Graffiti décroissance pour notre salut sur un mur à Neuchâtel 2010 @@Martouf, CC0, via WikiCommons

Jérémy Bouchez 

Alors que nous terminons un quart de siècle, la planète fait face à de multiples crises d’une gravité sans précédent dans l’histoire de l’humanité. La situation préoccupe, à un point tel que de plus en plus de scientifiques, d’intellectuel∙les et de citoyen·nes prennent la parole pour dénoncer le modèle de société dominant et ses imaginaires. Puissamment ancré, ce modèle menace non seulement la vie sur la Terre telle que nous la connaissons, mais aussi notre espèce. 

Pour répondre à cela, les idées de la décroissance gagnent doucement (mais sûrement) les consciences en Occident. Cependant, elles font preuve encore d’une frilosité au sein d’un mouvement altermondialiste qui gagnerait pourtant à les intégrer et à les défendre.

L’idéologie altermondialiste a connu son apogée au début du 21e siècle en réponse au néolibéralisme qui se généralisait à l’échelle globale. Toutefois, dès le début des années 90, des mobilisations ont émergé. Plusieurs contre-mouvements et événements majeurs sont à noter, comme les manifestations de Seattle en 1999, l’organisation du premier Forum social mondial à Porto Alegre au Brésil en juillet 2001 et le rassemblement de Gênes, la même année. Même si les revendications et les luttes qui l’ont fondé sont toujours pertinentes, un nouvel altermondialisme est plus que d’actualité. Sur les plans économique et écologique, cela implique de fortement se distancer des « capes vertes » du capitalisme que sont le développement durable, le mythe de la croissance verte et l’économie circulaire qui, derrière beaucoup de promesses technojovialistes, ne remettent pas en cause le productivisme et l’extractivisme. De plus, un nouvel altermondialisme devra être foncièrement technocritique, pour ne pas tomber dans les pièges de la transition en mode capitaliste. Enfin, on peut observer un « climatocentrisme », dans le sens où la question climatique prend toute la place médiatique, éclipsant d’autres crises environnementales ou sociales comme la disparition accélérée du vivant ou le creusement des inégalités, qui hypothèquent tout autant la possibilité d’un futur viable.

Au Québec, même si elle petite, nous avons la chance d’avoir une des rares communautés de militant·es (Québec en croissance) et de chercheur·es (Polémos Décroissance) en lien avec la décroissance.  En ce qui concerne l’altermondialisme, là encore, la province peut se targuer d’avoir été à l’avant-garde du mouvement et possède encore une expertise, tant du point de vue du militantisme que de la recherche académique.

Ainsi, pour qu’un autre monde soit possible, il devient primordial de convaincre le plus grand nombre qu’un nouvel altermondialisme doit s’approprier de nouveaux imaginaires décroissantistes et qu’ils sont inévitables. Dès lors, la question est de savoir si nous voulons nous diriger vers des sociétés postcapitalistes de façon démocratique, équitable et en respect des peuples et du vivant ou, parce que nous aurons persisté à ignorer les lois immuables de la nature et de la physique, continuer à subir des changements qui seront indubitablement violents, surtout pour les générations futures qui paieront très lourdement la facture. La décroissance, c’est avant tout « produire moins, partager plus et décider ensemble ».

Or, il n’y a aucune raison pour que ces mots ne résonnent pas avec un altermondialisme renouvelé, à la hauteur des défis immenses devant nous, mais non insurmontables.


Jérémy Bouchez est employé d’Alternatives, communicateur scientifique et membre du comité scientifique de Polémos Décroissance.