L’Orient-Le Jour, 15 février 2021
– Président du Conseil d’État (maronite),
– Commissaire du gouvernement auprès du Conseil (chiite),
– Présidents des quatre autres chambres (chiite, sunnite, maronite et orthodoxe).
Ceci a non seulement imposé cette formule confessionnelle, mais aussi toute une confessionnalisation dans la répartition des chambres. C’est ainsi que la deuxième chambre est devenue la chambre sunnite, la troisième chiite, la quatrième maronite et la cinquième orthodoxe.
Avant 1990, cette tradition jouissait encore d’une certaine souplesse. Ainsi, un juge sunnite (Wafic al-Kassar) a été nommé à la tête du Conseil d’État dans les années 1950. Cependant, l’intensification du système des quotas politico-sectaires après la guerre civile a donné un aspect confessionnel à de nombreuses chambres. La même chose s’est produite dans la juridiction judiciaire, où la flexibilité qui avait conduit à la fin des années 80 à la nomination d’un juge sunnite, le défunt Atef al-Nakib, à la tête du Conseil supérieur de la magistrature a été complètement abandonnée.
Il convient de noter ici que cette répartition confessionnelle est en violation totale des dispositions de l’article 95 de la Constitution (modifié par la loi constitutionnelle du 21 septembre 1990, en application de l’accord de Taëf), étant donné que ledit article prévoit un équilibre dans la répartition confessionnelle pour les fonctions de première catégorie ou leur équivalent, et interdit de réserver une fonction à une communauté déterminée.
Cette pratique confessionnelle a ouvert grand la porte aux demandes récurrentes d’établir un certain équilibre d’influence entre les juges des différentes communautés. On constate notamment des revendications relatives à l’ajout de deux chambres, l’une présidé par un juge grecque-catholique et l’autre par un juge druze. Un projet de loi a été élaboré dans ce sens, mais il a été rejeté au sein de la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice.
Le confessionnalisme au Bureau du Conseil
En effet, comme expliqué précédemment, l’occupation des postes à responsabilité par des magistrats appartenant à des communautés déterminées est la raison pour laquelle le confessionnalisme règne au sein du Bureau du Conseil. Ce bureau est composé du président, du commissaire de gouvernement et des présidents des chambres. À ceux-ci s’ajoute le chef du service d’Inspection judiciaire (qui est sunnite, selon la pratique). En conséquence, le Bureau est composé de 7 membres (un maronite, un orthodoxe, deux sunnites et deux chiites).
La structure du Bureau constitue à présent une exception, vu que le nombre de ses membres n’est pas pair et qu’une représentation équitable est pratiquement impossible. Ceci pourrait être interprété sous deux angles:
Premièrement, les pouvoirs exceptionnels conférés au président du Conseil d’État, et qui prévalent sur ceux du Bureau. Par ailleurs, il jouit d’une voix prépondérante en ce qui concerne les décisions du Bureau, chaque fois que les voix de ses membres sont à égalité ;
Deuxièmement, le nombre des membres du Bureau est censé devenir pair après la création des tribunaux administratifs dans les mohafazats, conformément à la loi no 227/2000 qui prévoit d’inclure les trois présidents les plus hauts gradés des tribunaux administratifs des mohafazats. Il est donc prévu que l’expansion du Bureau de cette manière, conformément aux pratiques qui ont eu lieu jusqu’à présent, s’accompagne de l’aboutissement du confessionnalisme d’une manière qui mènerait à une représentation des communautés non représentées actuellement (catholiques, druzes). Ceci assurerait une répartition à égalité en veillant à ce que le troisième membre supplémentaire provienne d’une communauté chrétienne (un maronite ou probablement un orthodoxe).
Cette réalité pose une problématique majeure. Elle constituerait une voie assurée vers la politisation du Bureau du Conseil et le transformerait en un prolongement de la structure du système politique, particulièrement à la lumière de la nomination des membres du Bureau par le gouvernement, composé lui-même sur la base d’un partage du pouvoir entre des dirigeants ayant une légitimité communautaire. Cela empêcherait également des juges de certaines communautés de pouvoir accéder à des postes de responsabilité, et ferait prévaloir le critère d’affiliation confessionnelle sur le principe de compétence.