Amnistie Internationale, Rapport sur le Honduras 2017-18
Un vaste mouvement de contestation, qui a débuté le 29 novembre 2017 dans tout le pays pour dénoncer le manque de transparence de l’élection présidentielle, a été violemment réprimé par les forces de sécurité. Plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées ou placées en détention, et un couvre-feu a été imposé en décembre pour une durée de 10 jours. Les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive, y compris au moyen d’armes létales, à l’encontre des manifestants. Au moins 31 personnes ont été tuées et, selon les informations reçues, beaucoup d’autres ont été blessées par arme à feu ou passées à tabac par les forces de sécurité. Des cas qui pourraient s’apparenter à de la torture et à d’autres traitements cruels, inhumains et dégradants ont également été signalés.
Défenseures et défenseurs des droits humains
Les défenseurs des droits humains, en particulier les militants des droits environnementaux et fonciers, étaient toujours exposés à des violations de leurs droits. Ils ont été la cible de campagnes de dénigrement organisées à la fois par des acteurs étatiques et non étatiques pour discréditer leur travail, et les actes d’intimidation, les menaces et les agressions à leur encontre étaient monnaie courante. En juin, trois membres du Conseil civique d’organisations populaires et indigènes du Honduras (COPINH) ont été attaqués par des assaillants armés alors qu’ils rentraient en voiture d’une réunion. D’après des ONG locales, les autorités ont de nouveau fait un usage abusif du système judiciaire pour harceler et décourager les défenseurs des droits humains. D’autres informations ont fait état d’une force excessive et injustifiée employée par les forces de sécurité au cours de manifestations pacifiques.
La grande majorité des agressions contre les défenseurs des droits humains signalées aux autorités demeuraient impunies en raison de multiples obstacles rencontrés lors des enquêtes et des procès. L’enquête sur l’assassinat en mars 2016 de Berta Cáceres, défenseure indigène de l’environnement et cofondatrice du COPINH, a peu progressé. Les auditions publiques de huit suspects arrêtés dans le cadre de cette affaire ont été reportées à plusieurs reprises. Des experts indépendants ont dénoncé le manque de diligence dans cette enquête, notamment l’absence de poursuites contre d’autres personnes potentiellement impliquées dans l’homicide de cette femme. Aucune information n’a été communiquée sur les progrès qu’aurait pu faire le procureur général pour identifier les responsables de cet assassinat.
En dépit de quelques avancées, comme la mise en place du Mécanisme national de protection des défenseurs des droits humains, des journalistes, des commentateurs et des fonctionnaires de justice, les efforts déployés pour garantir la protection intégrale des défenseurs des droits humains demeuraient insuffisants.
Les nouvelles dispositions du Code pénal sur le terrorisme et les infractions connexes approuvées par le Congrès en février et en septembre ont été formulées de manière vague et excessivement large, en violation du principe de légalité. Elles risquaient de se traduire par une application arbitraire et inadéquate du Code pénal contre les manifestants pacifiques et les défenseurs des droits humains, avec pour conséquence possible une répression toujours plus forte du travail de ces derniers et une entrave aux mouvements sociaux.
Droits des peuples autochtones
Cette année encore, plusieurs communautés indigènes ont affirmé que leur droit d’être consultées afin de pouvoir donner un consentement préalable, libre et éclairé avait été violé dans le cadre de projets d’exploration et d’exploitation de ressources naturelles sur leurs territoires. Selon certaines sources, des personnes qui défendaient ces communautés ont été tuées ou agressées. L’appareil judiciaire aurait également été utilisé de manière abusive à leur encontre.
Le projet de loi-cadre sur la consultation préalable, libre et éclairée des peuples indigènes a été critiqué, en raison notamment de la participation insuffisante au processus des populations indigènes et garifunas (d’origine africaine).
Le Honduras n’avait toujours pas appliqué les mesures de réparation ordonnées en 2015 par la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans deux affaires où elle avait jugé que l’État hondurien avait enfreint les droits fonciers collectifs des communautés garifunas.
Conflits fonciers
En l’absence d’un régime foncier sûr, les conflits persistaient. Un grand nombre de violences ont été signalées dans la vallée de l’Aguán, où des litiges fonciers de longue date n’étaient toujours pas résolus. D’après le Mouvement paysan unifié de l’Aguán, les mesures conservatoires ordonnées par la Commission interaméricaine des droits de l’homme pour protéger la vie et l’intégrité des dirigeants paysans de la vallée de l’Aguán n’ont pas été correctement appliquées.
Violences liées au genre
Les femmes, les filles et les personnes LGBTI subissaient toujours de multiples violences liées au genre. Entre janvier et octobre, 236 morts violentes de femmes ont été recensées par le Centre des droits des femmes. Selon le Réseau lesbien Cattrachas, le nombre de personnes LGBTI assassinées a également augmenté, avec au total 35 victimes. L’impunité demeurait souvent la règle, les autorités ne disposant pas des capacités et des ressources nécessaires pour enquêter sur ces meurtres, engager des poursuites contre leurs auteurs présumés et, le cas échéant, les sanctionner.
Droits sexuels et reproductifs
Les droits des femmes et des filles n’étaient toujours pas protégés, et l’accès à un avortement sûr et légal en toutes circonstances n’était toujours pas garanti. En dépit des recommandations d’organes et de mécanismes internationaux de défense des droits humains, le Congrès a décidé en avril de maintenir dans le nouveau Code pénal l’interdiction de l’avortement en toutes circonstances.
Personnes réfugiées ou demandeuses d’asile
Les violences généralisées dans tout le pays demeuraient un facteur décisif de l’émigration forcée. D’après les chiffres du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), entre janvier et juin, 14 735 Honduriens ont demandé l’asile dans d’autres pays, principalement au Mexique et aux États-Unis. Cependant, nombre d’entre eux ont cette année encore été renvoyés de force depuis ces pays, se retrouvant dans la même situation que celle qu’ils avaient été contraints de fuir pour sauver leur vie. Il n’existait pas au Honduras de protocole ni de mécanisme complet permettant d’identifier les besoins de protection de ces personnes et d’y répondre de manière systématique.