Amilcar Cabral
NDLR
En janvier 1973 il y a 45 ans, Amical Cabral était assassiné par des agents envoyés par le Portugal pour déstabiliser la lutte d’indépendance de la Guinée Bissau et du Cap Vert. Son parti, le PAIGC avait fait de petits miracles en libérant une partie du territoire contre une armée appuyée par les puissances impérialistes de l’OTAN. Cabral était aussi une personne qui cherchait à comprendre les mécanismes et les objectifs des luttes de libération nationale. Voici quelques extraits d’une recherche qu’il avait proposé à la première Conférence de la solidarité des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine (3-12 janvier 1966. La Havane).
Un dicton africain très répandu dans nos pays, où le feu est encore un instrument important et un ami perfide – ce qui prouve l’état de sous-développement que nous lègue le colonialisme – ce dicton avertit : » Quand ta case brûle, rien ne sert de battre le tam-tam. « Sur le plan tricontinental, cela veut dire que ce n’est pas en criant ni en proférant des injures contre l’impérialisme que nous allons parvenir à sa liquidation. Pour nous, la façon la plus efficace de critiquer l’impérialisme, quelle que soit sa forme, c’est de prendre les armes et de combattre. Notre expérience nous enseigne que dans le cadre général de la lutte quotidienne, quelles que soient les difficultés créées par l’ennemi, cette lutte contre nous-mêmes est la plus difficile, aussi bien au moment présent que dans l’avenir de nos peuples Cette lutte est l’expression des contradictions internes de la réalité économique, sociale et culturelle (et donc historique) de chacun de nos pays.
Quand le peuple africain affirme dans son langage simple que » pour chaude que soit l’eau de la source, elle ne cuira pas ton riz « , il énonce, avec une singulière simplicité, un principe fondamental non seulement de physique, mais aussi de science politique. Nous savons en effet que le déroulement d’un phénomène en mouvement, quel que soit son conditionnement extérieur, dépend principalement de ses caractéristiques intérieures. Nous savons aussi que, sur le plan politique – même si la réalité des autres est plus belle et attrayante – notre propre réalité ne peut être transformée que par sa connaissance concrète, par nos efforts et par nos propres sacrifices.
Il est bon de se rappeler, dans cette ambiance tricontinentale, où les expériences et les exemples abondent, que, si grande que soit la similitude des cas en présence et l’identité de nos ennemis, la libération nationale et la révolution sociale ne sont pas des marchandises d’exportation ; elles sont – et chaque jour davantage – le produit d’une élaboration locale, nationale, plus ou moins influencées par des facteurs extérieurs (favorables et défavorables), mais essentiellement déterminés et conditionnés par la réalité historique de chaque peuple, et consolidés par la victoire ou la solution correcte des contradictions internes entre les diverses catégories qui caractérisent cette réalité.
Le défaut idéologique, pour ne pas dire le manque total d’idéologie, au sein des mouvements de libération nationale – ce qui se justifie à la base par l’ignorance de la réalité historique que ces mouvements prétendent transformer – constitue une des plus grandes, sinon la plus grande faiblesse de notre lutte contre l’impérialisme.