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Conférence sur la montée de l’extrême droite, Attac Québec

Mégane Arseneau, correspondante en stage

Les contextes politiques, tant provinciaux qu’internationaux, sont aujourd’hui plus polarisants que jamais. Flirter avec les droites extrêmes relève de moins en moins de l’exception. Mieux comprendre ces dynamiques permet de saisir les conséquences de telles idées. C’est dans cet esprit que l’organisation Action citoyenne pour la justice fiscale, sociale et écologique (Attac-Québec) a tenu une conférence sur la montée de l’extrême droite.

À l’ère des fake news, discuter d’un sujet aussi sensible nécessite de s’appuyer sur une réelle expertise. C’est donc deux spécialistes qui ont présenté divers aspects de l’extrême droite lors de l’assemblée générale annuelle d’Attac-Québec. Ces spécialistes étaientJonathan Durand Folco, professeur agrégé en innovation sociale à l’Université Saint-Paul d’Ottawa et auteur du livre Fascisme tranquille : affronter la nouvelle vague autoritaire chez Écosociété et Maryse Potvin, politologue et sociologue, professeure titulaire à l’UQAM et cotitulaire de la Chaire de recherche France–Québec sur les enjeux contemporains de la liberté d’expression.

Les cycles de l’intolérance

La conférence s’est amorcée par un bref historique des mouvements d’extrême droite au Québec, car il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau. D’une décennie à l’autre, des groupes disparaissent, émergent ou renaissent selon les contextes sociaux. Ils ont également souvent été influencés par l’antimondialisme.

Parmi les groupes actifs dans les années 1980 et 1990, on retrouve les Skinheads, le Front national, le KKK ou encore la Jeunesse aryenne. Fait intéressant : la langue et le nationalisme québécois ont parfois limité les alliances avec certains groupes extrémistes américains.

Des années 2000 à aujourd’hui, de nouveaux groupes ont émergé ou se sont renforcés à travers l’actualité : la Fédération des Québécois de souche et les débats sur les accommodements raisonnables, La Meute et la Charte des valeurs, ou encore la résurgence des mouvements antivaccins lors de la pandémie de COVID-19.

 Populisme, extrémisme et fascisme

Ces groupes partagent des positions rigides et dogmatiques qui cherchent à rompre avec les normes ou les institutions. Toutefois, tous ne recourent pas à la violence. C’est notamment ce qui distingue le populisme d’autres formes plus extrêmes.

Pour que ces courants idéologiques prennent de l’ampleur, certaines conditions doivent être réunies : l’affaiblissement des institutions démocratiques, des décisions politiques perçues comme déconnectées des réalités citoyennes, une méfiance grandissante envers les sources d’information traditionnelles, etc.

La mutation des communications a aussi accéléré la diffusion et la normalisation de discours d’intolérance (racisme, sexisme, populisme, etc.). Les médias traditionnels eux-mêmes surfent parfois sur ces tendances, accentuant la subjectivité et donnant plus de place à des chroniqueur·euses dont le style crée un faux sentiment de proximité.

Les discours extrémistes ont également changé de forme : ils sont moins frontaux, plus subtils, utilisant la dépersonnalisation et la victimisation pour masquer leur nature et légitimer leurs propos. C’est ce qu’on appelle la respectabilité politique et médiatique, essentielle pour la prise de pouvoir politique. C’est, ici, que les groupes extrémistes deviennent complémentaires en relayant les idéologies de manière plus décomplexées.

Or, peu importe le groupe, dans tous les cas, ce qu’il faut craindre, c’est le passage au politique. Force est de constater que, partout sur le globe, les partis qualifiés d’extrême droite gagnent en popularité. D’où l’importance de comprendre et de démystifier un mouvement qui refait surface : le fascisme.

Démystifier pour mieux contrer

Pour contrer un mouvement, il faut d’abord le comprendre. Dans Fascisme tranquille, l’auteur rappelle qu’il est essentiel de se préoccuper du fascisme avant qu’il ne soit trop avancé — lorsque nous avons encore le pouvoir d’agir.

Il identifie plusieurs conditions préalables à l’avènement du fascisme dans sa forme la plus avancée :

  1. L’émergence des idées;
  2. L’enracinement des idées (À noter – Au Québec, selon l’auteur, nous sommes actuellement à cette étape – En revanche, il note que nous sommes à un point de bascule considérant, notamment, les sorties du Barreau du Québec concernant les projets de loi (PL) 1, 2 et 3);
  3. La prise du pouvoir;
  4. L’exercice du pouvoir par un parti;
  5. La radicalisation du parti – C’est à cette étape que l’une des deux possibilités se produit : Le pouvoir tombe ou il va au bout de sa vision.

Ces dynamiques se développent en manipulant diverses émotions : peur, insécurité, ressentiment, dégoût, et même l’amour — utilisé pour renforcer un sentiment de communauté opposée à un « eux ».

Les ingrédients du cocktail parfait

La montée de l’extrême droite s’inscrit presque toujours dans des contextes de crises successives — sanitaires, économiques, sociales, identitaires ou géopolitiques. Ces crises accentuent les inégalités et alimentent des sentiments de peur, d’injustice ou de colère. Insidieusement, l’idée d’un « nous contre eux » s’infiltre dans l’esprit de certaines populations. Cette polarisation s’accentue souvent dans un climat où la confiance envers les institutions politiques et médiatiques traditionnelles s’effrite.

Ce sont là les ingrédients parfaits pour ouvrir la voie à des discours simplistes et radicaux, qui cherchent à exploiter puis à amplifier ces émotions. Parallèlement, les réseaux sociaux et leurs algorithmes facilitent la diffusion de messages polarisants, renforçant les divisions tout en augmentant la visibilité des idées extrémistes. Cet environnement favorise l’essor de partis ou de leaders d’extrême droite qui apportent des réponses émotionnelles à des enjeux complexes.

La solidarité pour contrer le parfum des extrêmes

Face au parfum lourd des extrêmes, nous portons encore en nous la capacité de faire éclore autre chose. Car comprendre ces mécanismes n’est pas seulement un geste de lucidité : c’est un acte de résistance. En éclairant ce qui divise, nous rallumons ce qui relie. La solidarité devient alors notre boussole, l’esprit critique notre ancre, et la mobilisation citoyenne notre souffle commun. L’histoire révèle que l’inévitable n’existe pas — que des peuples qui se lèvent d’un même élan peuvent éclairer les zones les plus obscures. À présent, il nous revient de bâtir un avenir où nos aspirations solidaires ne sont plus des promesses, mais un horizon commun.

Pour écouter la conférence:

 Pour en apprendre sur l’organisation Attac-Québec, c’est ici:

https://quebec.attac.org/