Haïti : l’eau coule dans le canal de la rivière Massacre

Photo prise d'une vidéo de Nord-Est Info

La population haïtienne de la plaine de Maribaroux voit maintenant l’eau coulée dans le canal de la rivière Massacre. Situé à Ouanaminthe du côté haïtien, une commune du département du nord-est, le canal est à la frontière entre la République d’Haïti et la République dominicaine. Depuis plusieurs mois, les paysans.nes de cette commune ont pris l’initiative de reprendre le projet de construire un canal sur cette rivière dans le but d’irriguer la plaine de Maribaroux. Un mouvement d’une solidarité sans pareille où toute la population haïtienne s’est jointe pour montrer au monde entier que l’union fait la force.

Un projet repris par l’initiative populaire

Ce projet d’irrigation a été lancé en 2018 par le président Jovenel Moise et s’est brusquement arrêté en 2021 à la suite de son assassinat. Deux ans plus tard, soit en 2023, la population agricole de la zone ainsi que les autres habitants a décidé de reprendre les travaux.

La construction du canal à Ouanaminthe est un sujet très controversé, à cause de la situation de tension entre les deux territoires voisins. Elle crée en même temps un optimisme et une fierté chez les haïtien.nes. Sans demander l’aide du gouvernement de facto d’Ariel Henry, le peuple haïtien se considérant comme un peuple souverain prend l’initiative de construire un canal sur la rivière Massacre.

En effet la plaine de Mariboux est un grenier du département du nord-est, l’une des plus riches plaines d’Haïti. L’irrigation de ces plusieurs milliers d’hectares de terre va favoriser l’autosuffisance alimentaire et donner à la population haïtienne une alternative aux produits dominicains.

Kanal la Pap Kanpe

Pour montrer son mécontentement, le président dominicain Luis Abinader a décidé de fermer toutes les frontières terrestre, aérienne et maritime de la République dominicaine avec Haïti. Il a également suspendu la délivrance de visa aux ressortissant.es haïtien.nes. Il s’agit d’un ensemble de décisions qui, selon lui, vont entraîner l’arrêt définitif de la construction du canal. Mais à sa grande stupéfaction, plus que jamais le peuple haïtien, finalement soutenu par le gouvernement de facto, reste ferme sur sa décision. Pour réaffirmer sa position, il lance un slogan KPK (Kanal la Pap Kanpe) qui veut dire en français que la construction du canal ne va pas s’arrêter.

Face aux menaces et aux sanctions infligées aux personnes engagées dans ce projet par la République dominicaine, les paysans.nes ont fait flèche de tout bois pour arriver à concrétiser ce projet. La population, soutenue par la diaspora, s’est mobilisée financièrement. Bon nombre d’entreprises locales, d’artistes, d’églises ont fait des dons. Le secteur vaudou, plusieurs personnalités et institutions ont apporté leur solidarité. Un projet a un pourvoyeur de fonds populaire.

Récompensée pour leur bravoure, leur détermination et fière de leur réalisation, la population paysanne de la plaine de Maribaroux voit rentrer de l’eau pour la première fois dans le canal. Le canal est une image positive envoyée vers l’extérieur, compte tenu de la situation chaotique que fait face le pays. Ça montre que, malgré l’adversité, on peut réaliser des choses extraordinaires tant qu’on reste uni. Bien qu’il reste encore des travaux à finaliser, mais le plus gros est terminé.

Pour en savoir plus :

Coalition des acteurs et actrices de la diaspora haïtienne, Haïti – Construction du canal : un geste de souveraineté et de dignité, 22 octobre 2023