L’administration Biden refuse de considérer des milliers d’Haïtiens arrivés au Texas comme des réfugiés ; elle ne les autorise pas à demander l’asile, en prenant appui sur un décret de l’ère Trump. Les expulsions massives se poursuivent.
On croirait ces images tirées d’un livre d’histoire : des hommes à cheval pourchassant des hommes noirs, faisant claquer leurs rênes pour les effrayer comme s’il s’agissait de fouets. Ces photographies ont pourtant été prises ces derniers jours à Del Rio au Texas, près de la frontière avec le Mexique. Les cavaliers appartiennent aux patrouilles équestres de la police des frontières ; les pourchassés sont des migrants haïtiens. Elles ont soulevé, outre-Atlantique, un sentiment de révolte et de dégoût et suscité, du côté de l’administration Biden, un embarras manifeste. « C’est horrible à regarder, a admis la porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki. Je ne connais pas le contexte, mais je ne vois pas dans quel cadre ce serait approprié. »
L’auteur des clichés, Paul Ratje, photojournaliste travaillant pour l’AFP, a décrit le « contexte » : la scène se déroulait alors que des migrants se lavaient dans le Rio Grande – qui trace la frontière entre les deux pays – ou traversaient le fleuve pour aller chercher des vivres, moins chers au Mexique. Cinq ou six agents à cheval sont alors arrivés, pour leur intimer l’ordre de retourner au Mexique. « La situation était tendue et les migrants ont commencé à courir pour les contourner, a-t-il relaté. Un des agents a attrapé l’homme de la photo par le tee-shirt. » « Je n’ai pas vu de coups de fouet, mais les agents ont fait tournoyer leurs rênes », a-t-il ajouté.
La promesse d’une enquête
Le chef des gardes-frontières, Raul Ortiz, a tenté de livrer cette explication à la presse : « Je leur ai demandé de chercher si des individus étaient en détresse et de rassembler des renseignements sur des passeurs. » « Contrôler un cheval dans un fleuve est difficile », a-t-il fait valoir.
Son ministre de tutelle, Alejandro Mayorkas, chargé de la sécurité intérieure, a promis qu’une enquête serait conduite, avant de réaffirmer que l’administration Biden ne changerait pas de position : « Nous avons répété que nos frontières ne sont pas ouvertes et que les gens ne devraient pas entreprendre un tel voyage dangereux. » « Si vous venez de manière illégale aux États-Unis, vous serez renvoyés », a menacé le ministre, dont les parents sont arrivés de Cuba en Floride comme migrants. Sans attendre, le secrétaire d’État Antony Blinken a appelé le premier ministre haïtien, Ariel Henry, prié de se conformer à « la coopération afin de rapatrier les migrants haïtiens au sud de la frontière des États-Unis ».
Trois charters en deux heures
Suite au séisme qui avait ravagé, le 14 août, la moitié sud de Haïti, les États-Unis avaient suspendu les expulsions de ressortissants de ce pays déjà meurtri par la violence des gangs et l’instabilité politique extrême entretenue par les ingérences étrangères, à commencer par celle de Washington. Ce temps est révolu : l’afflux, à la frontière, de plusieurs milliers de migrants haïtiens, arrivés là au terme d’un épuisant et dangereux périple, a provoqué une brutale volte-face. En moins de deux heures, dimanche, trois charters partis du Texas ont atterri à Port-au-Prince, l’administration Biden annonçant une « montée en puissance » de ces expulsions.
Selon les manifestes des trois vols consultés par l’AFP, près de la moitié des 327 personnes expulsées dimanche ont moins de 5 ans ; tous sont nés hors de Haïti…