Antoine Lyonel Trouillot, Le nouvelliste 2019-02-13
Les déclarations des diplomates étrangers, représentants d’institutions internationales, sur les affaires internes des peuples sont parfois d’une débilité qui aurait quelque chose d’inquiétant si on leur supposait une quelconque sincérité.
Tel appelle au calme et demande la cessation des violences. Qui n’avait pas entendu quand des Haïtiens disaient que le luxe, l’usage personnel du pouvoir, la corruption, la reproduction des injustices et inégalités sociales conduisaient droit à une situation insurrectionnelle. Alors que les rapports des diplomates, de telle ou telle mission des Nations Unies, disaient que tout est bien. Tout est bien et va dans le bon sens quand on a les moyens de vacances en République dominicaine et qu’on se fait des plans de carrière.
Tel parle de « légitimité » électorale et constitutionnelle. Qui n’avait pas entendu l’opposition haïtienne et une partie de la population contester les résultats des élections présidentielles. Qui n’avait pas entendu des membres du Conseil électoral se désolidariser de la majorité. Qui décide quand ça lui sied que des élections validées par ces mêmes Nations Unies peuvent devenir « illégitimes » après coup, que des élections qui n’ont pas encore eu lieu seront forcément proclamées légitimes. Illégitimité a posteriori. Légitimité antidatée…. Le discours sur la légitimité est à la politique internationale ce que sont à l’amour les discours d’escrocs au mariage et de petites vertus. Parlant de petite vertu, qui peut prétende ignorer que le vote contre Maduro (illégitime peut-être) est un deal entre un illégitime et une grande puissance !
Tel encourage au dialogue. Six jours qu’un pays est en ébullition. Six jours que DES GENS MEURENT. Le président est muet, le premier ministre est muet, le parlement est muet. Et aucun diplomate n’avait pensé à leur souffler qu’ils devaient écouter ce que leur disaient depuis longtemps les Haïtiens. Et on voudrait qu’on attende qu’ils sortent de leur silence pour dialoguer avec eux.
Et même la presse des pays occidentaux… Tous les jours du Venezuela en veux-u en voilà. Le consensus est fait avec les gouvernements. Diaboliser Maduro. (Peut-être l’est-il, le diable, les vénézuéliens nous le diront). Mais depuis des années que le peuple haïtien est pillé, martyrisé… Le compte des morts n’y était pas peut-être. Une catastrophe naturelle aurait été bien. Mais cette catastrophe de la gestion par des « bandits légaux », le mot est de leur chef de file, d’argent gaspillé, de complicité de l’international avec des filous juste pour sauver l’apparence et exercer leur influence, on en a peu parlé. Ce n’est pas seulement l’échec de politiques haïtiens corrompus, d’un monde des affaires dépourvu d’humanisme,
C’est un peuple qui est en train de dire qu’il en a marre d’être exploité, maltraité. C’est sur cette réalité que, géo-politique, luttes d’influence, parodie de démocratie formelle, on a préféré faire silence. Pourquoi ? Des fonctionnaires qui s’enrichissent ? Des carrières individuelles ? L’application du catéchisme de la haute finance, même si des peuples en crèvent ?
Ce que disent ces communiqués, c’est que la « communauté internationale » préfère (se) mentir plutôt que de reconnaître sa part de responsabilité dans l’évolution de la réalité haïtienne. Prolongera-t-elle le mensonge jusqu’à l’occupation ? En dehors d’une force militaire répressive, on voit mal comment le changement correspondant à la volonté populaire pourrait être évité.