Ronald Cameron et Mario Gil Guzman, à partir d’informations de la délégation
Une délégation de cinq personnes a entrepris une tournée du 15 au 29 novembre au Québec et en Ontario pour sensibiliser les membres d’organisations de la société civile canadienne sur les conditions que subit la population de la région de Providencia et de San Roque, en Antioquia, suite à l’installation du projet Gramalote de B2Gold Corporation, dont le siège social est à Vancouver. Il s’agit de la plus importante mine d’or à ciel ouvert du pays. La délégation veut du même coup rencontrer aussi des élu.es du Québec et du Canada et profiter du passage à Ottawa pour rencontrer l’Ombudsman canadien pour explorer la possibilité de déposer une plainte contre l’entreprise.
Les membres de la délégation sont parties prenantes de la Corporación Retorno y Vida (Retour et Vie) est une organisation non gouvernementale colombienne, regroupant des juristes et autres professionnel.les au service des populations. Elle s’engage dans la défense des droits de la personne en Colombie, en particulier dans le secteur minier artisanal, auprès des victimes des mines antipersonnelles, des communautés autochtones et, bien sûr, des populations déplacées qui souffrent encore des affrontements armés, malgré les accords de paix et un gouvernement de gauche.
La délégation Vivos se los llevaron, Vivos los Queremos
Il y a trois ans, le « Comité de Solidarité Canada pour la Colombie » s’est constitué pour enquêter sur plusieurs cas de violation des droits. La composition du comité comprenait dix organismes québécois et canadiens, ainsi qu’une vingtaine en Colombie. Il s’est engagé dans la défense de la démocratie et des centaines de jeunes victimes de violences étatiques, suite au soulèvement de 2021, mouvement qui vaincra le gouvernement de Iván Duque. Le comité a notamment initié une délégation connue sous le nom de « Vivos se los llevaron, Vivos los Queremos » (Vivants ils ont été pris, vivants nous les voulons).
La vingtaine de personnes ont parcouru la Colombie du 25 novembre au 7 décembre 2021 partageant avec la population colombienne la dure réalité des mouvements sociaux et communauté en résistance. Ainsi, les mouvements sociaux et populaires colombiens ont joint la solidarité internationale avec la présence de responsables d’organisation colombienne, accompagné.es par des membres de la délégation. Ce sont les réseaux Retorno y Vida, Canal 2 et Quira médias, avec le réseau national de médias alternatifs, qui ont piloté la tournée, accompagnant les membres de la mission. Des mémoires, des propositions, des témoignages et des dénonciations ont été produits par la délégation et sont toujours disponibles.
La persécution de la communauté dénoncée
L’Association des mineurs du district de Providencia (ASOMICOPRO), qui regroupe la population de la région, défend les droits territoriaux et la petite exploitation minière artisanale ancestrale. Cette association a dénoncé la non-application des accords conclus lors des négociations, d’abord avec Anglo Gold Ashanti, puis avec B2Gold, sur le projet minier. La communauté des mineurs artisans a été persécutée avec la complicité de l’État colombien. Leurs outils de travail ont été brûlés. Les mineurs et leur famille ont été déplacés, voire assassinés. L’environnement a été contaminé, y compris les sources d’eau de la rivière NUS, la faune et la flore, comme ce fut dénoncé par les tribunaux populaires.
Cette concession était donnée à la minière Anglo Gold Ashanti, durant le gouvernement d’Alvaro Uribe, considéré comme un des plus autoritaires présidents de l’histoire du pays. Il a été remplacé par Juan Manuel Santos qui a fait de l’économie du pays « la locomotrice minière », avec tout ce que ça implique pour les communautés et l’environnement. Entre 2003 et 2010 sont octroyé plus de 11 millions d’hectares seulement à Anglo Gold Ashanti, dans de zones protégées et des territoires autochtones et afro-descendants.
Actuellement la compagnie a voulu négocier avec 170 mineurs, mais tout était une stratégie pour diviser la communauté. Aujourd’hui celle-ci se retrouve sans la rivière, sans aucune source de revenus et forcée de se déplacer, puisqu’il n’a pas d’autre moyen de survivre sur le territoire.
Le gouvernement de Gustavo Petro est coincé avec des concessions minières et des accords de libre-échange avec le Canada notamment, qui empêche l’exercice souverain de l’organisation du territoire en faveur des communautés, comme l’explique bien notre correspondante Sabine Bahi dans son reportage sur la COP16.
La mine a occasionné des conséquences négatives non seulement auprès des mineurs artisanaux, mais aussi sur les femmes qui ramassaient l’or dans la rivière avec la technique traditionnelle du Bareque. Beaucoup d’entre elles sont des mères monoparentales qui sont obligées d’aller chercher l’or pour nourrir leurs familles. Elles sont dépendantes de cette ressource pour leur survie et celle de la communauté. Après l’arrivée de la mine, les femmes ne réussissent plus à ramasser ni le 10 % du minerai qu’elles ramassaient auparavant.
Retorno y Vida a mis en lumière des comportements violant les droits fondamentaux de ces communautés de la part des autorités gouvernementales, étatiques et étrangères. L’organisation a été poussée à défendre et protéger les personnes dirigeantes de ces zones, en appelant à la mobilisation sociale et populaire.
Un aspect important de la mission de Retorno y Vida est de promouvoir les droits des peuples autochtones, c’est pourquoi nous demandons à l’État colombien de mettre en place des réparations intégrales et différenciées en raison de leur condition ethnique et humaine, en tant que peuples originaires. Nous demandons le déminage de leurs territoires et la reconnaissance de ceux-ci comme zones de paix et de leurs habitants comme artisans de la paix.
En Colombie, les violations des droits humains et la persécution des directions des mouvements sociaux persistent, malgré les efforts des dernières années du nouveau gouvernement pour répondre favorablement aux droits des victimes du conflit armé interne. Ces violations concernent aussi l’extrême pauvreté et les problèmes engendrés par les déplacements forcés et l’isolement que subissent les communautés autochtones et paysannes.
La délégation Retorno y Vida croit aujourd’hui en une nouvelle option de gouvernance et appelle à la solidarité internationale par la dénonciation de ces faits devant les instances gouvernementales et étatiques canadiennes. Le Canada est l’un des pays qui apportent le plus de ressources économiques au processus de paix en Colombie et sa population a besoin de savoir précisément où et comment ces ressources publiques sont investies.
Composition de la délégation
- John Eduard Yepes García — avocat — membre fondateur et représentant légal de Retorno y Vida;
- Mariano José Guerra Diaz — avocat, juge et membre fondateur et directeur de projets de Retorno y Vida. Il est aussi membre du CE national de la Fédération des syndicats des travailleuses et travailleurs de la fonction publique de la Colombie — branche judiciaire ASONAL judicial — sindicato de Industria et vice-président pour la région d’Antioquia;
- Gildardo Antonio Gomez Maya — mineur artisanal — président ASOMICOPRO (Asociación de mineros artesanales en Antioquia) qui dénonce les agissements de B2Gold, entreprise minière canadienne, projet Gramalote dans la région d’Antioquiaè
- Maria Camila Ruiz Yepes — étudiante à la faculté de droit de l’Université Envigado et responsable des relations publiques de Retorno y Vida;
- Luz Marina Gutierrez Rodriguez — secrétaire du conseil d’administraiton de Retorno y Vida depuis sa fondation en 2006.
Pour prendre contact avec la délégation, on peut contacter Denise Gagnon et Giuliana Fumagalli.
Pour visionner la conférence de presse de la délégation à Ottawa le 21 novembre 2024