À 16 000 km de distance de Paris, Tahiti se prépare à accueillir pour la première fois, cet été 2024, les épreuves olympiques de surf, sur la vague emblématique de Teahupo’o. L’organisation de ces Jeux représente un défi logistique majeur sur cette île de 1 042 km carrés et d’environ 200 000 habitant.es. D’un côté, il y a une question de sécurité, avec la nécessité de mettre en place des infrastructures sportives qui répondent aux normes. De l’autre, il y a l’enjeu de la préservation de l’environnement naturel du site. Cette dualité entre la mise en place des Jeux et la protection de l’écosystème soulève beaucoup de débats et de contestations de la part de la population locale.
Une tour de contrôle qui fait polémique
Ce site de surf mondialement connu pour sa vague mythique dispose déjà d’une tour en bois utilisée chaque année par les juges de la World Surf League. Seulement, celle-ci ne respecterait plus les normes de sécurité depuis plus de 10 ans, selon un audit réalisé en 2008 par Veritas. Le comité des JO a donc décidé de la remplacer par une structure en aluminium.
Cette nouvelle tour doit pouvoir accueillir une quarantaine de juges et médias lors des épreuves prévues du 27 au 30 juillet 2024. L’installation en plein lagon de cette nouvelle infrastructure alarme les habitant.es et les associations pour l’environnement, sur une possible destruction des coraux et de la flore maritime.
La diffusion d’une vidéo, lors des essais techniques de décembre 2023, montrant une barge en train de briser accidentellement du corail, est venue provoquer l’indignation des défenseur.es de l’environnement et de nombreux habitants. Beaucoup ont manifesté pour l’abolition du projet, allant de la marche pacifique, jusqu’à la mise en place d’une pétition de plus de 250 000 signataires. Plusieurs personnalités se sont aussi positionnées en défaveur de cette architecture, notamment le surfeur Kelly Slater ou encore le surfeur Matahi Drollet avec sa vidéo visionnée plus de 20 millions de fois.
Que craignent les associations et les surfeur.es locaux ?
Ces opposant.es dénoncent la création d’une « tour surdimensionnée par rapport à sa fonction », avec des commodités superflues comme la climatisation. Ils craignent aussi que l’installation de douze plots sous-marins en béton armé vienne détériorer les lieux. Le tout pour seulement quatre jours de compétition.
« Les risques sont simples et mauvais : la destruction du récif a un impact négatif sur l’écosystème marin qui pourrait perturber l’ensemble de la vie marine et venir propager ce que l’on appelle la ciguatera (une maladie qui contamine les poissons) » explique Matahi Drollet dans sa vidéo.
Il y a aussi un aspect social, car nombreux sont les pêcheur.es qui vivent de cette faune marine. Leur niveau de vie sera impacté en cas de détérioration de l’habitat naturel. Une grande inquiétude subsiste : est-ce que la fragilisation du récif entraînera une modification, voire une disparition de la mythique vague ?
Qu’en est-il aujourd’hui ?
En réponse à cette polémique, le gouvernement polynésien avait décidé de suspendre les travaux en décembre et de réévaluer l’approche environnementale de l’événement. La Fédération internationale de surf (ISA) avait proposé des alternatives, comme l’utilisation de drones pour les juges, mais cette proposition a été rejetée par le Comité d’organisation des Jeux olympiques. Malgré les défis et les controverses, le gouvernement polynésien maintient son engagement à organiser ces épreuves de surf olympique avec sa tour en aluminium.
Pour apaiser les inquiétudes, des modifications ont été apportées au projet initial. La nouvelle tour, supervisée par Pascal Luciani (membre de l’équipe Paris 2024 à Tahiti impliqué depuis des années dans l’organisation de la World Surf League) et Moana David (constructeur de la tour en bois), respectera des critères plus stricts en matière de préservation environnementale. Elle sera plus légère (de 14 à 9 tonnes) et réduite en taille. Sa superficie sera réduite de 50 m² pour revenir à la taille de l’ancienne tour en bois.De plus, les fondations existantes ne seront finalement pas modifiées et les nouvelles structures seront intégrées dans les intervalles des plots déjà en place. Cette tour allégée permettra de réduire la profondeur de forage et le câble prévu pour fournir l’électricité sera démonté après les Jeux. Ils ont aussi obligé l’utilisation d’une barge plus petite, accompagnée d’un travail de balisage pour créer un chenal permettant de ne pas abîmer les coraux. Le calendrier des travaux doit aboutir à une tour fonctionnelle le 13 mai, quelques jours avant l’étape du tour mondial de la World Surf League (WSL). Cette compétition fera figure de test avant l’épreuve des Jeux olympiques à l’été.
Toutefois, l’enjeu environnemental reste entier. Malgré les précautions, au cours des dernières semaines de travaux, « il y a eu quatorze impacts sur le corail » a avoué Pascal Luciani.