Extraits d’un texte paru dans le glogue du Groupe McLeod, 27 janvier 2020
Il y a dix ans, un violent tremblement de terre a frappé Haïti, dévastant la capitale Port-au-Prince et d’autres villes comme Léogâne et Jacmel. Environ 230 000 personnes ont été tuées et des dizaines de milliers de maisons et de petites entreprises détruites. Plus d’un million de personnes se sont retrouvées sans abri. Pour le pays le plus pauvre de l’hémisphère, qui avait déjà du mal à se remettre des ouragans de 2008 et 2009, le tremblement de terre a porté un coup terrible.
La réponse internationale a été rapide et massive. Le Canada s’est mobilisé. La réponse immédiate du gouvernement, des ONG et des particuliers canadiens a atteint plus de 200 millions de dollars. Au cours des mois suivants, le total a atteint plus de 500 millions de dollars.
Le Canada et d’autres pays donateurs ont acheminé une grande partie de leur aide humanitaire par l’entremise d’organismes des Nations Unies et de grandes ONG, comme CARE et CECI. Le gouvernement canadien a également mobilisé un nombre sans précédent de membres des forces armées et de matériel. Il a cependant fourni une grande partie de l’aide sous forme de charité / de secours aux populations affectées, sans penser – le cas échéant – à soutenir les propres efforts de redressement des Haïtiens. En janvier 2013, le ministre canadien de la Coopération internationale, Julian Fantino, a failli geler l’aide à Haïti, réprimandant les autorités pour les «faiblesses de leurs institutions gouvernantes».
Compte tenu de la vulnérabilité d’Haïti aux catastrophes naturelles, il aurait été approprié d’aider le gouvernement et la société civile à investir dans le renforcement de la résilience et à «reconstruire en mieux». Il y a très peu ou pas de preuves que l’un des partenaires internationaux d’Haïti, et la classe dirigeante du pays, ont considéré cet objectif. En fait, des rapports récents suggèrent que la situation du pays est pire qu’il y a 10 ans, avec 3,7 millions de personnes connaissant des niveaux d’urgence d’insécurité alimentaire en novembre 2019, sur une population totale de 11 millions d’habitants. En fait, l’intérêt international pour Haïti semble décliner, à en juger par le faible taux de réponse (29%) à l’appel humanitaire des Nations Unies pour 2019.
Haïti n’est pas un partenaire de pays facile à travailler. Les institutions sociales sont très faibles et la dernière décennie a été marquée par des niveaux élevés d’instabilité politique et sociale. De 2004 à 2017, la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) a eu une présence importante dans le pays, en mettant l’accent sur les services de police et l’ordre public. Il a également laissé un héritage de choléra, d’abus sexuels et d’enfants sans père. Au cours des deux dernières années, le président Jovenel Moïse et l’opposition ont été à couteaux tirés, ce qui a provoqué une paralysie politique, des niveaux de violence politique plus élevés que d’habitude et des perturbations économiques. Les dirigeants politiques haïtiens ont ignoré les appels de la CARICOM, le groupement régional de pays, au dialogue.
En 2017-2018, le Canada a soutenu un certain nombre de projets dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la formation policière, du mini-crédit agricole et de l’assistance aux personnes déplacées le long de la frontière avec la République dominicaine. Les informations de la page Web sur ces domaines d’activité indiquent pour chacune le nombre / pourcentage de femmes impliquées et / ou bénéficiaires, donc des mesures sont prises pour surveiller leur impact sur le genre. Fait révélateur, la liste des projets ne mentionne aucune organisation partenaire haïtienne.
Sans institutions locales compétentes, il est difficile d’imaginer Haïti sortir de son schéma d’impasse politique, de pauvreté endémique et de dépendance à l’aide étrangère. Le contournement de ces institutions perpétue leur inefficacité et nuit au développement durable, quelle que soit la bonne intention et la bonne planification des projets d’aide canadiens. Bien qu’il soit évident que l’environnement de développement en Haïti est complexe et désordonné, semé de risques, le Canada pourrait aider à mobiliser les efforts et les ressources haïtiens en concentrant l’attention au niveau local sur les communautés. Une évaluation externe de 2015 de la coopération au développement Canada-Haïti pour la période 2006-2013 a noté que les progrès en matière de développement avaient été «entravés par un manque de capacité nationale et de leadership». Alors que certains projets «ont contribué à renforcer les institutions gouvernementales… le recours quasi exclusif aux agences d’exécution (les Nations Unies, le secteur privé, les universités, les ONG, etc.) signifiait que l’occasion de renforcer les systèmes gouvernementaux était manquée». Cinq ans plus tard, cette observation semble toujours valable.