Sabine Bahi, correspondante en stage et membre de la délégation de LOJIQ à la COP16
La COP16 a été renommée la « COP des peuples » pour mettre de l’avant la présence de groupes critiques : les communautés autochtones et locales, notamment venant de l’Amazonie. Cette COP proposait de propulser le rôle de ces populations dans le processus de création d’une réelle paix avec la nature, bien que leur représentation dans le cadre des négociations demeure loin d’être juste.
Plus de 20 000 personnes ont assisté à la COP16 sur la biodiversité, du 21 octobre au 1er novembre à Cali, en Colombie. Parmi les nombreuses délégations d’États, d’organisations non gouvernementales, de chercheur.ses et de jeunes qui ont animé les zones bleue et verte de l’événement, les communautés autochtones et locales ont occupé une place prééminente à l’agenda.
Pour engager un dialogue international sur la biodiversité, il est crucial d’impliquer les revendications des populations autochtones et locales qui habitent et protègent les territoires abritant les plus hauts taux de biodiversité de la planète. En luttant sur tous les fronts, autant dans le cadre d’activités et manifestations qu’au sein des négociations, ces groupes ont rendu visibles les enjeux qui menacent la biodiversité sur leurs territoires ainsi que leurs droits fondamentaux.
Quelques victoires pour les communautés autochtones et locales
À l’issue des négociations de la COP16, les communautés autochtones et locales, en Colombie comme à l’international, ont obtenu des gains significatifs. Après avoir donné le feu vert à la création d’un programme de travail relatif à l’article 8 j) de la Convention sur la diversité biologique (CDB), les Parties ont approuvé la création d’un organe subsidiaire permanent.
Sujet à de longues heures de négociations du début à la fin de la COP16, l’article 8 j) prévoit des dispositions quant aux connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales dans la protection et la conservation de la biodiversité. Le nouvel organe créé permettra la participation pleine et effective des communautés autochtones et locales dans les travaux liés à la CDB.
Les communautés du Putumayo contre l’extractivisme
Parmi les mobilisations ayant eu lieu à la COP16, le groupe Acción Comunal du département de Putumayo a dénoncé les activités extractives d’une entreprise canadienne sur son territoire. Dès les premiers jours, cinq militantes sociales représentant le Putumayo, porte d’entrée de l’Amazonie andine en Colombie, ont su que la compagnie canadienne Libero Copper allait donner une conférence à zone verte de la COP. Selon Sirley Cely, représentante de Acción Comunal, cette compagnie minière convoite activement le cuivre, l’or, l’argent, l’esmeralda et d’autres minéraux sur leur territoire.
La zone ciblée représente un point de récolte d’eau pour les populations locales et donne naissance à plusieurs rivières qui alimentent le fleuve Amazone. Les activités menées par Libero Copper menacent ainsi la qualité de l’eau qui est à la fois consommée par la population du territoire et qui chemine en Amazonie.
Le gouvernement antérieur a octroyé quatre titres d’exploration minière à la compagnie canadienne dans les montagnes de Mocoa, capitale du département de Putumayo. Plus de 30 titres d’exploration et d’exploitation minières ont été demandés lors des dernières années, car ce territoire est particulièrement riche en ressources naturelles, affirme Sirley Cely.
La problématique ne touche pas que cette région et s’inscrit dans un système global qui incite à ce jour les gouvernements à perpétrer des activités d’extraction affectant gravement la biodiversité. Les militantes du Putumayo se sont mobilisées pour empêcher la tenue de la conférence prévue. Celle-ci serait en contradiction avec les objectifs de protection et de conservation de la biodiversité qui sous-tendent l’événement. Le groupe demande également au gouvernement de Gustavo Petro, qui a présenté un programme d’organisation du territoire en fonction de l’eau, de protéger le territoire amazonien du Putumayo en suspendant et en retirant les titres octroyés pour les activités minières à Mocoa.
Les efforts du gouvernement colombien
Grâce aux actions posées par les représentant.es du groupe Acción Comunal sur le terrain, notamment en s’adressant directement à la présidente de la COP16 et ministre colombienne de l’Environnement et du Développement durable Susana Muhamad, la conférence de Libero Copper a été retirée de la programmation.
Questionnée sur les démarches mises en œuvre pour protéger la biodiversité colombienne et les communautés autochtones et locales qui la défendent, Susana Muhamad a mentionné la nouvelle loi sur les activités minières présentée par le gouvernement colombien cette année. Prévoyant une réforme du secteur minier dans l’ensemble du pays, cette loi modifierait notamment le cadre d’attribution des contrats miniers et introduirait des normes environnementales plus strictes dès le stade de la planification des activités. Si elle est prometteuse, la loi n’a pas encore été adoptée.
Muhamad a également souligné l’impact que pourrait avoir le décret 044 du ministère de l’Environnement de Colombie sur le portrait minier du pays. Celui-ci établirait des réserves de protection temporaire pour réglementer les activités ayant lieu dans certaines zones riches en ressources naturelles, dont la région de Putumayo. Des limites substantielles pourraient ainsi être imposées aux activités d’extraction autorisées. Ce décret est au cœur d’un débat majeur et porte comme premières dissidentes les compagnies minières.
La nécessité d’inclure les communautés autochtones et locales dans la protection de l’environnement
Les revendications des peuples autochtones et locales demeurent nombreuses au lendemain de la COP16. Lors de l’événement, les chefs autochtones des neuf pays portant la forêt amazonienne, dont le Brésil, la Colombie et le Pérou, ont créé le G9 de l’Amazonie autochtone. Cette coalition régionale inédite compte préparer un programme commun sur le climat et la biodiversité à présenter à la COP30 sur le climat, qui aura lieu en novembre 2025 à Belém, au Brésil.
En tant que gardien.nes de la forêt, en Amazonie et ailleurs, ces communautés réclament la reconnaissance de leur rôle prééminent dans la conservation et la protection de la biodiversité et la régulation du climat, autant en matière de savoirs que de prise d’action. Leur travail est extrêmement risqué et de nombreux assassinats de gardien.nes ont lieu chaque année à travers le monde. Une manifestation a d’ailleurs eu lieu à la zone bleue de la COP16 pour dénoncer cette réalité, qui affecte de manière disproportionnée les peuples autochtones.
Crédit photos: Sabine Bahi pour le journal