Entrevue avec Denis Côté, analyste des politiques à l’AQOCI, réalisée par Maria Kiteme, participante au Parcours d’éducation à la citoyenneté de Katalizo et correspondante au Journal des Alternatives.
Alors que le Forum social mondial des intersections (FSMI) s’installe cette année à Montréal, la société civile québécoise se mobilise pour y faire entendre sa voix dans un contexte mondial marqué par des bouleversements sociaux, politiques et environnementaux. Parmi ces groupes, l’AQOCI se positionne comme une actrice clé dans la mise en place de quelques activités portées à promouvoir la solidarité internationale.
L’AQOCI : un pilier québécois de la solidarité internationale
L’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI), forte de ses 70 membres sur 14 régions du Québec, y prendra une part active en coordonnant trois activités majeures, dès le 29 mai au 1er juin. L’AQOCI étendra ainsi ses activités avec le Grand rendez-vous des États généraux, prenant place du 4 juin au 6 juin.
Depuis 1976, l’AQOCI œuvre à la construction d’un monde plus juste et inclusif, en s’attaquant aux causes systémiques de la pauvreté, la défense des droits humains et la promotion de la solidarité internationale. L’organisation agit comme un point de convergence crucial pour la coopération internationale québécoise. Elle s’engage à établir des liens solides avec des partenaires en Afrique, en Asie, en Amérique latine, dans les Caraïbes et au Moyen-Orient — fortifiant ainsi ce dialogue à maintenir entre le Nord et le Sud. Avec plus de 9000 partenaires à l’international, l’AQOCI maintient des échanges constants avec les communautés marginalisées — faisant ainsi émerger des solutions globales ancrées dans les principes de justice, d’équité, de décolonisation et de féminisme intersectionnel.
Mutations géopolitiques et enjeux actuels pour la coopération internationale :
Dans un contexte de recul démocratique, d’inégalités persistantes et de coupes budgétaires dans l’aide internationale, il est vrai que l’on vit dans une période critique en termes de droits humains. L’exemple des États-Unis illustre bien ces inquiétudes, ajoute Denis : l’administration Trump fait planer une menace sur les principes d’équité et de justice — tout autant à l’échelle nationale qu’internationale.
Cette dynamique s’observe notamment à travers la situation actuelle de l’USAID, l’agence américaine d’aide au développement, dont les priorités sont fragilisées par leur désengagement financier dans l’aide internationale. Les formes traditionnelles de mobilisation doivent se renouveler pour s’adapter aux réalités contemporaines, notamment face aux avancées technologiques au sein de cette ère du numérique, nous confie Denis.
Denis précise que cette démarche devra aboutir à l’adoption d’une déclaration d’engagement commune. Vingt ans après une première réflexion collective, ce document permet de fixer un nouvel exercice d’analyse de la conjoncture mondiale auprès de ses membres. Dans un monde en constante mutation, où les crises se multiplient et les inégalités se creusent, il devient impératif de repenser les modes d’engagement en termes de solidarité entre les peuples à l’échelle globale.
L’AQOCI au FSMI : trois activités pour mobiliser la société civile
Lors du FSMI, l’AQOCI propose l’Assemblée d’intersection en route vers le Forum social mondial 2026 à Cotonou (Bénin), organisée en collaboration avec Katalizo. Cette première activité se veut créer un espace d’échanges inclusifs réunissant mouvements sociaux, organisations et citoyen·nes engagé·es. Grâce à une méthodologie participative, plusieurs membres de la société civile partageront leurs expériences et leurs visions, au service de leur combat quotidien pour le changement. Ensemble, ils puiseront dans cette volonté de réfléchir aux stratégies déployées dans la co-construction d’un avenir solidaire. Le FSM 2026 se positionne ainsi comme un lieu important pour coordonner les revendications de ces groupes militants.
Dans le prolongement de cet engagement au FSMI, l’AQOCI participera également à l’Assemblée des résistances le 31 mai. Cet espace rassemblera une diversité d’organisations de la société civile pour renforcer la convergence des luttes sociales : pour la paix, les droits humains, l’équité des genres, le militantisme écologique, etc. Une attention particulière sera portée au développement d’un réseau favorisant ainsi des alliances stratégiques et durables entre les allié·es de partout.
Enfin, la programmation culminera avec le Grand rendez-vous des États généraux québécois de la solidarité internationale, qui se tiendra à l’Université de Montréal du 4 au 6 juin 2025. Après une année de préparation incluant des ateliers, tables rondes, formations et dialogues à travers la province, cette rencontre offrira une plateforme pour réfléchir à l’avenir de la solidarité internationale au Québec. Denis exprime que les États généraux reposent sur une approche de consultation authentique et participative, ouverte à toutes les personnes intéressées. Quatre axes principaux guideront les discussions portant des analyses sur la conjoncture mondiale : l’environnement, la paix, les droits humains et les droits des femmes. Cet événement cherche à favoriser l’émergence d’une vision commune et des pistes d’actions plus concertées de la société civile québécoise face aux défis internationaux auxquels feront face nos sociétés dans les prochaines décennies.
Prochainement, des dialogues auront lieu le 1er mai 2025 au Cégep du Vieux Montréal et le 2 mai 2025 dans la salle Guy-Lafleur à Montréal. Jusqu’à maintenant, les consultations ont su mobiliser près de mille personnes autour de thèmes majeurs, dont la souveraineté alimentaire, la promotion de la paix, la critique des complexes militaro-industriels. Si les États généraux suscitent déjà un fort intérêt dans le milieu académique, l’AQOCI veille à inclure les voix des mouvements sociaux québécois de tous les horizons — syndicats, féministes et pacifistes — étant un public engagé pour le changement.
Pour l’AQOCI, le FSMI 2025 représente une occasion précieuse pour renforcer ses partenariats internationaux. Sur la base d’écoute, ces liens sauront prospérer dans un environnement sain de confiance, précise Denis. Fidèle à sa mission, l’AQOCI continue d’amplifier les voix des communautés marginalisées souvent invisibilisées : femmes, personnes en situation de pauvreté, minorités ethniques, sexuelles et de genre. L’organisation ne cesse de prendre cette voie vers la construction d’une vision globale et inclusive de la solidarité.