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Marie-Michaelle Vadeboncoeur, correspondante en stage

Avec la reprise des opérations militaires israéliennes le 18 mars dernier, suite à deux mois sans bombardements, Israël poursuit sans relâche son entreprise génocidaire contre le peuple palestinien. « C’est pour ça que c’est une guerre génocidaire, parce qu’on est déjà au-delà des 50 000 morts recensés [qui] doit être multiplié au moins par quatre pour avoir le nombre plus général des morts directs et indirects […].C’est une hécatombe absolument abominable », affirme le professeur et auteur Gilbert Achcar, en entrevue enregistrée avec Diane Lamoureux de la Coalition du Québec URGENCE Palestine.

Le 2 avril dernier, la Coalition Québec Urgence Palestine organisait sa troisième soirée d’information portant sur l’analyse des racines du génocide qui sévit à Gaza depuis maintenant 18 mois. Sur un total de cinq présentations informatives de l’organisme, celle-ci se penchait sur les piliers des enjeux géopolitiques complexes en Palestine avec les invités de renoms soit Gilbert Achcar, professeur émérite à l’Université de Londres et auteur ainsi que le professeur d’anthropologie et de sociologie à l’Université Carleton et chercher à l’Institut français du Proche-Orient, Jean-Michel Landry était également invité.

La Palestine et le monde aujourd’hui

Depuis 1967, les États-Unis soutiennent fermement Israël, un appui qui n’a cessé de croître jusqu’à atteindre un niveau sans précédent. Ce soutien contribue à déstabiliser l’ordre international, un phénomène amplifié par le retour de Donald Trump au pouvoir et sa politique extrémiste et fasciste. « Ça donne lieu à une convergence entre les États-Unis et la Russie, vu les affinités entre les néofascistes américains et le régime néofasciste de Poutine. […] c’est ce qu’on va appeler le grand chambardement des relations internationales », affirme en entrevue le professeur et l’auteur, Gilbert Achcar. Sous la présidence de Joe Biden, les liens entre les États-Unis et Israël se sont renforcés, notamment à travers le soutien américain au conflit à Gaza, ce qui a fragilisé l’ordre libéral international. Toutefois, cette situation reste moins extrême que celle observée sous l’administration de Donald Trump.  « […] Trump est en train de détricoter complètement tout l’ordre atlantiste qui avait été mis en place depuis 1945, tout le système d’alliance des États-Unis qui était sur la base soi-disant de la défense du monde libre contre l’Union soviétique », martèle Gilbert Achcar.

La domination britannique de 1922

Dans un premier temps, le professeur et chercheur d’anthropologie et de sociologie, Jean-Michel Landry a présenté les dynamiques géopolitiques en Palestine d’hier à aujourd’hui en s’appuyant sur quatre périodes charnières de l’évolution du conflit, soit 1922, 1967, 1982 et 2000.

En 1922, la Palestine devient une entité politique distincte, après avoir été une région de l’Empire ottoman avant la Première Guerre mondiale. À la suite de la défaite ottomane, les puissances européennes se partagent le Moyen-Orient, donnant naissance à des États sous tutelles. Donc la Palestine devient alors une colonie britannique appelée « Palestine mandataire » administrée par le Royaume-Uni. Le Royaume-Uni y promet la création d’un foyer national juif, excluant les Palestiniens du pouvoir et de leurs droits politiques. Seuls les Juifs sont alors reconnus comme ayant un lien légitime avec la terre. Ce mandat pose les bases de l’État israélien, malgré l’opposition palestinienne violemment réprimée.

1967 la guerre de six jours, l’appui américain

La Naksa signifie donc en arabe « la rechute » et par le fait même la guerre de six jours en 1967. Cette guerre gagnée par Israël à opposer celui-ci « […] à une coalition de pays arabes, dont l’Égypte, la Syrie et la Jordanie. Cette guerre […] a permis à Israël d’occuper encore plus de territoires, ce qui s’est traduit par un exode palestinien. 30 000 Palestiniens sont maintenant réfugiés, ont été déplacés dans des pays limitrophes ou à l’intérieur de ce qui reste de la Palestine ». Cette année symbolise ainsi le déclin de la solidarité des pays arabes envers la Palestine qui perdurait depuis 1948. Cette lutte identitaire et politique « […] sera dorénavant portée par les Palestiniens eux-mêmes. Et non principalement par les gouvernements arabes. On peut donc dire qu’en 1967, Israël a défait la coalition de pays arabes, mais elle a paradoxalement ressuscité les Palestiniens », témoigne avec ferveur Jean Michel Landry.

