Nanihi Laroche, correspondante
À la suite du double échec du camp présidentiel français lors des élections européennes et des législatives anticipées, la constitution d’un nouveau gouvernement se fait attendre. Malgré la victoire du Nouveau Front populaire (NFP), la poussée du Rassemblement national (RN) est remarquable. Retour sur le processus de normalisation du parti d’extrême droite français.
Arrivé en tête avec plus du double des voix du camp présidentiel aux élections européennes début juin (environ 32 % pour le RN comparativement à 15 % à la liste Renaissance), le Rassemblement National (RN) à fait un score record lors des élections législatives. Le parti d’extrême droite et ses alliés LR (Les Républicains) sont arrivés en tête avec près de 33 % des voix au premier tour, alors que la liste du président obtenait 20 %.
Comment comprendre la popularité du RN ?
Plusieurs raisons expliquent la montée au pouvoir du RN. Au-delà des raisons structurelles à la crise sociale, on doit reconnaître que les équipes de communication du parti ont fait un gros travail de « dédiabolisation » .
Tout a commencé en 2018, lorsque le parti est passé du Front national (FN) au Rassemblement national (RN), pour couper avec la vision du parti d’extrême droite néonazi fondé par des fascistes, dont Jean-Marie Le Pen. Quand en 2021, Jordan Bardella devient la tête du parti, c’est la cristallisation d’une stratégie de dédiabolisation, avec une nouvelle tête pour une nouvelle image.
Au travers de discours populistes, le RN défend l’idée qu’il aurait changé et qu’il se serait assagi. Avec Bardella au pouvoir, ce ne serait plus un parti extrême, mais un parti de droite, protégeant la culture française de la décadence, c’est-à-dire le risque du remplacement par l’immigration et de la dégénérescence « woke ».
Parallèlement, le RN fait de la désinformation en soutenant que la véritable menace pour la France serait la gauche, notamment La France Insoumise (LFI) de Jean-Luc Melenchon, qu’il caractérise d’extrême gauche. Ainsi, il se placent comme seul rempart au danger du gauchisme, qu’il diabolise. Il dit que cette gauche souhaite laisser entrer toutes les personnes migrantes étrangères, que ça serait la ruine économique, que ce sont des antisémites ou encore qu’ils seraient promusulmans.
Cette désinformation fut confirmée, car le Conseil d’État a reconnu officiellement le Nouveau Front Populaire NFP (alliance des partis de gauches) et LFI comme étant des partis de gauche et non pas d’extrême gauche, à l’inverse du RN qui a été identifié comme d’extrême droite.
Le discours électoral du RN : mythes et réalité
Lorsqu’on interroge les personnes qui votent RN, trois discours principaux ressortent : le RN a changé, le NFP n’est pas économiquement fiable et enfin, on n’a jamais essayé le RN.
- « Le NFP serait la ruine économique du pays »
Le NFP serait la ruine économique, car il a pour ambition d’augmenter de plus de 14 % le SMIC (Salaire minimum) à 1600 €, soit environ 2 400 $ CAN par mois (actuellement à 1400 €) et de réduire la retraite à 60 ans. Deux facteurs coûteux, que le NFP compte amortir en introduisant un dispositif d’impôt par paliers plutôt qu’un impôt fixe sur le revenu et en instaurant un impôt sur la fortune. Le principe est simple ! Récupérer l’argent chez les nantis, particulièrement les 1 % les plus riches, et baisser les contributions pour les plus pauvres. Une proposition perçu par beaucoup comme un système injuste envers les plus aisés, mais aussi favorisant l’assistanat.
Mais qu’en est-il réellement ? Le NFP a monté son programme sur les recommandations de plusieurs économistes renommés, qui ont tous reconnu le projet comme viable et financièrement plus enrichissant que celui du RN. Le NFP propose une politique de relance, orientée sur l’accroissement du pouvoir d’achat, particulièrement celui des classes les plus précaires. Ces derniers auront tendance à dépenser et à consommer plus, ce qui contribuerait à relancer l’économie. Par exemple, si l’on donne 100 euros de plus à quelqu’un qui est au SMIC, il va potentiellement en débourser 95. En revanche, si on accorde la même chose à des personnes très aisées, elles vont probablement ne rien dépenser et épargner cette somme.
- « Mais les riches vont quitter le pays ? »
Les études et les exemples passés ont montré qu’une augmentation d’impôt n’engendre pas une fuite des gens les plus prospères d’une région. En effet, bien souvent, ils ne renonceraient pas à leurs familles et à leurs vies pour cette raison. D’autres diront : « il semble injuste qu’ils doivent payer davantage, car ils ont mérité cet argent grâce à leur travail. » Les chiffres de l’IPP (Institut des politiques publiques) démontrent que les personnes payant le plus d’impôt proviennent en réalité de la classe moyenne. Les gens les plus aisés, particulièrement les 0,1 %, seraient plus sujets aux exemptions d’impôts ou aux évasions fiscales. De ce fait, rien que s’assurer que les impôts soient payés par tous, c’est déjà une rentrée de capitaux de plusieurs milliards d’euros.
- « On n’a jamais essayé ! »
D’abord, cette affirmation n’est que partiellement vraie, car certaines villes de France ont testé et payé les frais, comme Toulon en 1995. Aussi, on peut regarder comment se passe l’existence sous un régime d’extrême droite dans le voisinage de la France, du côté de la population italienne. C’est un recul des droits sociaux, avec notamment le retrait du « revenu de citoyenneté », soit les aides sociales. Mais aussi une régression des libertés des femmes, avec un durcissement de l’accès à l’IVG. Ou encore, une bataille contre les personnes LGBTQ+ avec la criminalisation de la GPA (gestation pour autrui), permettant aux couples homosexuels d’avoir des enfants.