Gustave Massiah, collaboration spéciale
Un renouveau du mouvement altermondialiste
D’après les réactions des participantes et des participants, le Conseil international (CI) du Forum Social mondial (FSM), à Cotonou, du 28 au 30 juillet 2025, s’est très bien passé. C’est une très bonne nouvelle, elle confirme que, même si les FSM doivent être renouvelés, et réinventés, ils continuent à jouer un rôle important. C’est le dernier espace international encore actif des mouvements progressistes encore actif. On a pu noter la participation active du noyau du CI toujours présent et sa volonté de renouvellement.
Depuis le FSM de Katmandou, au Népal, en février 2024 et la préparation du prochain FSM, du 4 au 6 août 2026, à Cotonou, on peut noter des moments forts dans toutes les grandes régions. En Afrique, 167 organisations ont participé au Forum Social Ouest Africain de Dakar en 2025. Le FSM Asie Pacifique est prévu pour octobre 2025. Un Sommet des peuples est en préparation en parallèle à la COP 30 sur les changements climatiques est en préparation et aura lieu à Belém, au sein de l’Amazonie, en novembre 2025. En Asie, le 12e South South Forum on sustainability commence le 12 août 2025, au Chinese Institute of Hong Kong, organisé par Lau Kin Chi et Jade Tsui Sit. En Amérique, outre le Forum social mondial des intersections qui a eu lieu à Montréal en mai dernier, un FSM sur les économies transformatrices s’est tenu en novembre 2024 à Cali en colombiew, en parallèle à la COP 16 sur la biodiversité. En Europe, l’Université des mouvements sociaux aura lieu à Bordeaux, en août 2025 et les rencontres du CADTM à Bruxelles le 10 octobre 2025.
Le mouvement des forums sociaux mondiaux a réussi à unifier deux des trois générations militantes actuellement actives. La première génération, celle des soixante à quatre-vingts ans, est aujourd’hui sur le départ. Elle transmet sa culture, la décolonisation et les «mai 68» dans le monde. La deuxième génération, de quarante à soixante ans, est maquée par la montée du féminisme. On y retrouve les mouvements sociaux, notamment syndicaux, ouvrier et paysan, mais avec une prise de distance par rapport aux partis politiques. On y retrouve les mouvements féministes, écologistes, antiracistes, de migrants, urbains, culturels. La troisième génération après la crise profonde du socialisme, après 1989, doit construire une nouvelle culture politique. Elle est confrontée au changement social, avec le numérique et l’intelligence artificielle, à l’offensive de l’extrême droite, et à une réaction violente du masculinisme. Elle construit des réponses dans le local, l’écologie, l’antiracisme et la recherche d’une nouvelle théorie du changement qui nécessite une redéfinition profonde du marxisme.
Une situation internationale contradictoire et dangereuse
La situation internationale est très préoccupante. Elle est contradictoire et dangereuse. L’extrême droite est à l’offensive dans de nombreuses régions du monde. Les guerres se multiplient. Le génocide à Gaza et les colonies en Palestine sont ouvertement menés par Israël avec le soutien des États-Unis et la lâche acceptation de l’Europe. Le Moyen-Orient est en décomposition. La Russie, qui n’est plus, faut-il le rappeler, l’URSS, poursuit son invasion de l’Ukraine et son affrontement avec l’OTAN.
La décolonisation n’est pas terminée. Il reste encore 23 colonies identifiées par le comité des Nations Unies pour la décolonisation. Pour l’ensemble des pays du Sud, la deuxième phase de la décolonisation a commencé. Elle met en question les rapports de subordination qui caractérisent l’ordre international. Mais, comme le définit Kavita Krishnan, la multipolarité s’est traduite par la montée de l’autoritarisme et la mise en question de la démocratie et des institutions internationales. La démocratie perd de sa crédibilité si elle se réfère à un modèle représenté par les États Unis et Europe.
L’élection de Trump aux États-Unis révèle l’ampleur de la crise des États-Unis et de la situation mondiale. Trump démontre la nature des rapports de force actuels et la place prédominante des États-Unis. Mais il démontre aussi l’importance des contradictions. Il souligne la montée en puissance de la Chine qu’il définit comme le principal concurrent et adversaire des États-Unis.
La montée de l’extrême droite n’est pas étonnante. Elle était présente dans chaque crise structurelle du mode de production capitaliste. C’était le cas avec les crises financières; celles de 1873 (1873 à 1886), de 1929 (1914 à 1945), de 1973 (1973 à 1985), de 2008. Chaque crise financière marque une rupture; elle est le point d’orgue d’une période de crise de plusieurs années. Toutes ces crises ont commencé avec une montée de l’extrême droite, suivie par des mouvements populaires puis par une nouvelle phase du mode de production capitaliste. La crise de 1929 avec ses deux guerres mondiales et sa crise financière en est un exemple. Les issues de ces crises, et des guerres qui les accompagnent ne sont pas prédéterminées.
La redéfinition de l’internationalisme et de l’altermondialisme
La période actuelle est celle d’une redéfinition de l’internationalisme correspondant à une nouvelle phase de la mondialisation du mode de production capitaliste. Dans cette nouvelle période, l’altermondialisme a caractérisé la nouvelle phase de l’internationalisme.
L’internationalisme s’est formalisé, en réponse à l’évolution du capitalisme, dès la crise financière de 1873, avec la création de la 1re Internationale en 1864 et La Commune de Paris, en 1871. L’altermondialisme le prolonge et le renouvelle avec la formalisation des forums sociaux mondiaux qui en marque une première étape. L’altermondialisme est la nouvelle forme de l’internationalisme. Il complète les formes d’organisations, notamment les partis politiques qui avaient défini les premières internationales. Il s’appuie sur les mouvements sociaux, mondiaux, nationaux, locaux. Il prolonge les mouvements sociaux, politiques et idéologiques; les mouvements sociaux de travailleuses et travailleurs, notamment ouvriers et paysans, et aussi les mouvements féministes, antiracistes, écologistes, de soutien aux migrants; les mouvements urbains et les mouvements pour les retraites, la santé, l’éducation, les cultures… Avec la crise des formes d’États-nations, l’altermondialisme a montré l’importance des mouvements dans une démarche à l’échelle du monde. Il est porteur aujourd’hui des nouvelles réflexions et de nouvelles approches sur les États-nations. Il interroge le nationalisme, son intérêt et ses limites.
Voir aussi l’entrevue de Gus Massiah avec Catherine Tricot dans la Revue Regards (6-02-2025), sous le titre «L’avenir sera contradictoire».