Jad Kabbanji, 4 avril 2021
Le docteur Mohamed Ajami est décédé le dimanche 28 mars dernier dans un accident de voiture. C’est la dernière victime emblématique de la crise systémique qui frappe le Liban. Victime des routes pleines de nids de poules, victime du manque d’électricité sur le réseau routier et victime d’un système de santé en pleine déliquescence. Alors qu’il est sorti vivant de l’accident, il s’est vu refuser l’accès aux soins de santé parce qu’il ne disposait pas assez d’argent pour se faire soigner à l’hôpital. Il est resté trois heures à attendre que son fils rassemble les 40 dollars exigés. Cette attente lui fut fatale.
Le docteur Ajami est une figure de proue du soulèvement du 17 octobre 2019. Depuis le début du mouvement de protestation, il n’a pas quitté la rue, étant présent à presque tous les rassemblements dans sa ville au Sud Liban, Tyr. Il était connu dans tous les bastions du soulèvement pour son engouement, sa volonté de fer et son engagement révolutionnaire. Son accident de voiture est survenu alors qu’il était de retour d’une manifestation nationale à Beyrouth. Cette manifestation fait partie d’une série de protestations populaires survenues au cours des dernières semaines qui est appelée à être amplifiée au cours des mois à venir.
Le principal message de cette manifestation est qu’il faut désormais passer à une seconde phase du soulèvement. En effet, le mouvement révolutionnaire au Liban qui a débuté le 17 octobre 2019 se caractérise par un éveil des masses à leur sort alors que le système politique, économique et social est en train de s’effondrer. Aujourd’hui, si on veut venir à bout de ce système, il faut une meilleure organisation de la rue, une structuration des forces politiques qui exigent un changement radical du système et la mise en place d’un programme commun de l’opposition.
Effectivement, depuis quelques mois, on assiste à des initiatives d’unification des forces d’opposition au tour d’un programme commun. Cette alliance est composée de partis politiques de gauche et non confessionnels, de syndicats indépendants du pouvoir et de mouvements de la société civile œuvrant pour le changement en profondeur du système. Son programme tourne autour de deux principales revendications : la citoyenneté comme base unique du système politique représentatif et plus largement, la réalisation d’une justice sociale comme condition essentielle pour aboutir à un nouveau pacte national.
Cette évolution qualitative du mouvement de protestation est une condition sine qua non du triomphe d’un soulèvement qui doit se transformer en révolution. Un vœu cher au docteur Ajami.
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