Gotson Pierre, Altrepresse, 4 mars 2019
« La nuit est longue, mais notre rêve est encore plus long » : c’est par ces mots que les militants de la Coordination régionale des organisations du Sud-est (Crose) ont renouvelé, le samedi 2 mars, leur engagement à poursuivre le combat « contre la domination, la corruption et l’injustice sociale » que menait l’ancien ministre et agronome Gérald Mathurin, fondateur du mouvement.
La Crose a organisé à Meyer, en banlieue de Jacmel, une cérémonie d’hommage à Gérald Mathurin, à la veille du premier anniversaire du décès, le 3 mars 2018, de l’ancien homme politique et dirigeant du mouvement social, à l’âge de 64 ans, des suites d’un Accident vasculo-cérébral (Avc).
Unité
En présence d’environ 150 personnes venant de plusieurs régions du pays, les dirigeants de Crose ont encouragé l’unité au sein des organisations progressistes, un des voeux que chérissait le disparu, en vue du progrès de la société, selon le coordonnateur intérimaire, l’ingénieur-agronome Pitchon Espady.
« Nous cherchons notre route, le pays est entravé », a dit le dirigeant Merès Jean-Charles, dans une invocation de Gérald Mathurin, à qui il a demandé « plus de force et de détermination » pour faire avancer la lutte.
Dans la conjoncture actuelle, « l’unité est l’unique alternative », a-t-il martelé face à l’assemblée debout, à l’issue d’une procession de 65 bougies, symbolisant les 65 ans qu’aurait eu Gérald Mathurin, né en septembre 1953.
La question de l’unité des organisations progressistes a dominé une conférence préalablement organisée autour de la vie et du combat de l’ancien dirigeant politique et social. Le panel a été constitué de l’ancien sénateur des Nippes, William Jeanty, du coordonnateur du Mouvement patriotique démocratique et populaire (Mpdp, une coalition d’organisations) et de la coordonnatrice de l’organisation féministe Fanm deside (Femmes déterminées).
Jeanty a annoncé que des pourparlers étaient en cours depuis plusieurs semaines pour parvenir à la mise en place d’un front d’organisations politiques progressistes. Il a fait part de la nécessité d’un « leadership collectif » pour affronter la crise que traverse le pays. Il a annoncé que des efforts unitaires sont en cours pour parvenir a la creation d’un « instrument approprié ».
A cause des problèmes méthodologiques et des divergences, il est difficile de « marcher ensemble », a expliqué Ernst Mathurin. A la veille de sa mort, « Gérald avait demandé à plusieurs dirigeants progressistes de s’unir, car, dans les conditions présentes, il n’y a rien que nous puissions faire seuls ».
Pour que les démarches unitaires aboutissent, il ne faut pas qu’elles soient laissées uniquement aux dirigeants et dirigeantes des organisations, car « la base doit exercer des pressions », a-t-il mis en garde. L’unité ne doit pas être « le monopole des dirigeants et dirigeantes », a-t-il insisté.
Marie-Ange Noël s’est montrée très critique contre les pratiques de sectarisme au sein des milieux progressistes. Elle a souhaité que l’unité dont il est question ne soit pas simplement conjoncturelle, électoraliste, et qu’un leadership éclairé se construise au delà des ambitions de pouvoir.
Se ressourcer dans « l’esprit de Gérald »
Intervenant à l’issue de la soirée, suite à des prestations culturelles, le député Kétel Jean-Philippe, de l’Organisation du peuple en lutte (Opl), a exprimé son inquiétude face à la situation générale du pays qui se trouve sur une mauvaise pente. « Rien ne marche, toutes les institutions sont bloquées et la population est désespérée », a-t-il relevé.
Il a invité à se ressourcer dans « l’esprit de Gérald » et à prendre les voies et moyens pour que le pays puisse connaitre des jours meilleurs et que ses fils et filles aient une meilleure vie. « Beaucoup de combats sont à mener contre l’État en place, contre l’exploitation (‘boujwazi peze souse’) et les mauvaises pratiques politiques… Il faut non seulement changer de système, mais aussi changer de mentalité ».
La Crose est une des principales coordinations alliées de l’Opl depuis 2009. A deux reprises, en 2015 et 2016, Mathurin s’était porté candidat au sénat sous la bannière de l’Opl pour le Sud-Est, et sa candidature n’a pas été agréée par les Conseils électoraux de ces deux périodes faute de décharge de sa gestion comme ministre.
Suivant des informations, la documentation partielle ou totale concernant la gestion de Mathurin aurait disparu dans le tremblement de terre de 2010 qui a gravement affecté le local du ministère de l’agriculture.
Gérald Mathurin – dont une rue de Jacmel porte le nom, à partir du 3 mars – a été ministre de l’agriculture durant 7 mois, du 6 mars 1996 au 25 octobre 1997.
Le mouvement qu’il a fondé, la Crose, fait partie de la plateforme “Je nan Je” (Les yeux dans les yeux), une alliance d’organisations paysannes de plusieurs régions du pays. [gp apr 03/03/2019 17:00]