Une rue à Qana au Liban - photo Amléie David pour le journal

Amélie David, correspondante à Beyrouth

Depuis le 27 novembre, un cessez-le-feu est en cours au Liban entre le Hezbollah et Israël après plus d’un an de guerre qui a entraîné la mort de plus de 4000 personnes, fait plus de 16 000 blessés et près de 1,2 million de personnes déplacées. Pour ceux et pour celles qui ont rejoint leurs villages du sud, la vie reprend doucement son cours au milieu des décombres. Mais d’autres n’ont pas encore retrouvé leurs foyers. Reportage à Qana et à Tyr.

Qana a été une ville martyre trois fois : en 1996, en 2006, puis en 2024. En 1996, 106 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été massacrées par l’armée israélienne qui s’était réfugiée dans un camp de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL). Dix ans plus tard, lors de la guerre de 33 jours entre le Hezbollah et Israël en juillet 2006, 38 personnes sont mortes sous les bombes israéliennes. Les massacres restent gravés dans la mémoire collective des personnes. «Je me souviens, ils ont bombardé, il y a eu beaucoup de martyr.es dont des femmes et des enfants», explique Hussein Ammas qui tient un café dans le centre de la ville.

D’après le maire de Qana, Mohammed Kresht, cette guerre de 2024 a été d’une brutalité sans précédent cependant, même si le nombre de morts reste inférieur. D’après ses chiffres, 1500 maisons ont été rasées par les attaques israéliennes et une quinzaine de personnes sont mortes. «De toutes les guerres que nous avons vécues, aucune ne se compare à 2024. Par son agressivité, par sa destruction, par la longueur de cette guerre…», souligne le premier élu. Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, la grande majorité de la population, sur les 20 000 que compte la ville, est revenue. Maintenant, l’heure est à la reconstruction.

Du verre et des vies brisés

Miriam dans son magasin à Qana – photo Amélie David pour le journal

Près du café d’Hussein, Miriam nettoie l’intérieur de son magasin de vêtements. La majeure partie de son intérieur a été soufflé par l’explosion. Seuls quelques vêtements sont encore accrochés à des présentoirs. Le verre brisé est partout. «Le plus important, c’est que nos enfants aillent bien. Le reste, si Dieu le veut, avec un peu de temps, ira encore mieux qu’avant», explique cette habitante, qui avait fui vers le nord du Liban pendant la guerre.

Hussein, lui, a trouvé un logement temporaire en attendant de reconstruire sa maison. Son habitation a été complètement détruite, il ne reste plus rien. Mais le sexagénaire se veut combattif. «Nous sommes habitué.es à la guerre. Que nous mourions aujourd’hui ou dans 100 ans, c’est la même chose. C’est notre terre. Même si tous nos enfants deviennent martyrs, nous resterons ici», lance-t-il en servant un café. Si ce dernier et Miriam ont pu rentrer à leur domicile, ce n’est pas encore le cas de toutes les personnes déplacées. À Tyr, il y a encore 600 personnes déplacées sur les 800 accueillies dernièrement, qui dorment dans les 6 refuges de la ville.

L’impossible retour?

Salwa, originaire de Boustane, est l’une d’entre elles. Elle est arrivée dans les premiers jours de la guerre entre le Hezbollah et Israël, commencée le 8 octobre 2023. Aujourd’hui, elle reste encore dans cette école. Son village se situe à la frontière avec la Palestine occupée et, malgré l’accord de cessez-le-feu, les bombardements restent fréquents. L’armée libanaise lui interdit d’y retourner. L’État hébreu menace constamment la population de ces villages frontaliers de ce qui pourrait leur arriver s’ils y revenaient et des couvre-feux leur sont imposés. «Nous ne pouvons pas y retourner, il n’y a plus rien là-bas, notre maison a été détruite et nous n’avons plus de travail», insiste la mère de famille, entourée d’autres personnes du sud qui vivent la même situation. Pour l’heure, le gouvernement a décidé d’un plan de déploiement de l’armée. Les indemnités se font encore attendre. Mais le Hezbollah a commencé à distribuer quelques aides.

Depuis le début du cessez-le-feu, de nombreuses violations de l’accord par l’armée israélienne ont été recensées par l’armée libanaise et les médias locaux. Le cessez-le-feu semble toujours précaire, même si l’armée de l’État hébreu a entamé son retrait du Liban-Sud et est sortie de Khiam. Il reste encore plus d’une trentaine de jours pour trouver un accord de paix durable entre le Hezbollah et l’armée israélienne. Maintenant, les yeux sont maintenant rivés plus à l’est, du côté de la Syrie où le régime de Bachar Al-Assad vient d’être renversé. Au Liban, toujours est-il que le drone israélien, lui, bourdonne encore dans le sud, mais aussi dans le ciel de Beyrouth et semble ne pas vouloir laisser de répit à la population. Rappeler la menace, encore et toujours.

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Amélie David
Amélie David est journaliste indépendante installée au Liban depuis juillet 2023. Son projet de départ était de couvrir les conséquences des changements climatiques dans cette partie du monde. Mais, après le 7 octobre 2023, elle a réorienté ses projets. Correspondante et collaboratrice pour le Journal des Alternatives depuis un an, elle nous fait aujourd’hui l’honneur de nous offrir une chronique personnelle sur cette guerre qu’Israël mène au Liban, contre le Liban, que beaucoup refusent de voir. Avec sa chronique, elle présentera sa réflexion, mais aussi son émotion et le sentiment qui l’habite semaine après semaine.