussions sur le fascisme, préférant des termes comme « autoritarisme » ou « populisme ». Le New York Times par exemple exclut les termes « fasciste » ou « fascisme». Les organismes de sondage professionnels n’en parlent pas non plus.
Selon mes études cependant, le fascisme prend forme dans l’orientation actuelle de la campagne de Trump :
- Elle mobilise les passions populaires, attise les peurs (souvent artificielles) et construit des «crises», ce qui « justifie » l’idée que seul un « leader » national fort peut sauver la nation,
- Elle affirme que des majorités blanches sont victimes d’une bataille culturelle devant la montée en puissance des minorités religieuses, des immigrants et des personnes de couleur. Ces groupes sont décrits comme mettant en danger le pouvoir de la majorité blanche, ce qui justifie la répression pour promouvoir les valeurs, la politique et les identités nationalistes blanches.
- Elle idéalise la violence et la suppression autoritaire de la dissidence, comme moyen de résoudre les problèmes.
- Elle préconise une guerre contre les faits, la vérité et l’histoire, attisant le mépris du raisonnement basé sur des preuves et renforçant le culte de la personnalité autour d’un leader excentrique.
Le fascisme n’est pas un système politique qui se matérialise du jour au lendemain. Des chercheurs tels David Niewert , William Connelly et Alexander Reid Ross, évoquent un « fascisme rampant » ou un « parafascisme ». Aux États-Unis, il est peu probable qu’on assiste à une simple répétition des régimes fascistes allemand ou italien. Malgré les manifestations fascistes ces derniers temps comme à Charlottesville, on ne verra pas dans les rues des hordes nazis brandissant des croix gammées saluant de manière clownesque Donald Trump comme un Hitler des temps modernes.
Le risque est plutôt que le fascisme américain se présente sous une forme plus « amicale ». La version américaine du fascisme rampant implique des réactionnaires d’extrême droite comme Tucker Carlson, Sean Hannity et Donald Trump qui font passer des thèmes fascistes, racistes et autoritaires dans le discours médiatique (notamment avec Fox News, Breitbart et Infowars).
Pour le moment, les États-Unis ne sont pas une société fasciste pleinement constituée. Cela ne veut pas dire qu’il faut minimiser la tendance. Soulignons certains faits :
- L’administration Trump confisque des milliards de dollars, sans consulter le Congrès, pour construire le fameux mur sur la frontière avec le Mexique, accuse le Mexique et les immigrants latino-américains d’être une menace pour l’identité américaine et la sécurité nationale.
- Trump ne cesse d’exprimer son mépris pour les institutions démocratiques, via ses efforts pour discréditer les élections américaines.
- Les forces de répression intensifient l’incarcération de masse contre les immigrants sans statut, impose une cruelle séparation entre parents et enfants, et emprisonne des immigrants dans des camps de concentration.
- Trump diabolise les mobilisations de Black Lives Matter comme une menace contre la sécurité nationale, la stabilité et la loi et l’ordre, alors que l’écrasante majorité des manifestations – 93%– sont non violentes.
- Trump défend les attaques violentes, comme en témoigne son appui aux « bons » suprémacistes blancs à Charlottesville, et sa défense de Kyle Rittenhouse, même après que celui-ci ait été accusé de meurtre après avoir tiré sur des du BLM à Kenosha (Wisconsin).
- Selon plusieurs enquêtes, un partisan de Trump sur cinq est ouvertement autoritaire-fasciste, appuie le ciblage et le meurtre, tout en embrassant la politique nationaliste et la discrimination de Trump contre les immigrants et les personnes de couleur.
Le jour des élections, il est probable que des dizaines de milliers d’extrémistes et d’activistes de droite seront dans les rues pour inonder les bureaux de vote dans les États « chauds » et intimider les personnes de couleur et autres électeurs démocrates.
L’ouvrage d’Anthony DiMaggio, Rebellion in America, est disponible à l’adresse suivante : https://www.book2look.com/book/CN5kiQLPLg