Renel Exentus et Ricardo Gustave au nom du REHMONCO
Dans l’histoire de luttes des classes opprimées, les femmes se trouvent toujours au premier plan dans la dénonciation du patriarcat, la domination du capital et la défense des droits humains. En Haïti, cette tradition se confirme également puisque les femmes constituent la cheville ouvrière de la classe laborieuse et des autres groupes opprimés de la société. Leur radicalité constitue en particulier un pivot dans le processus d’éradication des régimes autocratiques et dictatoriaux dans le pays.
Cette tradition de résistance prend racine dans les luttes menées par les femmes tout au long de l’histoire haïtienne. C’est pourquoi les régimes dictatoriaux considèrent le féminisme comme un mouvement à abattre
Les femmes, en particulier les militantes féministes, se trouvent généralement soumises à des violences systématiques. Duvalier a consolidé son pouvoir en réduisant au silence la journaliste féministe Yvonne Hakim Rimpel, l’une des premières victimes de la fureur duvaliériste. Tout au début du pouvoir macoute, en 1958, elle a été kidnappée, torturée, violée avant d’être laissée pour morte dans les rues de Port-au-Prince.
Cette tentative d’assassinat donnait le ton au climat de terreur que le régime allait établir dans tout le pays. S’attaquer à une figure féministe aussi connue que Hakim Rimpel révélait, à l’époque, une volonté outre mesure de casser toute forme de résistance au nouveau pouvoir.
Pour mener à bien une telle entreprise, il fallait faire taire toute voix discordante, mais aussi et surtout s’attaquer avec férocité aux forces vives de la nation, en particulier les femmes ouvrières, paysannes et militantes féministes. Les masses dans les quartiers populaires et dans la paysannerie où les femmes jouent un rôle essentiel à la survie ont eu à subir les kidnappings, les massacres et les rapines de la milice de Duvalier pendant 29 ans.
Après la chute de la dictature, les pouvoirs putschistes post-1986, particulièrement celui du général Cedras, ont appliqué la même méthode terroriste. Cela sous-entend que la répression en règle contre les luttes et les revendications populaires présupposait avant tout des attaques systématiques contre les femmes.
Aujourd’hui, dans le contexte de la restauration de la dictature en Haïti, le pouvoir de facto de Jovenel Moise ne se trompe pas de cible. Pour installer un climat de chaos et de terreur dans la société, le régime opprime, avec la plus grande violence, y compris adolescentes et fillettes. Ces dernières ne sont pas épargnées de la fureur sadique des sbires du régime.
Les fillettes comptent parmi les centaines de personnes kidnappées, mutilées et violées au quotidien dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince et dans les autres centres urbains du pays. Les images de ces corps violés, humiliés, écrasés circulent et tournent en boucle sur les réseaux sociaux dans ce contexte soulignant les luttes des femmes pour leurs droits, contre le patriarcat et l’ordre capitaliste.
Aujourd’hui, le spectre de la dictature montre sa face hideuse dans le pays. Le pouvoir de facto mobilise l’ensemble de la puissance publique pour remettre en cause même le droit à la vie des membres des classes opprimées en général et les femmes en particulier. Avec l’appui de la bourgeoisie, il se sert de l’arme du kidnapping, des assassinats ciblés pour maintenir un climat de terreur. Plusieurs unités de la police en symbiose avec les gangs armés répriment parallèlement tout mouvement de contestation contre le gouvernement de facto.
Par ailleurs, cette répression fascisante jouit de l’appui inconditionnel des pays capitalistes dont l’Union européenne, la Canada et les États-Unis. Comme à l’époque des Duvalier, l’utilisation de la terreur, la répression sauvage des masses urbaines et rurales constituent l’arme principale à la bonne marche des affaires des compagnies minières et les entreprises de la sous-traitance. En plus d’exploiter les ressources naturelles en Haïti, elles profitent de la main d’œuvre à bon marché sans se soucier des revendications syndicales.
En Haïti, ce 8 mars 2021 met à nu cette ambiance délétère où, en présence même des forces internationales, le droit à la vie est pratiquement anéanti par un pouvoir de facto. Par le biais de ses différentes agences, l’ONU fait de son mieux pour taire les voix des milliers de victimes, rescapé.es et survivant.es. Elle invente tous les artifices pour légitimer le pouvoir en place. Il y va, dit-elle, de « la stabilisation du pays ».
Dans ce contexte de répression systématique des droits sociaux des travailleurs et des travailleuses, nous saluons la mémoire des nombreuses victimes de cette dictature en gestation, celle des femmes en particulier. Nous soutenons inconditionnellement la résistance héroïque des classes opprimées, et les encourageons à poursuivre le combat contre l’instauration de la dictature.
Nous convions également les femmes travailleuses, progressistes et féministes du Canada, des États-Unis et de l’Union européenne à dénoncer leurs États capitalistes et leurs bourgeoisies, comme complices dans la misère, la répression du peuple haïtien et, en particulier, dans l’oppression des femmes en Haïti.