Une équipe de défense des droits humains à Medellin en Colombie, qui tente de dialoguer avec la brigade mobile anti-émeute (ESMAD) pour qu'elle garantisse le droit de manifester et que personne ne soit blessée dans les affrontements dans le cadre de la grève nationale colombienne qui a débuté le 28 avril 2021 @ crédit photo Humano Salvaje, CC BY-SA 2.0 via Wikicommons.

Isabel Cortés, collaboratrice

L’intervention de la Pocureure générale de Colombie, Luz Adriana Camargo, a résonné avec force : «La Colombie est le pays le plus dangereux au monde pour défendre les droits humains». Cette déclaration, faite le 14 février 2025 lors de la présentation d’un rapport sur la situation des personnes qui défendent les droits humains, ne fait pas que refléter une crise persistante : elle met en évidence le danger quotidien auquel sont confronté.es celles et ceux qui luttent pour la justice et l’équité dans le pays. Ce rapport, présenté lors d’un événement public par la procureure générale, répond à un mandat demandé par la Cour constitutionnelle du pays.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon les données recueillies, entre janvier 2016 et décembre 2024, au moins 1 372 sociaux ont été assassiné.es en Colombie. Mais Madame Camargo elle-même prévient que ce chiffre pourrait être encore plus élevé, en raison des difficultés à déterminer qui est officiellement considéré comme personne en défense des droits humains.

Luz Adriana Camargo lors de la conférence de presse @ Domaine public
– Gouvernement colombien 2025

Du point des enquêtes du réseau international Front Line Defenders, les chiffres sont tout aussi alarmants. Selon leur rapport 2024, la Colombie demeure le pays le plus mortel au monde pour les militant.es. En 2023, sur 300 assassiné.es dans au moins 28 pays, 142 étaient colombiens, soit 48 % du total mondial. Un an auparavant, en 2022, le chiffre était encore plus élevé, avec 186 cas signalés.

Derrière ces chiffres, il y a des vies fauchées, des familles dévastées et des communautés qui continuent à lutter dans la peur. La procureure générale a reconnu qu’il existe de graves problèmes dans l’enquête et la judiciarisation de ces crimes. Du manque d’accès à la justice à l’impossibilité d’atteindre certaines régions sous le contrôle de groupes armés illégaux, les obstacles sont immenses et ont permis à l’impunité de rester la norme.

Dans de nombreuses régions rurales, où la violence contre les leaders sociaux est la plus intense, l’État est toujours absent. Les groupes armés imposent leur loi, et celles et ceux qui défendent les droits humains deviennent des cibles simplement pour avoir osé prendre la parole. L’absence de garanties et la peur des représailles ont fait de la dénonciation un acte d’un courage extrême.

«C’est une catastrophe qui ne peut plus continuer», a déclaré Madame Camargo, insistant sur le fait que leur protection doit devenir une «priorité nationale». Selon elle, sans une action efficace de l’État, la démocratie et la justice continueront d’être en péril.

Un début d’année marqué par la violence

L’année 2025 n’a pas commencé sous de bons auspices. Selon l’Institut d’études pour le développement et la paix (Indepaz), depuis le début de l’année, au moins 22 personnes militantes des mouvements sociaux ont été assassinées. Parmi elles, Leonardo Samir Montero Paz, un dirigeant autochtone nasa, tué le 9 février dans une zone rurale de Puerto Asís, Putumayo.

Chaque nouvel assassinat confirme ce que les chiffres annonçaient déjà : la situation demeure critique. Les voix qui défendent les droits humains en Colombie font face à une menace constante, et tant qu’il n’y aura pas de réponse ferme de l’État, le risque que cette crise s’aggrave reste présent.

La communauté internationale et aussi celle de Colombie ont un rôle essentiel à jouer pour exiger des mesures urgentes et efficaces. La vie de celles et ceux qui luttent pour un pays plus juste en dépend.

Pour prendre connaissance de la diffusion du rapport :

 

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Isabel Cortés
Isabel Cortés est journaliste colombienne avec plus de 14 ans d’expérience en journalisme d’investigation et en conseil pour les publications scientifiques. Son parcours s’est concentré sur la défense de la liberté de la presse, des droits humains et la promotion d’un journalisme indépendant et à impact social. Jusqu’en 2023, elle a occupé le poste de Directrice numérique de la Corporation des Journalistes du Valle del Cauca en Colombie, où elle a dirigé des stratégies visant à renforcer la profession journalistique et à promouvoir un environnement informationnel plus juste, libre et sécurisé pour les journalistes et celles et ceux qui défendent les droits humains.