Collé sur un poteau à l'Université de Harvard, « Résistez à F-Elon Trump à l'Université de Harvard » @ Chad Davis from Minneapolis, États-Unis, CC BY 2.0 via wikicommons
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Isabel Cortés, correspondante

Dans un affrontement dramatique entre l’indépendance académique et les abus gouvernementaux, une juge fédérale de Boston a émis, vendredi le 23 mai 2025, une ordonnance de restriction temporaire bloquant la tentative de l’administration Trump de priver l’Université Harvard de sa capacité d’inscrire des étudiant.es étranger.ères. Les universités d’Hong Kong mettent en place des mesures pour les accueillir.

La suspension de la menace de Trump à Harvard, rendue par la juge Allison D. Burroughs, met un frein à la révocation de la certification de Harvard, qui aurait empêché l’université de délivrer des visas F et J pour l’année académique 2025-2026. Ce jugement marque un moment charnière dans un différend qui s’intensifie et soulève des questions cruciales sur la liberté académique, la diversité et le rôle mondial de l’enseignement supérieur américain.

Une manœuvre soudaine et controversée

L’initiative de l’administration Trump, annoncée par une lettre de la secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, le jeudi 22 mai 2025, invoquait un prétendu non-respect par Harvard d’une demande de dossiers d’étudiant.es pour justifier la révocation de sa certification. La lettre mentionnait également des plaintes non liées, notamment des accusations de « coordination avec le Parti communiste chinois » et de promotion de l’« antisémitisme » en raison de manifestations sur le campus contre les actions militaires d’Israël à Gaza. Ces allégations, que Harvard rejette catégoriquement, ont été dénoncées comme étant motivées par des considérations politiques et dépourvues de fondement juridique.

La direction de Harvard, sous la présidence d’Alan Garber, a rapidement condamné cette révocation comme étant « illégale et injustifiée », soutenant qu’elle constitue une attaque directe contre l’autonomie de l’université. Dans un communiqué adressé à la communauté de Harvard, Garber a affirmé que l’université avait répondu à toutes les demandes de dossiers exigées par la loi. Il a qualifié l’action de l’administration de « représailles » face au refus de Harvard de céder le contrôle de son programme d’études, de son corps professoral et de sa population étudiante, avertissant que cette mesure met en péril l’avenir de milliers d’étudiant.es et d’universitaires.

La riposte juridique de Harvard a été immédiate. Vendredi matin, l’université a déposé une poursuite alléguant que l’action de l’administration Trump violait le premier amendement, la clause du droit à un procès équitable et la Loi sur la procédure administrative. Peu après, une requête pour une ordonnance de restriction temporaire a été présentée, arguant que la révocation causerait un « préjudice irréparable » à l’université et à sa communauté internationale. Le jugement de la juge Burroughs pave maintenant la voie à une audience prévue pour le jeudi 29 mai 2025, qui déterminera si l’ordonnance sera prolongée.

Les étudiant.es ciblé.es, provenant de plus de 140 pays et représentant environ 25 % de la population étudiante, se trouvent au cœur de ce conflit. L’ordonnance de l’administration forcerait les étudiant.es actuel.les détenant des visas à se transférer dans d’autres établissements pour maintenir leur statut légal, ce qui perturberait leurs études et leur vie. Pour plusieurs, cette nouvelle a été un coup dévastateur.

La réponse audacieuse de Hong Kong

Alors que Harvard lutte pour protéger sa communauté, un allié inattendu s’est manifesté pour les étudiant.es : Hong Kong. Vendredi, l’Université des sciences et technologies de Hong Kong (HKUST) a annoncé qu’elle accueillera « sans condition » les étudiant.es de Harvard, y compris ceux et celles déjà inscrit.es ou admis.es pour 2025-2026. Au moins quatre autres universités de Hong Kong ont emboîté le pas, saisissant l’occasion d’attirer des talents mondiaux face aux restrictions américaines.

Le recteur de la HKUST, le professeur Guo Yike, a présenté cette initiative comme un engagement envers la diversité et l’excellence. « Le paysage académique mondial est en mutation, et nous sommes prêts à accueillir les étudiant.es dans notre communauté multiculturelle dynamique », a-t-il déclaré. L’université a simplifié les admissions, offrant des transferts de crédits accélérés, une assistance pour les visas et un soutien pour le logement afin d’assurer une transition fluide.

Cette offre reflète l’ambition plus large de Hong Kong de se positionner comme un pôle mondial pour l’éducation et l’innovation.

Une menace pour l’enseignement supérieur américain

Les enjeux sont considérables. Ces 6 700 étudiant.es injectent des milliards de dollars dans l’économie américaine et stimulent l’innovation dans des domaines allant de la technologie à la médecine. Un rapport de 2024 de l’Institut d’éducation internationale a révélé que ces étudiant.es ont contribué à hauteur de 40,1 milliards de dollars à l’économie américaine en 2022-2023, soutenant plus de 368 000 emplois. Au-delà de l’économie, leur présence enrichit les campus grâce à des perspectives diversifiées, favorisant une collaboration interculturelle essentielle pour relever les défis mondiaux.

Alors que Harvard se prépare pour l’audience de la semaine prochaine, l’université reste inébranlable. Le message du président Garber aux étudiant.es et universitaires provenant de l’étranger était clair : « Vous êtes nos collègues, nos mentors et nos ami.es. Grâce à vous, notre pays et notre monde sont plus éclairés et résilients. » Il a promis d’épuiser toutes les voies juridiques pour qu’Harvard demeure « ouverte au monde ».

L’issue de cette bataille juridique aura des répercussions bien au-delà d’Harvard. Elle façonnera l’avenir de la liberté académique, la compétitivité mondiale des universités américaines et les rêves de milliers d’étudiant.es qui considèrent les États-Unis comme un phare d’opportunités. Pour l’instant, la communauté internationale de Harvard attend, avec l’espoir que les tribunaux confirmeront leur place dans l’institution — et la nation — qu’ils appellent leur chez-soi.

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Isabel Cortés
Isabel Cortés est journaliste colombienne avec plus de 14 ans d’expérience en journalisme d’investigation et en conseil pour les publications scientifiques. Son parcours s’est concentré sur la défense de la liberté de la presse, des droits humains et la promotion d’un journalisme indépendant et à impact social. Jusqu’en 2023, elle a occupé le poste de Directrice numérique de la Corporation des Journalistes du Valle del Cauca en Colombie, où elle a dirigé des stratégies visant à renforcer la profession journalistique et à promouvoir un environnement informationnel plus juste, libre et sécurisé pour les journalistes et celles et ceux qui défendent les droits humains.