Six (6) ans après son arrivée au pouvoir, le Président Issoufou Mahamadou a réussi l’extraordinaire exploit de transformer le Niger en une véritable république bananière où prospèrent les intérêts étrangers. D’abord, ceux des grandes puissances occidentales, notamment la France et les États Unis, qui se sont vues octroyer gracieusement, sans aucune consultation du parlement, le droit d’y installer des bases militaires où sont déployés des centaines de soldats équipés d’armements ultra sophistiqués. Ensuite, ceux des grandes compagnies multinationales qui, comme les sociétés de téléphonie, bénéficient d’avantages fiscaux faramineux, et qui, comme AREVA et la CNPC, exploitent les ressources du sous-sol dans les conditions qu’elles ont choisi.
Aujourd’hui, le Niger est devenu également le gendarme de l’Europe dans sa lutte contre la migration, avec des centaines d’éléments des forces de défense et de sécurité affectés à cette tâche, notamment dans la région d’Agadez où s’est ouverte une véritable chasse aux migrants et aux personnes assurant leur transport et leur hébergement. Contrairement à d’autres pays qui ont essayé de tenir le même rôle de gendarme des flux migratoires, le Niger a obtenu des résultats indéniables, salués et célébrés partout, de Bruxelles à Rome, en passant par Paris et Berlin, comme des avancées majeures dans la lutte contre la migration, ce phénomène social normal qui alimente les peurs en Occident.
Jamais dans l’histoire, les grandes puissances occidentales, à commencer par la France et les États Unis, n’ont rencontré une aussi grande générosité de la part d’un dirigeant sahélien; car, c’est bien la première fois, en tout cas au Niger, qu’elles acquièrent le droit de s’y déployer militairement, sans avoir à mener une guerre de conquête. Cette générosité est, bien entendu, diversement appréciée au sein de l’opinion nigérienne; mais, beaucoup de Nigériens savent que le sort de leur pays s’est joué un jour de février de 2010, bien avant l’arrivée au pouvoir du Président Issoufou. Le débarquement de l’armée française sur les terres nigériennes date de cette époque; et on peut dire que le Président Issoufou n’a fait que prendre acte d’une situation dont il a été un des plus grands bénéficiaires. Ceci dit, il faut souligner que rien ne l’obligeait à faire le choix de la soumission aux intérêts des grandes puissances impérialistes, si ce n’est son propre intérêt de se maintenir aux affaires.
En effet, bien qu’issu d’une génération qui s’est intellectuellement abreuvée de discours anti-impérialistes, le Président Issoufou est de ceux qui croient que la légitimité populaire importe moins que le soutien des grandes puissances. Comme beaucoup d’autres dirigeants africains, il est convaincu qu’un Président apprécié par ces puissances et disposant de moyens financiers et de la force publique, peut toujours se maintenir au pouvoir ; de surcroit dans un contexte où la misère et la lâcheté prédisposent beaucoup, au sein du petit peuple comme de l’élite, à une sorte de résignation. Bien entendu, cette vision des choses ne prend pas en compte un fait important, à savoir que la résignation ne dure que le temps pour les résignés de réaliser qu’elle ne sert plus à grand-chose face à un système qui accentue sans cesse la pression sur eux.
Au Niger, ce point de rupture semble déjà avoir été atteint ; et c’est ce que traduisent certains contenus, parfois outranciers, circulant sur les réseaux sociaux. Les observateurs avisés ont dû remarquer que les réseaux sociaux sont devenus, ces derniers temps, une arène de contestation et de défiance à l’égard du régime en place. Bravant les risques évidents d’interpellation et d’arrestation, certains usagers des réseaux sociaux n’hésitent plus à exprimer leur ras-le-bol devant la situation désastreuse du pays, y compris à travers des appels au meurtre comme celui attribué à une jeune dame de la région de Tahoua. Les contenus virulents circulant dans le pays indiquent, qu’on le reconnaisse ou non, que la peur est en train de reculer au sein du peuple.
En dépit de ces signaux évidents, il est frappant de constater que le Président Isssoufou et ses principaux soutiens internes et externes n’ont pas l’air de vouloir changer quoi que ce soit dans la gouvernance en cours ; au contraire, ils pensent même pouvoir continuer à mettre le pays sous coupe réglée à travers la mise en œuvre d’une politique antisociale, dont la loi de finances 2018 n’est qu’une étape. Le vote de cette loi de finances constitue la preuve éloquente que les autorités nigériennes, mais aussi leurs amis extérieurs, sont encore loin de prendre la mesure de la colère qui gronde au sein du peuple. Cet aveuglement, qui scandalise plus d’un observateur avisé, peut se révéler salutaire ; il trace inlassablement une voie de sortie de la dérive dans laquelle le pays s’est installé depuis quelques années. Cela est possible ; à condition que la peur soit vaincue par le plus grand nombre. La mobilisation citoyenne s’impose pour arrêter l’aliénation du pays.
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