Gilberto López y Rivas, La Jornada (Mexico), 6 juillet 2018
Sans aucun doute, nous vivons un moment historique au Mexique contemporain, car pour la première fois depuis de nombreuses décennies, la volonté populaire exprimée lors des scrutins était respectée; il n’a pas eu de fraude d’État, ni la chute du système ; c’est une conquête transcendante du peuple mexicain.
Cette transition résulte trois facteurs interdépendants qui ont empêché l’imposition de la fraude traditionnelle de l’État:
- La participation citoyenne extraordinaire de plus de 60% des électeurs inscrits.
- La fracture de la classe politique entre les deux principaux partis, le PRI et le PAN, dont les divisions internes se sont approfondies pendant la campagne.
- Le vote de la punition de millions d’électeurs qui ont réclamé le changement.
Cependant, la transitionmet en évidence la capacité de l’État à se reconstituer : le triomphe de l’intervention massive des citoyens s’est rapidement transformée en « victoire des institutions » et du « système démocratique ». On met de côté la violence déployée tout au long du processus électoral, de même que les 132 candidats assassinés.
Avec la séquence des événements qui culminent avec le message d’Enrique Peña Nieto et le discours de conciliation d’AMLO, on annonce un l’absence de punition pour les crimes du gouvernement sortant d’État et contre l’humanité, ou des litiges criminels sur le pillage visible de la trésorerie et la complicité évidente des trois niveaux de gouvernement avec le crime organisé.
En même temps, il est significatif que dans son premier discours, AMLO envoie un message aux élites pour leur promettre qu’il ne prendra pas de « mesures radicales » : « les contrats seront respectés, a-t-il dit, et il n’y aura pas d’expropriations ».
L’idée directrice de la campagne d’AMLO a été la corruption ignorant le fait que la pierre angulaire est l’expropriation du travail de la classe ouvrière et la dépossession des ressources. Cela est problématique pour ceux qui veulent aborder les revendications des peuples originels contre le processus de recolonisation des territoires par les transnationales capitalistes, tel que présenté par le Conseil du gouvernement indigène (CIG) et sa porte-parole durant la campagne électorale, Marichuy. Le fait de dire que tout ira bien pour les compagnies minières, les raffineries, les projets routiers, les trains à grande vitesse sont de mauvais signes pour les premiers peuples.
Selon Marichuy, la démocratie représentative est restreinte du fait que la participation des citoyens est concentrée sur un seul jour. Par conséquent, les questions publiques restent le monopole d’une classe de politiciens professionnels. D’un autre côté, l’EZLN et le CIG proposent un nouveau type de démocratie, fondée sur une construction du pouvoir et de la citoyenneté d’en bas, basée sur des termes éthiques. Il s’agit plutôt d’un nouveau pacte social et politique, pour transformer tous les domaines et les ordres de la vie. La lutte pour cette démocratie se poursuivra au coude à coude avec les peuples.