L’année 1967 constitue également un tournant majeur dans les relations entre Israël et les États-Unis, ces derniers devenant le principal allié de l’État israélien. Dès lors, Israël cesse de dépendre du soutien britannique et s’appuie désormais principalement sur l’aide américaine, une dynamique qui perdure encore aujourd’hui. L’année 1967 marque aussi le retour de la question palestinienne sur la scène internationale, avec l’émergence de nouveaux acteurs politiques tels que l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et le Front de libération de la Palestine.

L’invasion israélienne au Liban en 1982

Jean-Michel Landry souligne que l’année 1982 marque un tournant dans le conflit palestinien avec l’invasion israélienne du Liban déjà plongé dans une guerre civile. L’OLP, alors principale force de résistance de la cause palestinienne mène des attaques du Liban contre Israël depuis plus de dix ans. Elle est contrainte à quitter le Liban en raison de l’offensive israélienne au Liban qui veut éliminer cette menace à sa sécurité. Exilée à Tunis, l’OLP se retrouve diplomatiquement isolée et voit son soutien régional décliner, notamment face à l’hostilité de la Syrie. Le retrait de l’OLP ouvre la voie à l’émergence du Hezbollah, un mouvement chiite armé, qui prend le relais de la lutte contre l’occupation israélienne au Liban. Ce groupe politique et militaire, radicalement opposé à Israël et à l’Occident, s’impose progressivement comme un acteur central de la violente offensive israélienne au Liban. Ainsi, le Liban devient une nouvelle scène du conflit israélo-palestinien, élargissant et complexifiant les dynamiques régionales.

Sur le plan géopolitique, « […] les régimes arabes sont désolidarisés plus que jamais de la cause palestinienne. Et les États-Unis sont plus puissants que jamais dans la région […], mais aussi plus accommodants envers Israël », martèle Jean Michel Landry.

La seconde Intifada

Entre 1982 et 2000, d’importants bouleversements géopolitiques, tels que la chute de l’URSS et la fin de la guerre froide, redéfinissent l’ordre mondial, désormais dominé par les États-Unis. En 1987, la première Intifada éclate, marquant le soulèvement populaire palestinien contre l’occupation israélienne. La seconde Intifada, encore plus violente, survient en 2000, dans un contexte de fortes tensions géopolitiques, exacerbées par l’échec du processus de paix et l’incapacité des négociations, malgré les accords d’Oslo. Cette période met en lumière un paradoxe : les États-Unis, intervenant au nom du droit international, relancent ainsi la question de son application en Palestine, ce qui contribue à la reprise des négociations des accords d’Oslo.

Sous l’occupation israélienne, les Palestiniens vivent dans des conditions précaires, ce qui alimente leur frustration et leurs revendications. Cela mène à des affrontements violents, des attaques suicides et une répression sévère de la part d’Israël. La seconde Intifada, marquée par des milliers de morts palestiniens, signe la fin des négociations de paix et la radicalisation des deux côtés. L’espoir d’un État palestinien devient de plus en plus lointain, renforçant le désespoir palestinien et favorisant la montée en puissance du Hamas. « Le Hamas capitalise sur l’échec du processus de paix, critique l’idée même de négocier avec Israël et maintient la seconde Intifada en vie. Cette seconde Intifada est encore plus meurtrière, plus importante, plus violente que la première », ajoute monsieur Landry.

La quatrième soirée d’information, de la Coalition du Québec Urgence Palestine aura lieu le 23 avril et portera sur l’hypocrisie de la politique canadienne. La cinquième se tiendra le 14 mai et sera consacrée aux mouvements de résistance palestinienne.