L’ascension d’un nouveau paradigme économique : le cybersocialisme

John Olympio
Si l’histoire est écrite par les vainqueurs, la multiplication des échecs de l’hégémon capitaliste nous invite à revisiter le passé pour explorer des solutions négligées. Telle est l’approche de Cédric Durand et Razmig Keucheyan dans leur ouvrage «Comment bifurquer. Les principes de la planification écologique», où les auteurs mobilisent l’histoire et des institutions existantes pour proposer un modèle alternatif concret, bien qu’ambitieux.
Cédric Durand était l’invité d’un séminaire organisé par l’atelier d’Écologie sociale du capitalisme avancé (ESCA) en collaboration avec l’Institut de recherches et d’informations socioéconomiques (IRIS Québec) et le Centre de recherche sur les innovations et les transformations sociales (CRITS) pour défendre la dimension économique de son livre qu’il a écrit en collaboration.

Repenser le rapport avec la nature

Si les adeptes du modèle néolibéral attribuent les failles du marché à une trop grande ingérence de l’État dans l’économie, selon Cédric Durand, nous avons aujourd’hui perdu la maîtrise de notre rapport avec la nature. Mais comment restaurer le métabolisme entre les humains et la planète Terre quand «le capital ne sait pas payer pour des choses qui ne rapportent absolument rien». Pour les auteurs cela implique d’inverser la dialectique d’efficacité et de protection de l’environnement.

Face à cela, le capitalisme vert est une fausse bonne idée, selon M. Durand. D’une part, le principe du «pollueur-payeur» est injuste, car il implique que plus on est riche, plus on a le droit de polluer. Mais en plus, les incitatifs sont souvent mal définis et donc inefficaces. La nature, dans sa complexité, et sa multiplicité dépassent grandement le raisonnement économique traditionnel.

La planification : un outil de regain de contrôle

Face à ces enjeux, les auteurs proposent de raviver l’antagoniste historique du marché : la planification. Mais qu’est-ce que la planification économique? Elle consiste à nationaliser les moteurs stratégiques de l’économie et à offrir une politique de crédit selon les priorités planifiées, permettant ainsi aux individus de se réapproprier les modes de production.

Cette planification doit être technologique, écologiquement viable et démocratique. Contrairement au XXe siècle, les progrès technologiques en matière d’information permettent aujourd’hui une planification plus précise et efficace. On peut désormais utiliser une panoplie d’outils pour mesurer l’impact écologique et intégrer ces données dans l’évaluation de la viabilité des entreprises.

Une démocratie renforcée par la planification

Dans l’imaginaire collectif, le modèle économique libéral est souvent perçu comme le seul défenseur de la démocratie face aux économies planifiées autoritaires. Cependant, Durand et Keucheyan soutiennent que la démocratie peut légitimer la planification. En effet, il s’agirait de choisir entre plusieurs scénarios possibles, avec une implication directe du peuple dans les décisions à l’échelle nationale et locale.

Cette transition nécessiterait une profonde modification de nos modes de consommation, telle qu’exigée par les crises écologiques et sociales. Bien que la planification soit souvent associée à la dictature des besoins, comme dans le communisme soviétique, cela n’est pas une fatalité. Plusieurs outils peuvent être mis en place pour éviter ces dérives, notamment en éliminant les besoins artificiels imposés par le marketing et de rendre la consommation plus intelligente et consciente des réalités humaines et sociales.

Le renforcement des services publics jouerait également un rôle crucial en allégeant le poids de l’incertitude et de la précarité sur les populations. Grâce à des services publics robustes, les individus seraient libérés de nombreuses contraintes économiques privées. Par exemple, on pourrait se rendre au travail ou se promener dans un parc sans se soucier de la facture d’hôpital en cas d’accident. Ces services publics garantiraient un filet de sécurité, permettant.e de vivre sans la peur constante de l’insécurité.

En somme, les auteurs envisagent un modèle «cyber-socialiste» où la technologie et la planification écologique se combinent pour offrir une alternative viable et inspirante au capitalisme. Bien qu’ils proposent une réponse claire à la question «que faire?», l’éternelle question du «comment?» reste en partie insoluble.


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