La permaculture en Tunisie : une solution à la crise agricole ?

Photo par Mycea Thebaudeau, le 30 janvier 2024, Ferme El Berima, Tunisie
Mycea Thebaudeau @Alternatives

Mycea Thebaudeau, stagiaire d’Alternatives en Tunisie

Face aux défis climatiques et environnementaux auxquels fait face ce pays d’Afrique du Nord, et devant l’essoufflement du modèle actuel de production agricole, de plus en plus d’agriculteurs et d’agricultrices se tournent vers d’autres pratiques agricoles, comme la permaculture.

Chaque année, 25 000 hectares de terre cultivable sont perdus en Tunisie, sous l’effet conjugué de l’érosion et de l’urbanisation (1). De plus, le modèle agricole productiviste, le plus répandu actuellement en Tunisie, mise sur « la monoculture d’oliviers et d’arbres fruitiers » (2), comme les orangers. Il conduit à un appauvrissement généralisé des sols, lequel est encore aggravé par les conséquences des changements climatiques, notamment les sécheresses qui touchent régulièrement le pays. De fait, à l’été 2023, une vague de sécheresse a fait baisser la récolte céréalière de 66 % à l’échelle nationale (3).

Ces nouveaux enjeux mettent en doute la pertinence, mais aussi la durabilité, du modèle actuel de production agricole et poussent certaines exploitations agricoles à se tourner vers des modes de fonctionnement différents et innovants, comme les techniques de permaculture.

Soutenues notamment par l’Association tunisienne de permaculture (ATP), de plus en plus de fermes mettent en œuvre les principes de la permaculture et voient le jour sur le territoire tunisien. Les résultats sont éloquents : « En arrivant à la ferme d’Amine Ben Abdallah, agriculteur céréalier, à une soixantaine de kilomètres de Tunis, le contraste est saisissant : ses cultures sont déjà verdoyantes malgré un été caniculaire » (4).

Ce mode de production, qui respecte l’environnement et la biodiversité en limitant strictement l’arrosage et en n’utilisant aucun pesticide (5), permet « un rendement optimum sur un minimum de surface » (6). De plus, l’utilisation de la permaculture favorise la consommation de produits locaux, biologiques et en circuit court. Elle participe à l’établissement d’une éventuelle autosuffisance alimentaire en Tunisie.

En effet, malgré la « politique volontariste de l’État » depuis l’indépendance du pays en 1956, la Tunisie n’a jamais atteint l’autosuffisance alimentaire (7). Selon Rim Mathlouthi, la présidente de l’ATP : « Le but, c’est d’avoir des centaines d’hectares et démontrer aux autorités et aux autres agriculteurs et agricultrices que la permaculture est un système agricole rentable et efficace » (8).

Rentable et efficace, mais aussi particulièrement adaptée à la spécificité tunisienne, la permaculture permet de relever de deux de principaux défis environnementaux et climatiques auxquels fait face la Tunisie. Il s’agit de la gestion des déchets et de la raréfaction des ressources en eau, appelés aussi stress hydrique.

Les grands principes de la permaculture, tels que théorisés par Bill Mollison et repris par l’Université populaire de permaculture (UPP), s’attaquent entre autres à ces deux problèmes. Le principe « Ne pas produire de déchets » met l’emphase sur l’importance d’éviter le gaspillage, mais aussi d’entretenir régulièrement le matériel pour éviter les « grands travaux de restauration », et pouvoir utiliser l’équipement plus longtemps (9). La permaculture s’appuie également sur l’idée de recyclage et de réutilisation, poussant les individus à trier leurs déchets et à récupérer ce qui peut l’être pour lui donner un nouvel usage, en faisant preuve de créativité.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture en date de 2022, la Tunisie est « le pays du Maghreb qui fait face aux risques les plus importants de déficit en eau » (10). Cet enjeu est également l’un des premiers auxquels s’attelle la permaculture, d’abord par la volonté d’utiliser le moins d’eau possible pour l’arrosage, mais aussi à travers le principe qui appelle à « collecter et stocker l’énergie » (11), incluant l’eau de pluie, pour éviter son ruissellement en période d’abondance et la conserver pour les périodes de sécheresse.

Notes en bas de page

  1. Blaise, L. (animatrice). (2023). Face au manque d’eau, la permaculture gagne du terrain en Tunisie. [balado audio]. Dans Afrique Économie. RFI.
  2. Galtier, M. (2022, 22 octobre). Pistes vertes : En Tunisie, la permaculture porte ses fruits et légumes. Libération.
  3. Blaise, L. (animatrice). (2023). Face au manque d’eau, la permaculture gagne du terrain en Tunisie. [balado audio]. Dans Afrique Économie. RFI.
  4. Ibid.
  5. AFP. (2023, 27 mai). En Tunisie, la permaculture s’épanouit face aux défis climatiques. Science et avenir
  6. Galtier, M. (2022, 22 octobre). Pistes vertes : En Tunisie, la permaculture porte ses fruits et légumes. Libération
  7. Ibid.
  8. AFP. (2023, 27 mai). En Tunisie, la permaculture s’épanouit face aux défis climatiques. Science et avenir.
  9. Université Populaire de Permaculture. Ne pas produire de déchets, dans Les 12 principes de la permaculture.
  10. Galtier, M. (2022, 22 octobre). Pistes vertes : En Tunisie, la permaculture porte ses fruits et légumes. Libérationhttps://www.liberation.fr/international/en-tunisie-la-permaculture-porte-ses-fruits-et-legumes-20221022_RIUF3LQA3ZHOVOXBK5RLZJU3JI/
  11. Université Populaire de Permaculture. Collecter et stocker l’énergie, dans Les 12 principes de la permaculture.