Jérôme Beaugrand-Champagne, extraits d’un texte d’opinion paru dans Le Devoir, 4 octobre 2018
Alors que le premier ministre Trudeau se réjouit en disant que l’AEUMC « est un bon jour pour le Canada » et que la question du lait, qui touche le coeur des Canadiens et de nos fermiers, est débattue avec véhémence, une autre imposition du gouvernement américain vient brimer la souveraineté du Canada. En effet, l’article 32.10 de l’AEUMC vient donner un droit de veto au gouvernement américain quant à toute discussion d’un traité de libre-échange entre le Canada et tout pays qui n’est pas une économie de marché, en exposant que les États-Unis pourraient terminer l’AEUMC sans raison avec six mois de préavis.
Précisons que les États-Unis peuvent unilatéralement définir quel pays ne bénéficie pas du statut d’économie de marché sans se soucier de l’interprétation du Canada sur le sujet. Les États-Unis et l’Union européenne refusent toujours d’octroyer ce statut à la Chine, 17 ans après son adhésion à l’OMC, ce que la Chine conteste devant l’OMC. La non-reconnaissance du statut d’économie de marché de la Chine leur permet de maintenir des barrières douanières élevées sur certains produits chinois.
Malgré cette opposition de l’Europe, l’Accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada n’impose aucunement une telle restriction au Canada. Le troisième paragraphe de l’article 32.10 de l’AEUMC impose aussi au Canada de divulguer aux États-Unis le texte complet d’un accord de libre-échange avec la Chine. Les négociateurs chinois seront bien mal à l’aise de négocier un traité de libre-échange pendant des années pour être pris en otage au fil d’arrivée par les États-Unis qui pourraient demander des concessions à la Chine en échange d’une non-imposition de leur « veto ». La position du Canada, si les négociations reprennent avec la Chine, s’en trouvera malheureusement affaiblie ! Nul n’a besoin d’être devin pour savoir que le président Trump, qui pourrait être réélu dans une vision apocalyptique, utilisera toutes les fourberies dans son arsenal afin que la Chine se plie à ses demandes irrationnelles, et cela, aux frais du Québec et du reste du Canada.