Observatoire de la démocratie Brésilienne, Par
Communiqué du Forum permanent sur la population adulte sans abri de Rio de Janeiro
Avec la suspension du programme Rio de Janeiro Alimenta, 3 000 repas offerts quotidiennement, entre le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner, ne sont plus livrés à la population des rues et aux autres groupes en situation d’extrême vulnérabilité.
Le Forum permanent sur la population adulte sans-abri de Rio de Janeiro a participé, le 19 janvier, à une réunion organisée par le Ministère public de l’État de Rio de Janeiro, par l’intermédiaire du Centre de soutien opérationnel des promoteurs de la justice pour la citoyenneté (CAO Citoyenneté / MPRJ), du 7e Bureau du procureur de la protection collective de la défense de la citoyenneté de la capitale et de la Coordination générale de la promotion de la dignité de la personne humaine, afin d’aborder les questions liées à l’alimentation des personnes sans abri.
Le principal sujet abordé concernait l’interruption du programme RJ Alimenta, du gouvernement de l’État de Rio de Janeiro. Ce programme est une action d’urgence, créée en 2020, dont l’objectif est de fournir une assistance alimentaire aux personnes en situation d’insécurité alimentaire pendant la pandémie Covid-19. Les actions servent également les municipalités de Campos dos Goytacazes, Magé et Nova Iguaçu, mais dans la municipalité de Rio de Janeiro, où il y a un grand nombre de personnes sans abri, le programme a été suspendu par manque d’espace adéquat pour la distribution de nourriture.
Avec la suspension des actions, 3 000 repas offerts quotidiennement, entre le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner, ont cessé d’être livrés. Selon les responsables du programme, plusieurs lieux privés et publics du centre-ville de Rio ont été consultés, mais il n’y avait aucune autorisation pour la livraison de ces repas.
Le droit à une alimentation adéquate est garanti par la Déclaration universelle des droits de l’homme, par des traités internationaux et par la Constitution fédérale. Il est donc inimaginable que face à l’avancée de la faim et de la misère, aggravée par la pandémie de Covid-19, nous soyons encore confrontés à des obstacles qui empêchent la mise en place d’une assistance dans les lieux publics pour les personnes en situation d’extrême vulnérabilité sociale, sans parler du gaspillage des ressources publiques, démontrant ainsi un mépris total de la vie humaine.
Nier cela est un scandale et un crime contre la dignité de la personne humaine ; cela doit être éradiqué du monde. La faim n’est pas naturelle, elle ne peut pas être naturalisée et elle est parfaitement évitable. Nous diminuons donc notre propre humanité lorsqu’un autre être humain a faim.
Il convient de souligner que plusieurs restaurants populaires sont fermés et que leurs bâtiments ont été détériorés. Ils ont vocation à élargir l’offre de repas nutritionnellement adéquats à des prix abordables pour la population à faible revenu, socialement vulnérable et en situation d’insécurité alimentaire ainsi qu’à promouvoir une alimentation correcte et saine en valorisant des habitudes alimentaires régionales. La réouverture de ces installations dans les municipalités et leur expansion dans tout l’État de Rio de Janeiro sont des revendications déjà présentées et réitérées depuis des années par les mouvements sociaux, mais qui ne sont toujours pas satisfaites par le gouvernement, malgré les effets néfastes de la pandémie, en particulier chez les pauvres.
La population sans abri a été l’une des plus grandes victimes de la pandémie et, même avant, elle a déjà souffert de la criminalisation faite par une partie de la société et des secteurs plus riches, ainsi que des processus d’hygiénisation sociale promus par le pouvoir public, qui préfère maintenir ce segment social dans l’invisibilité plutôt que de discuter de politiques publiques efficaces pour la lutte contre l’extrême pauvreté et les inégalités socio-économiques. Il n’a pas été rare que cette population soit abandonnée à son propre sort, par les institutions mêmes chargées de défendre l’ordre juridique, le régime démocratique et les intérêts sociaux et individuels inaliénables.
Il y a plus de trois ans, la ville de Rio de Janeiro a approuvé une politique municipale destinée à ce segment de la population qui n’est pas pris en compte par les pouvoirs publics eux-mêmes. Cette politique a été établie par la loi ordinaire n° 6.350, du 4 août 2018, conformément au décret fédéral n° 7.053, du 23 décembre 2009, qui vise à assurer les droits sociaux de la population sans abri, en créant les conditions favorables à la garantie de leurs droits fondamentaux, leur autonomie, leur intégration et leur participation effective.
Les deux normes prévoient la création d’un Comité intersectoriel de suivi et de contrôle de la politique municipale en faveur des sans-abri, composé, à parité, de représentants de la société civile et du gouvernement, dont l’objectif est, entre autres compétences, d’élaborer des plans d’action périodiques détaillant les stratégies de mise en œuvre de cette politique et de proposer des mesures visant à garantir l’articulation intersectorielle des politiques publiques municipales pour la prise en charge de cette population.
Les espaces et les instruments institutionnels pour débattre des solutions existent, mais ils n’ont pas été officiellement mis en place, car ils se heurtent à l’indifférence et aux préjugés des gouvernements réfractaires aux secteurs les plus pauvres de la population, qui sont exclus de l’agenda gouvernemental et des processus décisionnels, et sont maintenus en marge de la société, emprisonnés par les chaînes de la misère et de la faim, et sans aucune perspective de vie digne.
Depuis plus de deux décennies, le Forum est un espace permanent de débat sur les politiques publiques et de lutte contre toutes les formes de violation des droits dont la population sans abri a historiquement fait l’objet, et continue de préconiser des solutions fondées sur le dialogue, la primauté des droits humains et des actions qui valorisent et promeuvent le rôle de ces personnes dans la réalisation de leurs propres droits et de leur citoyenneté.
Rio de Janeiro, le 20 janvier 2022