L’internationalisme est un mouvement politique et un courant de pensée qui se prolonge dans certaines conceptions du mouvement altermondialiste. Il oppose les intérêts communs de l’Humanité à des affronte-ments entre les États et propose la perspective d’un régime international dépassant les États et leurs frontières.
La première internationale, créée en 1864, joue un rôle essentiel dans la définition et la structuration du mouvement ouvrier et dans son affirmation comme mouvement social stratégique de la période qui s’ouvre. L’internationalisme ouvrier ou prolétarien cherche d’abord à construire la solidarité internationale entre les prolétaires (ouvrier·es, paysannes, employé·es, salarié·es, précaires, chômeur·ses, etc.). Il s’appuie sur une analyse des classes sociales et ambitionne de construire le prolétariat mondial en tant qu’acteur politique conscient et organisé. La lutte des classes ne se réduit pas à l’affrontement entre la classe ouvrière et la bourgeoisie : la prolétarisation touche aujourd’hui toutes les couches sociales qui ne sont pas dominantes. Les alliances de classes internationalistes mettent en avant l’idée que le prolétariat, dans sa lutte pour son émancipation, doit être porteur de l’émancipation de toutes les sociétés et de la société mondiale.
L’internationalisme a également joué un rôle déterminant dans la décolonisation en construisant l’alliance entre les mouvements de libération nationale et les mouvements ouvriers : le nationalisme en tant qu’idéologie n’épuise donc pas la permanence et les mutations de la question nationale. Dans l’histoire de l’internationalisme, le débat a été fréquent sur la différence entre nationalisme et patriotisme, comme l’a illustré Jaurès. « La bourgeoisie est cosmopolite et nationaliste, la classe ouvrière est internationaliste et patriote », clamait un ancien adage. L’intérêt national brandi par les États cherche surtout à effacer les conflits de classe au profit des intérêts des classes dominantes, bourgeoisies nationales ou internationales. L’internationalisme remet en avant l’importance des luttes de classes et de leur dimension internationale.
La mondialisation que nous connaissons est capitaliste depuis ses débuts, et le capitalisme est mondial dès son début. Aujourd’hui, on vérifie que la nouvelle phase de la mondialisation capitaliste, le néolibéralisme, confronté à sa crise sociale, écologique, géopolitique a engagé un tournant « austéritaire », combinant austérité et autoritarisme, entraînant la multiplication des violences et des conflits. En parallèle, presque en réponse à ce capitalisme mondial sauvage, on assiste à la montée des idéologies nationalistes, xénophobes, sécuritaires avec les migrant·es comme boucs émissaires : face à cela, l’altermondialisme oppose une approche internationaliste, qui garde en tête l’importance d’une révolution mondiale.
L’internationalisme s’oppose à la prétention du nationalisme de subordonner toutes les formes d’identité à l’identité nationale. Il lui a opposé, au départ, l’importance et même la primauté des classes sociales. Mais avec le temps, il lui a fallu admettre que les questions posées par les collectivités, les communautés, les sentiments d’appartenance ont leur importance et ne se résument pas à la structuration des classes sociales, même si celles-ci peuvent être déterminantes. À la fin du XXe siècle, différentes luttes (féministes, LGBT, écologistes, antiracistes, décoloniales) ont mis l’accent sur l’intersectionnalité, qui met en avant la relation entre les différenciations sociales, le sexisme et le racisme. Nous rentrons donc dans une nouvelle période, qui exige la réinvention de l’internationalisme, c’est-à-dire la prise en compte de nombreuses questions, parfois anciennes, mais qui rencontrent de nouvelles ruptures et ouvrent de nouveaux horizons.
Les évènements concrets de l’Histoire s’inscrivent dans des courants de pensées, s’en inspirent et s’en revendiquent. La première internationale est indissociable de la Commune de Paris en 1871, mais aussi du municipalisme révolutionnaire de Petrograd en 1917, Hambourg en 1923, Barcelone en 1937. Les résistances à la mondialisation capitaliste se réfèrent au cadre national et accentuent la contradiction des États, à la fois subordonnés au capitalisme financier et moyen aujourd’hui privilégié pour s’y opposer. La mondialisation se réorganise en fonction des grandes régions géo-culturelles. Les frontières ne délimitent pas seulement les États : elles différencient des espaces régionaux plus larges. La notion même de frontière doit être interrogée, car à travers ces espaces, elle s’applique aussi à des communautés, à des groupes. Enfin si les frontières séparent elles sont aussi des lieux d’échange. Le choix est donc politique : murer les frontières pour les rendre imperméables ou abattre ces murs pour construire des ponts.
L’internationalisme se prolonge dans la solidarité internationale. Le droit international peut ambitionner de réinventer la souveraineté à partir des droits des peuples. La solidarité internationale remet en avant la notion du peuple, défini à partir de l’histoire de ses luttes, dans l’ensemble complexe formé par les classes, les peuples, les nations et les États. La solidarité internationale combine plusieurs approches : solidarité entre les peuples opprimés par rapport à une situation imposée par les puissances dominantes, solidarité entre tous les peuples par rapport à un projet de dépassement du système dominant, solidarité dans les luttes et dans l’invention d’un nouvel internationalisme à l’ère de mondialisation.